C'est en Scandinavie que se trouve Arnaud Du Pasquier. Pour y disputer une course de ski de fond? Certainement pas. Le Vaudois s'est reconverti cet été dans le biathlon, et le voici déjà, quelques mois plus tard, en équipe nationale. Après le froid polaire de Kontiolahti (Finlande) la semaine dernière, où il disputait les premières épreuves IBU Cup de la saison, entendez les courses B du biathlon, Du Pasquier a pris la direction de la Suède. Il participera ce week-end à l'étape d'Idre Fjäll: deux sprints et une éventuelle poursuite.
Pourtant, son pari n'était pas gagné. D'abord parce que le circuit secondaire est avant tout le terrain des jeunes. Les étoiles montantes y font leurs armes, quand Du Pasquier, 31 ans, ne constitue plus l'avenir de la discipline. Si les transitions fond - biathlon ne sont pas nouvelles (Denise Herrmann et Anfisa Reztsova ont toutes les deux été médaillées olympiques avec et sans carabine, Stina Nilsson et Célia Aymonier ont soudainement eu le béguin pour le tir, Bjørndalen a fait le chemin inverse en s'essayant au ski de fond), le parcours d'Arnaud Du Pasquier se veut, lui, bien plus atypique.
L'homme ne vient pas de la Coupe du monde de ski de fond, c'est un fondeur longue distance. Membre du Team Nordic Expérience durant trois saisons, il s'est illustré sur des épreuves grand public mythiques, telles que la Vasaloppet, la Marcialonga et la Birkebeinerrennet. Sur la «Vasa», Du Pasquier détient d'ailleurs le record suisse. 3 heures, 36 minutes et 54 secondes pour boucler les 90 kilomètres de course, en style classique.
Le désormais ex-fondeur a dit adieu aux distances de plus de 50 kilomètres - il évolue désormais sur des itinéraires beaucoup plus courts. Les passages répétés sur le pas de tir impliquent un effort saccadé, et les tours, parcourus en quelques minutes, rendent la course plus intense. La filière aérobie intervient toujours, mais à des seuils plus élevés.
Son virage à 360 degrés, Arnaud Du Pasquier a commencé à y songer à l'issue des Championnats de Suisse de biathlon, en fin de saison dernière. Il y a participé sans pression, sur un coup de tête même, afin de retrouver du plaisir, après un hiver plombé par des douleurs au dos.
L'expérience s'est avérée positive, et c'est là que Du Pasquier a commencé à prendre conscience d'un avenir dans le milieu du biathlon. Lui a toujours préféré le skating, cette technique que les biathlètes utilisent, mais qui a disparu du circuit longue distance. Dans son Team Nordic Expérience, le Suisse évoluait toujours en classique, et l'idée de revenir au style libre l'a persuadé.
Malin, le Vaudois a aussi décelé un contexte favorable, lui permettant d'atteindre rapidement le plus haut niveau. Le biathlon progresse en Suisse, mais nous sommes «dans une période où beaucoup ont arrêté, et où il y a peu de monde chez les seniors, pour des quotas relativement larges en Coupe du monde et IBU Cup».
Comme tous les néophytes, Arnaud Du Pasquier doit faire face à la réalité du tir. Un exercice nouveau (réd: il s'était essayé au biathlon une saison durant ses jeunes années), qui requière un apprentissage long, surtout debout. Les fondeurs qui ont pris la direction du biathlon n'ont généralement eu aucun problème à tenir le rythme, réalisant régulièrement les meilleurs temps de ski. Mais voilà, pour obtenir de bons résultats dans la discipline, il faut savoir blanchir les cibles. Une mission loin d'être évidente.
Malgré ses nombreux podiums en carrière, Denise Herrmann a souvent échoué sur le pas de tir. Il en va de même pour la Jurassienne Célia Aymonier, qui pour sa dernière saison sur le circuit de la Coupe du monde, affichait une réussite de 75,34% au couché, et seulement 71,53% au tir debout.
Du Pasquier est conscient du travail qu'il doit encore faire pour compenser son retard, c'est pour cela qu'au cours de sa préparation, il a intégré la structure BSO, fondée par la famille Hartweg. Celle-ci lui a donné accès aux meilleures infrastructures, du côté de Lenzerheide, station qui accueillera en décembre la toute première Coupe du monde de biathlon en Suisse. Le tir reste néanmoins fragile, à Idre Fjäll en pré-saison, le Palinzard n'a pas fait mieux qu'un 3/10 lors du sprint. La veille, Du Pasquier avait terminé 26e de l'individuel court, à près de 6 minutes du vainqueur, et avec un petit 12/20 au tir.
Pour sa première véritable saison en tant que biathlète, Arnaud Du Pasquier visait évidemment les sélections en IBU Cup. C'est chose faite depuis les tests d'Obertilliach, en Autriche, tenus les 16 et 17 novembre dernier. Là-bas, l'ancien fondeur a pris la 6e place de l'individuel court réservé aux Helvètes, devançant par exemple Jeremy Finello. Et lors du sprint, il s'est classé 21e de tous les participants, mais 7e des Suisses. Des performances suffisantes pour lui ouvrir les portes des premières étapes de l'IBU Cup.
Mais Du Pasquier vise plus haut. A terme, la Coupe du monde, puis les Mondiaux de Lenzerheide en 2025 à domicile, et les Jeux olympiques l'année suivante. Le Palinzard avance vite, l'avenir nous dira s'il parvient à atteindre tous ses objectifs. Pour l'heure, il s'est donné les moyens de s'exprimer en IBU Cup, et c'est déjà un premier succès. Jeudi dernier, lors de l'individuel de Kontiolahti, une course où les erreurs au tir se payent cash, il se classait 39e, avec un 15/20. Son temps de ski était bien meilleur, il le plaçait au 16e rang de la course. Deux jours plus tard, il prenait la 43e place du sprint, avec deux erreurs lors de chacun des tirs, mais toujours dans le coup sur les skis. Soit des débuts prometteurs pour un fondeur longue distance, devenu passé 30 ans un valeureux biathlète.