L'arbre qui cache la forêt, cette bonne vieille expression qui ne cesse de revenir tel un refrain, quand seuls quelques top athlètes masquent les failles d'une équipe entière grâce à leurs exploits. C'est en filigrane ce qu'il se passe actuellement dans les rangs de Swiss-Ski, où Lara Gut-Behrami continue d'aligner les exploits; Wendy Holdener régate avec les Vhlova et Shiffrin en slalom mais traîne son spleen en géant; Corinne Suter, encore muette cette saison, reste une valeur sûre dans les disciplines de vitesse, à l'instar de la polyvalente Michelle Gisin, toujours compétitive.
Or qui viendra après elles? Toutes les filles que nous venons de citer sont désormais trentenaires, ou le seront très prochainement, et ne sont pas éternelles. Le temps nous oblige à dresser un constat:
Un séjour au Québec qui ne présage rien de bon. De manière générale, le deuxième géant dans la station canadienne est indigne d'une nation comme la Suisse. Exceptée Lara Gut-Behrami qui est montée sur la «boîte», Michelle Gisin s'est classée loin, au 23e rang. Elles n'étaient par ailleurs que deux Suissesses en manche finale et trois lors de celui de samedi.
Pour Mélanie Meillard, Camille Rast, Wendy Holdener, Simone Wild ou encore Andrea Ellenberger (non-alignée dimanche, car en délicatesse avec son genou): c'est la Bérézina. Ce début de saison ébauche un problème en devenir - et s'inscrit de plus en plus dans le présent.
Appelées à porter l'équipe suisse de technique et récupérer le flambeau, Rast et Meillard sont totalement passées à côté. Résultat: aucun point inscrit en deux courses.
Pour la première nommée, freinée par les pépins physiques, mais installée dans le top 20 en slalom et capable de coups d'éclat, elle peine à embrasser une régularité en géant - 29e à Sölden et non-qualifiée à Killington et à Mont-Tremblant.
Mélanie Meillard est elle aussi stoppée dans son élan par des blessures, tout comme sa contemporaine Aline Danioth, qui aligne les pépins physiques. Après sept courses, la soeur de Loïc alterne le bon et le moins bon. En géant, le rendement reste très moyen (une 17e place à Sölden comme seul résultat de la saison); en slalom, elle s'appuie sur une excellente 7e place à Levi.
En sept courses disputées, nos deux futures cheffes de file, Rast et Meillard, n'ont engrangé que 117 points sur les 717 que comptent les athlètes féminines de Swiss-Ski. La majorité des points récoltés sont l'oeuvre de Lara Gut-Behrami, qui en compile 325 en quatre courses, et de Wendy Holdener, avec 114 unités.
Interrogée par nos soins sur une relève qui peine à performer, Michelle Gisin confiait sans détour: «C'est une très bonne question, que je me pose souvent et dont je n'ai pas la réponse.»
Et l'Obwaldienne d'enchaîner:
Si les cadres tiennent encore le navire à flot, plus inquiétant est le fossé qui est en train de se creuser, insidieusement, entre nos leaders et la nouvelle génération.
Derrière les exploits de Lara Gut-Behrami, les promesses du camp helvétique n'arrivent pas encore à se concrétiser sur la piste, les blessures n'aidant pas. Vivianne Härri (née en 1998) est souvent blessée. Aline Hoepli (déjà une grosse blessure à son actif), Janine Maechler et Stefanie Grob sont toutes nées en 2004. Elles apprennent le métier, mais sont loin du niveau affiché par la Croate Zrinka Ljutic (elle aussi née en 2004).
Dans les colonnes du Tages Anzeiger, Hans Flatscher, boss de l'équipe féminine, indiquait que «l'effectif était réduit pour les athlètes nées entre 1999 et 2001. Nous n’avons aucune réelle envergure dans aucune discipline».
Alignée à Mont-Tremblant, Stefanie Grob est l'une de nos plus sûres espoirs, triple médaillée lors des derniers Mondiaux juniors à St. Anton. Elle est restée loin du compte, un peu tendre pour prétendre toquer aux portes du top 30 mondial.
La marche pour exister en Coupe du monde est grande, et l'apprentissage passe par le traquenard de la Coupe d'Europe, par des résultats probants pour obtenir de bons dossards à l'échelon supérieur. C'est là que se trouve la source du problème: aucune des Suissesses ne s'est classée dans le top 3 dans aucune des disciplines la saison dernière. La jeune Delia Durrer (née en 2002 et capable d'accrocher un top 15 en Coupe du monde) a bien fini au pied du podium du général de la descente, mais les résultats d'ensemble sont si faibles que la Suisse compte une place en moins sur la liste de départ en Coupe du monde.
Autre signe révélateur d'une relève absente, le classement général de la Coupe d'Europe 2022/2023 ne compte qu'une représentante helvétique dans le top 10. Et il s'agit de... Mélanie Meillard.
Un problème se dessine dans les rangs de l'équipe nationale féminine et le temps presse. Car le jour où Lara Gut-Behrami, Wendy Holdener ou Michelle Gisin se retireront, la chute pourrait être brutale.