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Odermatt: «Je m'attends à finir sur le podium à presque chaque course»

Marco Odermatt domine magistralement la saison de ski alpin.
Marco Odermatt domine magistralement la saison de ski alpin.Image: sda
Interview

Odermatt: «Je m'attends à finir sur le podium à presque chaque course»

Avant les grandes épreuves d'Adelboden et de Wengen, le dominateur de la Coupe du monde nous parle de son instinct, de ses décisions en course et de sa confiance en soi.
06.01.2023, 18:3607.01.2023, 11:08
rainer sommerhalder
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Mentalement, quelle victoire fut la plus difficile l'hiver dernier: Adelboden ou les Jeux olympiques?
Marco Odermatt: Adelboden! C'était plus difficile car c'était mon grand objectif de l'hiver. Le contexte d'une course à domicile, avec tous les fans optimistes et mes résultats prometteurs, a considérablement augmenté la pression. En même temps, aux Jeux olympiques, ça m'a aidé d'avoir su gérer Adelboden.

Et quel succès a le plus compté à vos yeux?
Avant, j'aurais clairement dit Adelboden. Quand je repense aux émotions après la ligne d'arrivée, je n'ai jamais rien connu d'aussi fort. Mais avec le recul, je peux le dire aujourd'hui: un sacre olympique est la plus belle chose qu'un athlète puisse obtenir. La portée de cette médaille d'or va bien au-delà de notre propre sport. Je m'en rends compte aussi quand je regarde les bilans annuels dans les médias. J'aurais réussi une belle saison avec l'argent aux Jeux olympiques et pourtant, je n'aurais pas été jugé pareil. Cela dit, émotionnellement, Adelboden reste une sensation inégalée.

Qu'est-ce qui rend Adelboden si difficile pour vous?
Enfin, tout! La course et tous ses à-côtés. J'ai toujours été un peu plus nerveux à Adelboden qu'ailleurs. L'hiver dernier, j'y suis arrivé pour la première fois en grand favori. Tout le monde attendait ma victoire: le public, l'équipe, et finalement moi aussi. Avant la course, il y avait le Covid et je n'avais pas gagné. Je n'avais donc jamais vécu cette expérience devant une foule impressionnante.

Et aujourd'hui, c'est différent?
Oui, totalement. Je serai beaucoup plus calme et relâché cette année. Bien sûr, j'aimerais gagner une deuxième fois, mais je n'y suis pas obligé. J'ai cette victoire à mon CV et ça rend les choses beaucoup plus faciles. Je ne peux qu'imaginer l'excitation que je ressentirai samedi matin juste avant le départ. Mais je vais sans doute y aller doucement.

A propos d'Adelboden: qu'est-ce que ça vous fait de fêter Nouvel An en T-shirt et de voir du vert tout autour de la Klewenalp?
C'est une situation navrante. J'étais à la maison à Noël et je n'ai pratiquement rien fait pendant cinq jours. En réalité, je ne vois pas ce que j'aurais bien pu faire. Il n'y avait pas assez de neige pour une randonnée à ski et une promenade sur la Klewenalp n'était pas vraiment tentante compte tenu de la situation. Le manque de neige ne m'a pas encore affecté directement dans mon travail. Mais pour les nombreux sportifs amateurs, pour l'ensemble de l'industrie et surtout, pour les petits domaines skiables de moyenne altitude, comme Klewenalp, la situation est catastrophique. Pendant les deux semaines de Noël, qui représentent traditionnellement une partie importante du chiffre d'affaires, il n'y avait presque pas d'amateurs de sports d'hiver.

Avant la saison, vous déclariez à propos de vos performances: «A un moment donné, elles ne s'amélioreront tout simplement plus». Ce moment ne semble pas venu...
C'est vrai, je m'attendais à atteindre une limite. Mais jusqu'à présent, je constate plutôt une nouvelle progression. Il arrivera certainement un moment où le maximum sera atteint. Ce n'est pas encore le cas. La descente de Bormio, par exemple, est la première course où j'ai obtenu un meilleur résultat que l'an dernier. Cette quatrième place était tout sauf une déception pour moi. C'était suffisant pour un jour où rien n'allait. Je vois cela comme un sentiment d'accomplissement. Il y a un an, j'aurais peut-être terminé quinzième.

