En football, quand un entraîneur est envoyé en tribune, ce n'est pas un bon signe pour lui. C'est généralement la conséquence d'une expulsion à cause d'un mauvais comportement sur le banc. Et les impacts sont négatifs: le technicien ne peut plus faire passer directement ses consignes à ses joueurs et ne peut que difficilement motiver ceux-ci avec son body language et/ou sa voix. Sans compter que les palabres avec les arbitres et autres officiels deviennent impossibles. En rugby, c'est tout le contraire: les sélectionneurs préfèrent prendre place dans les gradins. Et ils ont de bonnes raisons.
Lors du match d'ouverture de la Coupe du monde vendredi entre la France et la Nouvelle-Zélande, on a par exemple vu le Français Fabien Galthié et son homologue Ian Foster confortablement installés, à côté d'une partie de leur staff, derrière un pupitre équipé d'écrans TV et de casques audio au milieu des tribunes du Stade de France. Pourtant, aucun règlement ne les oblige à se placer hors du banc.
«Une position plus haute permet d'avoir une vision panoramique», argumente Emmanuel Descamps, ancien entraîneur du Stade Lausanne (1re division suisse). Ainsi, les coachs peuvent mieux analyser la rencontre, notamment ses aspects tactiques, ce qui est plus difficile à observer à ras le gazon. L'ex-technicien lausannois précise:
Loin de la tension et de l'agitation du bord du terrain, les sélectionneurs hauts perchés ont aussi tout le loisir (et le temps) de visionner tranquillement les ralentis ou d'effectuer des arrêts sur image, là encore à des fins tactiques.
Felix Jones with the 🚦 signals #ScotlandSouthAfrica #RWC pic.twitter.com/XjyeAsUt5g
— ChristopherCadwell (@TheWell3) September 10, 2023
Toutefois, même s'ils peuvent communiquer avec leurs joueurs via des casques-micros, les coachs perdent la proximité physique avec leurs protégés et se privent donc de la possibilité de galvaniser ceux-ci le long de la touche. «Si un joueur n'est pas motivé pendant un match de Coupe du monde, c'est qu'il y a un sacré problème», balaie Emmanuel Descamps.
L'actuel sélectionneur de l'Australie Eddie Jones avait néanmoins émis l'idée en 2020 de se rapprocher de la pelouse à un moment précis, dans des propos rapportés par L'Equipe:
Et quid de la possibilité perdue, à cause d'un éloignement du banc, de parler à l'arbitre et tenter de l'influencer? Aucune conséquence: selon le règlement de la fédération internationale, les coachs ne sont pas autorisés à communiquer avec les officiels durant les parties.
Les sélectionneurs ont donc plus d'avantages à aller en tribune plutôt que sur le banc. D'autant que les places sur celui-ci sont limitées et que les staffs des équipes de rugby sont grands. «Il y a beaucoup d'entraîneurs spécifiques: celui des touches, des mêlées, des placages, de l'attaque ou encore du jeu au pied. Sans compter les physios et le médecin», énumère Emmanuel Descamps. Soit des profils qui, contrairement au coach principal, sont davantage utiles au bord de la pelouse que dans les gradins. «L'un d'eux peut, en plus, avoir le rôle de relais entre le sélectionneur et les joueurs pour transmettre des consignes», ajoute l'expert.
Inutile donc de vous inquiéter si vous n'apercevez pas le sélectionneur de votre équipe préférée sur le banc. Il ne s'est pas fait expulser ou n'a pas été victime d'un malaise, il a juste mis toutes les chances de son côté pour faire gagner les siens.