Le chantier de reconstruction de la piste de bobsleigh de Cortina d'Ampezzo a officiellement débuté lundi 19 février. Sur place, aucun politique n'est venu déposer la première pierre, comme initialement prévu. Il faut dire que le projet est sensible.
Il a d'abord pris du retard en raison du Covid, puis de l'incertitude générale - le Comité international olympique doutant depuis le début de la nécessité d'un tel équipement. Les infrastructures sont en effet suffisantes en Europe et l'Italie a déjà laissé à l'abandon ses pistes de bobsleigh. D'abord celle de Cortina, qui doit donc être revue, mais aussi celle de Cesana, construite pour les Jeux olympiques de Turin 2006. Plus tard, personne n'a répondu aux premiers appels d'offres, compte tenu de l'exigence du chantier et de l'augmentation des coûts des matériaux.
Le bon sens voulait que les organisateurs se tournent vers un site existant. Ils y ont songé, allant s'intéresser aux pistes de Saint-Moritz en Suisse et d'Innsbruck en Autriche.
La construction d'une piste flambant neuve, plus «light» et moins coûteuse, a donc été actée au début du mois. Elle doit désormais sortir de terre grâce au géant du BTP Pizzarotti, qui s'est lancé dans le chantier contre 81,6 millions d'euros. La Repubblica estime toutefois qu'avec les travaux annexes, les 124 millions d'euros initiaux seront atteints.
En Italie, les critiques fusent devant autant d'argent public gaspillé. Car plus tard, l'installation pourrait elle aussi être abandonnée, en raison des coûts d'exploitation et du faible intérêt pour les sports de glisse. Pire encore, la piste risque de ne pas être prête à temps. Si les Jeux débutent désormais dans moins de deux ans, le site doit être fonctionnel et certifié dans 13 mois, pour permettre la tenue des tests events en fin de saison prochaine. Un délai difficile voire impossible à tenir selon certains experts, malgré tous les efforts mis en place.
Le projet inquiète également du point de vue environnemental. La bétonisation des Alpes dans l'unique but d'accueillir les Jeux olympiques se poursuit. Le paysage local va une fois encore être transformé. On redoute les images de Cesana Torinese, plus à l'ouest.
Les travaux ont commencé timidement lundi matin dans la station de la province de Belluno en Vénétie. Il n'y avait aucune trace des travailleurs de l'entreprise Pizzarotti, ni de son sous-traitant, en charge de la mise en place des logements destinés aux ouvriers du chantier. Un premier jour de perdu.
Les politiciens, notamment Matteo Salvini, vice-président du Conseil des ministres, étaient eux aussi absents pour la pose de la première pierre symbolique. Seule Cristina Guarda, Conseillère régionale des Verts, s'est jointe à un rassemblement pacifique, organisé par plusieurs groupes de défense de l’environnement. Près de 200 personnes étaient au rendez-vous.
Les journaux italiens Il Fatto Quotidiano et La Repubblica expliquent que les autorités locales avaient anticipé les jours auparavant la fermeture de la zone - surveillée lundi par les Carabinieri et des hommes de la Digos - à l'aide de rubalise. La franchir pouvait ainsi donné lieu à une plainte pour violation de propriété privée. Une délégation a néanmoins pu approcher le tracé de la piste. Si les manifestants ont renoncé à s'attacher aux arbres, ils pourraient néanmoins tenter plus tard de ralentir l'avancée des travaux, même si les groupes semblent désormais résignés. Ceci rendrait en tout cas plus difficile encore le respect des délais.
500 mélèzes, dont certains sont centenaires, doivent être abattus pour permettre la reconstruction de la piste de bobsleigh. De quoi indigner de nombreux Italiens. Car si l'abattage de ses arbres est courant, afin de permettre à la forêt de se régénérer, et pour la qualité du bois de mélèze, utilisé à des fins de construction, cette coupe est destinée à faire naître une infrastructure contestée.
Les travaux ont été confiés à l'entreprise de Luca Ghedina. Le frère de Kristian, vice-champion du monde de descente et vainqueur de 13 épreuves de Coupe du monde, dont Kitzbühel. L'homme est connu pour avoir fièrement poursuivi une meute de loups avec sa Jeep.
L'abattage s'est fait au son d'un violoncelle. Celui du maestro Mario Brunello, qui a souhaité «donner une voix à ses arbres, exprimer un appel à la pitié, au moment où nous avons besoin de leur aide pour la planète», relate La Stampa. Installé devant un mélèze jonchant le sol, dans un décor où la neige n'est pas abondante, le musicien s'est fendu de quelques notes, massivement partagées par les médias italiens.
Buon giorno amici carissimi 🌹☀️🎶🎵
— 𝕊𝕥𝕖𝕗𝕒𝕟𝕠 💚🤍❤️🍊🍋 (@StefanoSplendo2) February 24, 2024
Il violoncellista Mario Brunello è salito a Cortina per protestare contro l'abbattimento di 200 larici per la realizzazione della pista da bob in vista delle olimpiadi 2026. pic.twitter.com/o71OggUIF3
Le Comité international olympique a quitté l'Italie vendredi. Les membres de la commission de coordination, venus contrôler les installations, ont ponctué la semaine par une conférence de presse. Ils réitèrent leur inquiétude concernant la construction de la piste de bob de Cortina.