Depuis quelques années, le principe suivant s'applique au tir sportif: plus le matériau des vêtements est dur, mieux c'est. Peu importe qu'il s'agisse de pantalons, de vestes ou de chaussures. C'est logique: davantage de stabilité du corps aide à viser correctement.
Mais la championne olympique Nina Christen s'y oppose, du moins en partie.
L'athlète est confronté à un dilemme mental. Le changement – aussi judicieux soit-il – pour revenir à un modèle plus souple peut déclencher un sentiment de désavantage. Conséquence: la confiance en soi diminue. De quoi impacter négativement les performances. La Nidwaldienne connaît cette situation.
En 2019, un fabricant indien a bouleversé le monde du tir. Il a recouru à un tissu plus dur que tous ceux utilisés jusqu'alors. De nombreux athlètes ont testé ces nouveaux vêtements, dont Nina Christen.
Au début, elle s'enthousiasmait pour cette «sensation de béton», jusqu'à ce que les premiers défauts apparaissent. Les proportions n'étaient pas bonnes. Mesurant seulement 160 cm, la Nidwaldienne fait figure d'exception dans le tir sportif. Son nouvel équipement n'était, dès lors, pas adapté:
Du coup, elle a même été contrainte d'accrocher son premier bouton dans la deuxième boutonnière. Un décalage qui a permis davantage de confort et, par extension, de précision au tir.
Environ cinq mois avant les Jeux olympiques de 2021 à Tokyo, Nina Christen a surmonté ce blocage psychologique. Grâce à une solution simple: elle s'est fait confectionner une nouvelle veste. Avant de faire ce choix, la jeune femme, aujourd'hui âgée de 29 ans, a eu de nombreuses discussions avec son coach. «La décision était risquée», avoue-t-elle avec du recul.
Sa nouvelle veste, plus souple, a été fabriquée en République tchèque. Du sur-mesure. Tout était parfait, même les boutons. De quoi aider la Nidwaldienne à remporter deux médailles à Tokyo: l'or à 50 mètres trois positions et le bronze à 10 mètres.
Le timing de ces JO était idéal, puisque son nouveau matériel est arrivé en parfait état au bout de quatre à cinq mois.
La tâche des athlètes consiste alors à rendre le matériau plus flexible afin qu'il s'adapte parfaitement à la forme de leur corps. Nina Christen raconte, en rigolant:
La durée de vie des vêtements neufs est une énigme. Certains tiennent plusieurs années, d'autres sont déjà trop mous après quelques mois. Il faut trouver des alternatives. «Je possède trois équipements», explique Nina Christen. L'un d'entre eux provient d'Allemagne. Et il pose un curieux problème à Christen. «Je n'arrive pas à fermer le pantalon. Ce n'est qu'après l'avoir laissé 20 minutes sur la peau chaude que ça marche.» Car, oui, la chaleur étire le matériau.
Outre l'Allemagne et l'Inde, les plus grands fabricants de vêtements pour le tir sont basés en République tchèque, en Corée du Sud et en Finlande. S'y ajoutent quelques fournisseurs locaux. L'un d'entre eux a son magasin à Kriens (LU).
Il y a un peu plus de dix ans, la championne olympique n'a pas passé un contrôle de matériel lors d'un championnat d'Europe junior. Sa veste était trop rigide. «J'ai fait des expériences avec le fabricant de Kriens. Dans ce cas, je pense que nous sommes allés trop loin», rembobine-t-elle.
Par le passé, des athlètes ont été pris en flagrant délit de port de vêtements non autorisés. Tous à la recherche d'un avantage décisif.
Un appareil de mesure spécial doit permettre de débusquer ces tricheurs, mais Nina Christen n'est pas convaincue de son efficacité. «Si tu as porté la veste avant le contrôle, la chaleur du corps peut suffire à manipuler le test en ta faveur.» La chaleur rend le tissu plus mou et la petite cheville de contrôle, qui a un diamètre d'à peine deux centimètres, s'enfonce plus profondément, modifiant ainsi le résultat de la mesure.
Lors du contrôle, les boutons font également l'objet d'une attention particulière. Ils ne doivent pas être à plus de dix centimètres de la couture intérieure. De plus, les deux côtés de la veste doivent se chevaucher sur au moins sept centimètres. Le processus de contrôle dure environ vingt minutes par athlète.
Une question suscite régulièrement des discussions dans le milieu du tir sportif: qu'est-ce qui est le plus important, la veste ou le pantalon? Pour Nina Christen, la réponse est limpide. «Le pantalon. Sans une fondation solide, rien ne va. C'est comme pour une maison.» Les deux vêtements coûtent ensemble environ 2000 francs.
Et il ne faut pas oublier les chaussures. Là aussi, il existe de nombreuses variantes. La Nidwaldienne porte des chaussures qui montent jusqu'aux chevilles. Cette confection apporte une stabilité supplémentaire. Les semelles des chaussures sont aussi décisives. «Elles doivent être très plates», témoigne la championne olympique. Nina Christen devra d'ailleurs bientôt changer de chaussures. «Je les ai déjà réparées cinq fois avec de la colle, ça suffit!»
Une chose est sûre: si la Nidwaldienne échoue à se qualifier pour les Jeux olympiques de 2024 à Paris, ce ne sera pas la faute de son matériel.
Adaptation en français: Yoann Graber