Le basketteur français Thomas Heurtel, récent vice-champion d'Europe, a créé la polémique en signant au Zenit Saint-Petersburg. Accepter d'aller jouer dans le pays «agresseur» n'est pas accepté par la fédération.
Heurtel, élément important dans le contingent des Bleus, n'est donc plus à disposition du sélectionneur avec ce choix de carrière. Fin juillet, la FFBB (Fédération française de basketball) a fait signer un papier à ses membres pour les dissuader de s'engager avec un club russe ou biélorusse. Tout contrevenant serait immédiatement exclu des sélections nationales.
Pour Heurtel, ce choix de carrière peut lui coûter une place dans l'effectif tricolore pour les prochains Jeux olympiques de Paris. L'Equipe rapporte que la Fédération ouvre la porte à un retour en sélection si le joueur décide de ne pas activer son année de contrat en option et de quitter la Russie en juin prochain. Dans ce cas, «il redeviendrait sélectionnable pour la Coupe du monde 2023».
C'est la même rengaine pour les joueurs de hockey sur glace français. Yohann Auvitu, défenseur des Bleus, a rejoint le Neftekhimik Nijnekamsk, un club de KHL, tout comme Stéphane Da Costa, autre joueur essentiel du hockey tricolore qui évolue dans le club d'Ekaterinbourg. Les deux «traitres» sont non-sélectionnables.
Et en Suisse, cette attestation est-elle en vigueur? Un joueur peut-il se retrouver mis à l'écart s'il décide de s'embarquer dans un club russe? Swiss Olympic préfère ne pas interférer. «De notre point de vue, l'établissement et la mise en œuvre d'une telle règle fait partie de l'autonomie d'une fédération nationale du sport. En tant qu'association faîtière, Swiss Olympic ne s'immiscerait pas dans cette autonomie dans un tel cas», précise l'organisme sportif suisse.
Du côté de la fédération suisse de hockey sur glace (SIHF), le cas relève avant tout de l'hypothèse.
Une réponse qui fait écho à l'Association Suisse de Football (ASF). «L'ASF se penchera sur cette question si elle y est un jour confrontée en raison de l'actualité», nous expliquent brièvement les instances du football suisse.
Les dirigeants et fédérations helvétiques sont persuadés d'échapper à ce problème, balayant d'un revers cette idée de voir un international (de n'importe quel sport) filer sur territoire russe. Mais l'aventure au pays de Poutine peut être une lucrative escapade, comme nous l'explique Erik Lehmann, Directeur des compétitions et secrétaire général de Swiss Basket, persuadé que «des agents libres de la NBA peuvent céder aux sirènes de la ligue russe.»
Peut-on donc réprimander un sportif qui décide de faire fructifier sa carrière? Les ligues russes peuvent proposer des contrats juteux et difficilement refusables pour des sportifs arrivés dans leur seconde partie de carrière.
Erik Lehmann tempère concernant les basketteurs helvétiques: «Nous n'avons pas des joueurs capables d'aller batailler dans la ligue VTB. Le niveau est trop élevé pour nos internationaux.»
Le rapport direct entre sport et politique est réel. Les Français ont décidé de l'anticiper, sans attendre qu'un cas ne se produise. «Je serais très favorable à emboîter le pas aux Français», avoie le secrétaire général de Swiss Basket.
Encore que Swiss Basket s'est retrouvé face à un dilemme (très) récemment: Ilias Papatheodorou, l'entraîneur actuel de l'équipe nationale, a reçu des offres de plusieurs clubs. L'une d'elles provenait de la VTB United League, qui réunit les équipes majeures de l'Europe de l'Est: «Notre coach a reçu cette offre. Heureusement, il a décidé de prendre place sur le banc de Kolossos Rodou, en ligue grecque», explique Lehmann. Et si Papatheodorou avait signé?
La fédération internationale de basketball (FIBA) a décidé de suspendre de toutes compétitions la Russie et la Biélorussie. Erik Lehmann assure que «Swiss Basket s'alignerait sur les sanctions prises par la FIBA.» Avant d'ajouter avec ironie qu'il serait enchanté d'avoir ce problème, «ça prouverait que nos joueurs sont forts.»
Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) ne s'alarme pas plus que ça, expliquant que «la relation entre un sportif et un club relève du droit privé».
Une réponse qui confirme que les autorités comptent sur les fédérations et les joueurs pour s'éviter des problèmes d'ordre politique.