Les chaînes de télévision et la fédération internationale de l'automobile (FIA) se frottent les mains à l'idée que la saison 2023 de F1 débute ce dimanche à Bahreïn. Et pour cause: la discipline, perçue par beaucoup comme has been il n'y a pas si longtemps encore, est à nouveau très tendance. Notamment auprès des jeunes.
Ce regain de popularité de la F1 est dû à Netflix. C'est simple: la plateforme aux 231 millions d'abonnés a totalement redynamisé un sport en perte de vitesse, alors suivi par un public vieillissant.
Elle a réussi grâce à Drive to survive (Pilotes de leur destin, pour la version en français), la série aux désormais cinq saisons qui a dragué de nombreux abonnés pour ensuite les fidéliser aux Grands Prix. La FIA et Liberty media (le détenteur des droits commerciaux) ont eu fin nez en s'associant à la firme californienne.
Ian Holmes, directeur des droits médiatiques pour le promoteur du Championnat du monde, Formula 1, résumait ainsi à l'Agence France-presse (AFP) l'impact de Netflix:
L'effet se fait sentir chez les non-initiés: sur Internet movie database (IMDb), la bible des cinéphiles et sériephiles, la docu-série obtient une moyenne de 8,6/10. Une excellente note.
L'effet Netflix a, par exemple, fonctionné à merveille sur Jonas, 33 ans. «Ça a déclenché une toute nouvelle passion chez moi. Je ne suivais pas du tout ce sport avant que Netflix ne diffuse la première saison.»
Pour lui, les années Nikki Lauda et James Hunt, Gilles Villeneuve, Alain Prost, Jackie Stewart ou Juan Manuel Fangio n'ont pas la même saveur que pour les fans de la première heure.
Mais Netflix a déroulé le tapis rouge pour les bolides, depuis que le groupe américain Liberty media s'est octroyé les droits commerciaux de la F1, brisant, après 40 ans, le règne du Britannique Bernie Ecclestone.
Le groupe américain s'est empressé d'ouvrir les portes de son royaume au mastodonte du streaming. Une tactique gagnante, comme nous l'explique Jonas: «Le teaser Netflix était bien fait. J'ai visionné le début de la série, sans la moindre attente, et j'ai été directement conquis dès le premier épisode».
Un nouvel élan populaire que Bernie Ecclestone (92 ans) a qualifié de «Formule Hollywood de plus en plus adaptée au marché américain», dans le média allemand F1-insider. Peut-être un brin grincheux, le Britannique déplore que «c'est tout pour le spectacle et que le sport est en déclin. La course à Las Vegas cette année sera la cerise sur le gâteau».
Toujours est-il que de nombreux novices ont découvert les coulisses d'un univers avant de se plonger pleinement dans ce furieux monde de têtes brûlées. Un sport où le risque est perpétuel, où des pilotes jouent avec leur vie à chaque tour de piste. Un monde fait de vitesse, de duels brutaux aussi. Mais qui sont ces hommes sous les casques? Netflix a répondu aux questions et les abonnés ont mordu à l'hameçon. Il leur fallait des visages, que ces fous du volant soient humanisés.
Pole Position!!
— Max Verstappen (@Max33Verstappen) March 4, 2023
Very happy that we managed to put the best bits together for Qualifying today! Great work by everyone in the team @redbullracing & @HondaRacingGLB 👏
Looking forward to be racing again tomorrow 👌 pic.twitter.com/EQD3j3H3wo
Pour Julie, 33 ans, c'est précisément ce facteur humain qui l'a happée. Elle est devenue une fan de la F1 depuis la diffusion de la série.
Elle déplore, d'ailleurs, «ce brassage de fric dans ce milieu qui sacrifie le mental des coureurs».
Surtout, pour la jeune femme, ce sont des souvenirs d'enfance qui remontent. «Ça me rappelle mon père qui regardait les courses le dimanche après-midi.» Et aujourd'hui, elle profite de partager cette nouvelle passion avec son compagnon. «Ça a créé un lien entre lui et moi. Aussi, je veux aller voir un Grand Prix cette année.»
A tantalising starting grid for Sunday's race! 🤤#BahrainGP #F1 pic.twitter.com/n6jTlfReUK
— Formula 1 (@F1) March 4, 2023
Un ballet d'émotions au milieu des compteurs qui s'affolent, voilà ce que les spectateurs ont aimé et plébiscité. Jonas souligne le dispositif mis en place par Netflix: «La mise en scène façonne les pilotes à l'image de gladiateurs romains».
La série a aussi ravivé des flammes qui étaient un temps éteintes. C'est le cas de Kevin, 31 ans, qui a retrouvé le chemin des circuits grâce au leader du streaming.
Il avoue rester sur sa faim concernant la saison 3, qu'il qualifie de «décevante, à trop vouloir en faire sur la vie privée de Chris Horner et ses randonnées équestres avec sa femme». Mais il applaudit, lui aussi, le travail de Netflix pour mettre en avant l'aspect psychologique de ce sport: «Faire l'introspection des pilotes était le gros plus de la série».
Kevin et Jonas avouent même qu'un groupe Whatsapp s'est créé entre plusieurs potes, eux aussi devenus fans. Jonas explique que «l'objectif du groupe est d'aller voir un Grand Prix, Monza de préférence». Liberty media et Netflix ont donc aussi réussi à connecter – aux sens propre et figuré – entre eux de nouveaux fans pendant les courses.
L'opération séduction démarrée en février 2019 a réussi à rendre son glamour d'antan à la F1. Surtout, elle a attiré un nouveau public autour d'une discipline qui vieillissait mal. Désormais, les foules se passionnent pour Verstappen, Hamilton ou le grand retour de l'iconique écurie Ferrari.
Après la F1, Netflix s'est notamment emparé du tennis et du golf – deux disciplines qui doivent aussi conquérir un nouveau jeune public – en diffusant dès ce début d'année les séries Break point et Full swing. Dans quelques mois, on saura si elles ont eu le même impact positif que Drive to survive.
S'il y a par exemple une hausse spectaculaire des naissances de petits Roger, Rafael, Tiger ou de petites Serena et Belinda, on aura déjà une réponse.