Vos attentes continuent de grandir au fil des victoires. Quand vous n'êtes pas sur le podium, c'est une déception et une surprise pour de nombreux observateurs. Ressentez-vous cette pression?
Non! Je suis conscient des attentes, mais je ne ressens aucune pression supplémentaire. C'est tout simplement la réalité actuelle: il est logique d'attendre que je finisse sur le podium à chaque course. Comme il est tout aussi logique de considérer que je ne finirai pas 30 fois sur le podium en 30 départs.

Néanmoins, si vous n'êtes que neuvième après une première manche de géant, vous lirez dans les médias en ligne: «Odermatt déçoit». N'est-ce pas irrespectueux à double titre: envers vous et envers la concurrence?
Absolument. Mais je pense que ça correspond au monde médiatique actuel, où tout est poussé à l'excès. Quand tout va bien, vous êtes euphorique. Quand quelque chose ne va pas, vous remettez tout en cause. Au fond, c'est la manière dont notre monde fonctionne aujourd'hui. La question de savoir dans quelle mesure cette grille de lecture est irrespectueuse pour les personnes concernées se pose en effet selon moi.

Vos propres attentes changent-elles avec vos succès?
Oui, bien sûr. Moi aussi, j'estime désormais mes chances de monter sur le podium à pratiquement chaque course, dès lors que tous les paramètres sont réunis: matériel, technique, énergie. Mais je suis assez lucide pour ne pas oublier à quel point c'est difficile. Je l'ai encore vu, par exemple, avec ma neuvième place à Alta Badia, malgré un parcours solide. Il faut être à 100% chaque jour, sinon je ne monterai pas sur le podium.

Ces dernières semaines, les départs à la retraite soudains de Feuz et Mayer ont défrayé la chronique. Cette décision en dit-elle plus sur ces deux champions ou sur les exigences des disciplines de vitesse?
Les deux! Mais ce sont des cas très différents. Concernant Beat Feuz, sa décision est 100% compréhensible à mes yeux. Je trouve sa façon de partir très cool. Pas d'adieu en finale de la Coupe du monde à Andorre devant 20 supporters, mais sur une piste où il sera au centre de l'attention. Beat a encore une fois parfaitement réussi son affaire.

Et Matthias Mayer?
Son départ soudain a été une très grosse surprise. Il y a de nombreuses spéculations sur ses raisons, mais je ne peux pas les commenter.

ABD0126_20220123 - KITZB�HEL - �STERREICH: (v.l.n.r.) Beat Feuz (AUT/1. Platz) und Marco Odermatt (SUI/2. Platz) am Sonntag, 23. J�nner 2022, im Rahmen der Abfahrt der M�nner-Siegerehrung im Zielraum  ...
Beat Feuz et Marco OdermattImage: APA/APA

Feuz et Mayer ont pris leur décision après une séance vidéo, en constatant qu'ils étaient loin de la ligne idéale.
Cela montre à quel point le ski est difficile. Il faut prendre des risques dans toutes les disciplines, mais les conséquences de nos décisions sont plus importantes encore en descente. On le voyait très bien avec Beat. Même s'il est resté cette bête de compétition, quand il diminue sa prise de risque d'un ou deux pour cent seulement, il ne se bat plus pour le podium. Peut-être que vous prenez mieux conscience de tout cela devant la vidéo, quand vous regardez d'un peu plus près la ligne que vous suivez instinctivement. Est-ce la ligne de risque absolue? Il est tout à fait possible que ce visionnage fut un moment charnière.

Décidez-vous du niveau de risque que vous voulez prendre avant le départ, ou est-ce davantage une affaire d'instinct sur le moment?
Cela se produit en course. Pendant la reconnaissance, vous étudiez les différents passages et vous décidez de la manière de les aborder. Mais la manière dont vous le faites réellement en course, par exemple en maintenant une position de recherche de vitesse sur dix mètres supplémentaires, se décide instinctivement au fil du parcours. Je ne pense pas que vous décidiez au départ du risque que vous voulez prendre.

