À Andratx, une ville côtière des Baléares, rien n'indique que l'Espagne a gagné le championnat d'Europe de football il y a quelques jours. Murat Yakin y passe des jours de vacances avec sa famille, et de façon plutôt anonyme. Même au Beach-Club, qui se trouve à deux minutes à pied de la résidence de vacances qu'il a louée, il est à peine reconnu. On entend soudain un homme lancer: «Muri!» Yakin regarde autour de lui et reconnaît un visage familier: celui de l'entraîneur de Xamax, Uli Forte. Celui-ci tape sur l'épaule de l'entraîneur de la Nati et le félicite, avant que Murat Yakin n'accepte de répondre à nos questions.
Murat Yakin, avec le recul, quel sentiment domine après votre élimination aux tirs au but, en quart de finale de l'Euro par l'Angleterre?
Je ne sais pas si c'est de la satisfaction ou de la frustration. C'est un mélange des deux. Il y a une certaine satisfaction d'avoir montré un grand football et d'avoir pu rendre heureux de nombreuses personnes en Suisse, c'est clair. Mais ça fait mal quand même, car tu sais qu'il y avait plus à gagner. On aurait dû saisir notre chance. Peut-être qu'au final, il faut être reconnaissant de ce que nous avons pu vivre durant le tournoi.
Y a-t-il des choses que vous feriez différemment à l'Euro?
Non, je ferais tout pareil.
Vous ne feriez pas entrer Xherdan Shaqiri plus tôt dans ce quart de finale (réd: il a été introduit à la 109e minute)?
Plus tôt, c'est-à-dire?
Au début des prolongations par exemple.
Non. Je pense qu'il est entré en jeu au bon moment. Il a d'ailleurs failli faire la décision.
Granit Xhaka n'a pas participé à la séance des tirs au but. Quand aurait-il tiré?
En onzième.
Donc après Yann Sommer?
Oui. Granit (réd: touché aux adducteurs) savait que s'il tirait et tapait fort dans le ballon, le muscle risquait de se déchirer et de se blesser plus gravement.
Comment était l'ambiance dans le vestiaire après l'élimination?
Il y a d'abord eu un sentiment de vide puis, comme je le disais avant, un mélange de satisfaction et de déception. Mais cela fait partie d'un tournoi. Les seuls qui rentrent chez eux heureux sont les Espagnols, parce qu'ils ont remporté le titre. Tous les autres ont quitté l'Euro au moins une fois en tant que perdants. À la fin, j'ai remercié les joueurs pour tout ce qu'ils avaient fait au cours des semaines précédentes. Le soir, à l'hôtel, l'ambiance était à nouveau plus positive.
Plus d'un supporter suisse a regardé la finale en se disant: «On aurait pu être à la place des Anglais».
Oui, cela aurait été possible. Mais au final, on peut aussi se réjouir de l'évolution de ces trois dernières années. Nous avons vu dernièrement une Nati qui a dominé des adversaires réputés. Nous avons fait des progrès à tous les niveaux. Nous pouvons en être fiers.
Vous avez prolongé votre aventure à la tête de l'équipe. Qui a négocié le contrat?
Moi.
Quel genre de négociateur êtes-vous?
(Il réfléchit longuement) Je négocie comme je joue aux échecs. On ne peut pas se cacher, on est obligé d'être ouvert et transparent. Mais il faut aussi un peu de tactique. Il ne faut pas que la partie adverse sache d'emblée où l'on veut en venir.
Petkovic gagnait quelques centaines de milliers de francs de plus que vous à la fin de son mandat de sept ans. Cela vous dérange-t-il?
Comment savez-vous cela?
Murat Yakin und Giorgio Contini verlängern ihre Verträge https://t.co/7eGCUtB7vn
— 🇨🇭 Nati (@nati_sfv_asf) July 12, 2024
De sources bien informées.
Je vois. Eh bien, c'est possible. Petkovic a onze ans de plus que moi et a été entraîneur national pendant plus longtemps. Mais ma plus grande motivation consiste à avoir plus de succès sportif avec la Nati que mes prédécesseurs, et non pas à gagner plus. Et puis, je suis conscient qu'en raison du Covid et de projets tels que l'Euro féminin et le Home of Football, le cadre financier de la Fédération est un peu plus restreint que sous l'ère Petkovic.
Xherdan Shaqiri a quitté la Nati. D'autres joueurs s'en iront-ils aussi?
Je regrette le départ de Shaqiri. C'est un footballeur exceptionnel et je l'apprécie aussi énormément en tant qu'homme. Mais je ne m'attends pas à ce qu'un autre joueur s'en aille aussi.
Si Yann Sommer reste, la question se posera de savoir qui gardera les buts de la Suisse lors du prochain match international en septembre?
Le numéro 1. Si nous jouons à domicile, ce sera le joueur au maillot jaune, à l'extérieur celui au maillot vert.