Wendy Holdener s'est montré patiente, très patiente pour enfin exulter dans une aire d'arrivée de slalom. Elle avait dû attendre son 31e podium pour voir enfin son nom inscrit tout en haut. Et encore, elle partageait la première marche avec Swenn Larsson à Killington. Mais à Sestrières, elle a prouvé qu'elle était, comme on le dit très souvent dans le tennis, «dans la zone».
Au micro de Romain Roseng, elle disait que c'est «sûrement la tête et les tripes» qui ont fait la différence. C'est un tout et la Suissesse assurait que son mental s'est «amélioré ces dix dernières années». On pourrait parler de cette fameuse maturité tardive, mais c'est surtout une question d'état d'esprit, de déclic après avoir atteint l'objectif avoué. Une fois coché, tout s'enchaîne. Cristiano Ronaldo disait que les buts étaient comme le ketchup: des fois ça ne veut pas sortir, mais quand ça sort, c'est tout d'un coup. En ski et surtout en slalom, où tout peut basculer d'une carre à l'autre, d'un virage à l'autre, Holdener a cette fois-ci, après Killington, déplacé le curseur vers l'attaque à outrance, conduite par l'ivresse de la confiance.
Lors du récital de Marco Odermatt à Val d'Isère, l'artiste de Nidwald disait que «la confiance accumulée est très importante, surtout dans des conditions aussi difficiles».
«Odi» a écoeuré la concurrence grâce à un deuxième parcours ahurissant alors que la météo s'était nettement dégradée. Sans le facteur confiance, il n'aurait sûrement pas signer le...meilleur temps de la seconde manche.
Dans un même registre, Daniel Yule avait embrassé cette «zone», étreint ce sentiment délicieux que rien ne pouvait lui arriver: après sa première victoire en Coupe du monde à Madonna Di Campiglio, il avait aligné deux victoires éclatantes, Adelboden et Kitzbühel. Plus rien ne pouvait le stopper, pas même ses grosses erreurs. Tout était assemblé pour briller, et ses skis ne pouvaient que passer du bon côté de la porte - la hantise du slalomeur: enfourcher.
Giorgio Rocca avait lui aussi goûté à la même sensation, avec une saison 2005/2006 hallucinante: cinq slaloms remportés et que des miettes pour ses adversaires.
Pour Holdener, la potion est semble-t-il la même: les millimètres sont de son côté, coller au plus proche de la base du piquet, pour faire le moins de chemin possible et grappiller les centièmes. Et si la confiance fait défaut, l'athlète prendra moins de risque et laissera ces quelques millimètres la trainer dans les fonds de classement.
Le ski est une question de détails et la confiance en est un gros, voire le maître-mot. Elle est à vrai dire la clé pour les slalomeurs et slalomeuses. Wendy Holdener est désormais gonflée à bloc, aimantée à la réussite avec son ski (très) solide qui lui permet de faire danser sa meilleure version sur les pentes verglacées. Elle est peut-être dans sa plus grande année, chauffée à blanc et stimulée par le ton de la révolte (fatiguée de n'être que la seconde lors des saisons précédentes).
Et si l'excellente forme affichée débordait sur les autres disciplines, sur le classement général? Capable de régater en géant et en Super-g, la désormais co-leader du slalom peut lorgner plus loin, plus haut: après le petit dans le viseur, pourquoi pas le grand globe.
Il convient de rappeler qu'elle avait fini au troisième rang du général en 2018 derrière l'intouchable Mikaela Shiffrin et tout proche de Petra Vlhova. Cette année, si aucun grain de sable ne grippe la machine, Holdener peut nourrir de grandes ambitions et caresser l'idée d'un immense exploit grâce à un calendrier plus favorable aux techniciennes - 21 courses en technique et 18 en vitesse.
Pointant à la deuxième place provisoire au général de la Coupe du monde, avec la bagatelle de 366 points (en six courses), la Schwytzoise de 29 ans devra capitaliser sur cette confiance accumulée et sûrement compter sur des baisses de régime des deux stars du circuit: Mikaela Shiffrin et Petra Vlhova. Si Holdener réussit à contrecarrer les plans des deux icônes du cirque blanc, le rêve est tout à fait permis pour cette athlète qui le mérite. A force de persévérance, elle pourrait enfin s'affranchir de cette harassante étiquette de «Poulidor du ski féminin». L'histoire serait belle, digne d'un conte hollywoodien.