Ces 1 ou 2% de risques supplémentaires sont-ils l'objet d'un conflit intérieur?
Non, je ne crois pas. On ne se sent jamais pareil au départ d'une course. Il y a des fois où l'on a faim et où tout semble fonctionner. Mais il arrive que ce sentiment soit nettement moins clair et que le résultat à l'arrivée soit tout de même excellent. Là, il est possible en quelque sorte d'échapper à son destin par des décisions instinctives.

Une technique très sûre et un instinct surdéveloppé.
Une technique très sûre et un instinct surdéveloppé.Image: sda

Vous avez eu un programme surchargé ces dernières semaines. On dit que l'un de vos avantages concurrentiels est votre capacité exceptionnelle à récupérer.
Exceptionnel, c'est difficile à dire. Je ne sais pas comment les autres skieurs se sentent après une course ou le lendemain. En revanche, la récupération est certainement une condition sine qua non pour viser la victoire dans plusieurs disciplines. Et ça tient beaucoup à la condition physique également. Il est bien connu que si vous êtes en pleine forme, vous récupérez plus rapidement. Vous pouvez donc dire que la capacité de récupération est l'un de mes avantages concurrentiels, Mais vous pouvez aussi dire tout simplement que c'est le fruit d'un travail acharné. Les différentes façons de récupérer ne sont pas strictes et désagréables en soi, mais ce n'est pas non plus du temps libre. Il faut un certain sens du devoir.

Dans le sport d'aujourd'hui, presque tout ce qui touche à la compétition et à l'entraînement peut être analysé scientifiquement. Or l'instinct est également un facteur de succès. Quand lui faites-vous davantage confiance qu'aux données techniques?
Il est logique pour moi que l'instinct prime. Il est plus important de me sentir bien que d'apprendre par une montre que je ne suis pas complètement en forme. Nombreux sont les sportifs aujourd'hui qui comptent sur de tels outils, notamment pendant la préparation estivale, pour établir leur programme d'entraînement. Si votre montre vous indique que vous n'êtes pas au mieux, je suis sûr que vous le ressentez également.

Donc, vous vous fiez moins à la science?
Vous ne pouvez pas vous passer de la science aujourd'hui. Moi aussi, je l'utilise énormément pour la récupération et le choix de la préparation. Il y a à peine 20 ans, la devise était: plus il y a d'entraînements et plus il y a de poids en salle de force, mieux c'est! Heureusement, le sport a évolué. La qualité de l'entraînement passe avant tout.

Die Familie Odermatt mit Marco Odermatt, mitte, beim Empfang und Saisonabschlussfeier des Schweizer Skirennfahrer Marco Odermatt in Buochs im Kanton Nidwalden am Sonntag, 10. April 2022. (KEYSTONE/Urs ...
Retour triomphal de Pékin.Image: KEYSTONE

Grâce aux GPS modernes, il est possible de mesurer avec précision la vitesse d'entrée et de sortie, ou encore les rayons de courbe, à chaque porte de géant. Jusqu'où misez-vous sur de telles technologies?
En tant qu'équipe, nous n'en sommes même pas arrivés au point où cette collecte de données est intégrée à notre entraînement quotidien. J'utilise davantage les diagnostics de performance. En revanche, je n'ai jamais analysé une courbe de géant pour savoir où sont les forces à l'œuvre et comment je devrais skier différemment pour être théoriquement plus rapide.

Donc pas de GPS à l'entraînement?
L'exception est la descente, où nous mesurons constamment la vitesse. Si je perds 5 km/h par rapport aux autres skieurs dans une portion précise, cela donne des indications sur le choix de la trajectoire en course. Cela peut aider. En fin de compte, en tant que skieur, vous ne savez jamais à 100% quel est le facteur décisif pour une victoire.

Que vous dit votre instinct pour les trois courses de l'Oberland bernois?
Ce n'est pas de mon ressort, mais j'espère déjà que les courses auront lieu. En fin de compte, dans notre sport, c'est toujours la météo qui décide si nous courons ou pas.

La question portait moins sur la météo que sur vos performances...
Je ne sais pas ce que dit mon instinct. Mais les expériences de l'année dernière me convainquent que tout est possible pour moi dans les trois courses. Pour un podium ou même une victoire, tout doit être parfait de A à Z. J'attends ces classiques avec impatience.

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