Jusqu'à mardi, personne ne savait réellement où se tiendraient les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton des Jeux olympiques d'hiver de 2026. Pourtant, il existait bien par le passé une piste pouvant accueillir ces disciplines à Cortina d'Ampezzo. Elle avait d'ailleurs été utilisée lors des JO de 1956, mais la commune de Vénétie a cessé de l'exploiter en 2008, en raison des coûts de gestion, jugés bien trop élevés.
Les cartes ont toutefois été redistribuées en 2019 suite à l'attribution d'une partie des épreuves des Jeux olympiques de 2026 à la station italienne.
Mais les énormes investissements (finalement estimés à hauteur de 120 millions d'euros), ainsi que les difficultés rencontrées pour trouver un constructeur (personne n'a répondu à l'appel d'offre en raison de l'augmentation des prix des matériaux et du timing restreint), ont finalement conduit le gouvernement italien à renoncer au projet.
Dans ce contexte, la délocalisation des épreuves sur un site existant, à l'étranger, est apparue comme la solution idéale. C'est d'ailleurs ce plan que le Comité international olympique préconise depuis le début, estimant qu'il existe assez d'infrastructures dans les Alpes compte tenu du nombre de pratiquants. Selon l'instance, le projet de construction à Cortina n'a jamais été suffisamment viable, à l'heure où le CIO, via son Agenda 2000, demande une certaine sobriété.
Très vite, les sites de Saint-Moritz en Suisse et d'Igls en Autriche ont fait part de leur intérêt d'organiser les épreuves olympiques de bob, skeleton et luge. Gregor Stähli, directeur de l'Olympia Bob Run localisée dans les Grisons, a ainsi déposé un document de 48 pages, dans lequel il faisait l'éloge de sa piste. Le dossier, solide, rappelait les atouts de Saint-Moritz, que ce soit au niveau des transports, de la sécurité ou du parc d'hébergements. La région lombarde, qui accueillera des épreuves à Milan, Bormio et Livigno, semblait même enchantée de la délocalisation des courses en Suisse, en raison de la proximité de Saint-Moritz avec les lieux précédemment cités.
Mais devant la possible perte des compétitions, le gouvernement ultra-conservateur de Giorgia Meloni, qui mise sur le «Made in Italy», a fait machine arrière. Le choix de Cortina n'a pas été enterré, et la rénovation de la piste de Cesana Pariol, construite pour les Jeux olympiques de Turin puis abandonnée en 2012 suite à la crise économique, a même été placée à l'étude.
The Cesena Torinese bobsleigh track has been dormant since being built for the 2006 Winter Olympics but local mayor says the town could get the venue back up and running for the troubled Milan-Cortina Games in just under two years' timehttps://t.co/2JRNYeRpJz pic.twitter.com/29guV7FaXF
— AFP News Agency (@AFP) November 2, 2023
Le projet, certes moins coûteux (30 millions d'euros), a surtout mis en évidence le fiasco de 2006 et montré à quel point il était absurde de vouloir s'entêter à construire ou rénover une piste de bobsleigh en Italie pour les prochains Jeux.
Suis passée à côté de la piste de bobsleigh utilisée pour Turin à Cesana. Abandonnée. Et des bâtiments tout autour abandonnés. pic.twitter.com/8a9zFeUqHf
— valerie paumier. RESILIENCE MONTAGNE (@Valerie_Paumier) February 7, 2023
Pas de quoi freiner les organisateurs qui ont acté mardi la reconstruction de la piste de Cortina d'Ampezzo. Elle «fera revivre la longue tradition de la station dans les sports de glisse et aidera les générations futures», pouvait-on lire dans le communiqué enthousiaste de Milan-Cortina. Si cela est rendu possible, c'est parce qu'un nouvel appel d'offre plus «light» a été lancé en décembre, et qu'une entreprise basée à Parme, le géant du BTP Pizzarotti, s'est proposée pour le chantier contre un montant de 81,6 millions d'euros.
Antonio Tajani, vice-président du Conseil des Ministres et Ministre des Affaires étrangères italien, s'est félicité du maintien des épreuves au pays. Armin Zöggeler, ancien lugeur italien, aujourd’hui chef-entraîneur de l’équipe nationale, peut lui aussi se satisfaire de ce choix. Il expliquait récemment à l'agence Associated Press la nécessité d'une telle infrastructure pour le sport italien, précisant qu'Igls et Saint-Moritz ne constituaient pas de bonnes alternatives. La première piste étant trop courte pour pouvoir accueillir les épreuves olympiques, celle située dans les Grisons étant naturelle, et donc trop risquée.
Sauf revirement de situation, Cortina accueillera donc en 2026 les épreuves de bobsleigh, luge et skeleton. 18 ans après avoir abandonné sa première piste, 14 ans après la fermeture de celle de Cesana.
Pour l'heure, la situation est toujours problématique. Si l'événement est prévu dans deux ans et quelques jours, les travaux doivent être achevés d'ici mars 2025, pour que la piste soit certifiée et que les tests events puissent être organisés. Les fédérations internationales et les spécialistes craignent que les délais ne puissent être respectés. Même son de cloche du côté du CIO, qui a rappelé mercredi avec fermeté son opposition au projet de construction d'une nouvelle piste à Cortina d'Ampezzo.
Même si plus rien ne semble pouvoir empêcher les Italiens de passer à l'action, le comité d'organisation ne ferme pas totalement la porte à une alternative étrangère, en Suisse ou en Autriche. Un plan B est préservé, par précaution.
Compte tenu de la décision prise mardi (qui plus est à l’encontre des recommandations du CIO), du soutien du gouvernement italien et des avancées concrètes des dernières semaines concernant le chantier, les chances de voir la Suisse accueillir des épreuves olympiques en 2026 à Saint-Moritz s'amoindrissent. Et ceci s'apparente presque à un nouveau revers, étant donné la folie de cette construction, et le contexte qui fait qu'il y a peu, Swiss Olympic subissait un double échec pour 2030 et 2034.