Il y a deux ans, le Saint-Gallois Beda Klee n'évoquait jamais d'éventuelles chances de podium. Avec de tels propos, il aurait été la risée de tous. Mais aujourd'hui, la donne a changé, il y croit volontiers, car comme on dit, l'appétit vient en mangeant.
Le coureur de distance, qui a débuté sa carrière en Coupe du monde par une 62e place à Davos en 2017, a longtemps songé à son avenir dans le ski. C'était il y a de ça deux saisons, après avoir manqué sa sélection pour les Jeux olympiques de Pékin. La question du sens le hantait. Souhaitait-il toujours faire partie de l'équipe nationale, alors même qu'il ne parvenait pas à décrocher de résultats probants? Le jeune homme de 27 ans a certes laissé entrevoir son potentiel, notamment en 2019, lorsqu'il décrocha une remarquable onzième place à Oberstdorf. Mais ses exploits, trop isolés, trop ponctuels, ont toujours été suivis de performances beaucoup trop maigres.
Suite à la déception olympique, Beda Klee a modifié ses entraînements. Il a pratiqué la musculation sous une nouvelle approche, favorisant le travail en force. Il a fait le choix d'une préparation estivale plus longue et plus importante, sans être, par chance, impacté par la maladie. Avec les années, le Saint-Gallois est également devenu plus persévérant à l'entraînement. Ce sont tous ces éléments qui, selon le principal intéressé, expliquent son excellente forme du moment, sa cinquième place au classement général du Tour de Ski et ses quatre Top 10 sur la plus prestigieuse des courses à étapes (deux à Toblach, un à Davos, un autre à Val di Fiemme).
Beda Klee ne veut toutefois pas limiter son analyse aux quelques points évoqués précédemment. Car le ski de fond est un sport d'endurance dans lequel la réussite repose sur des années de pratique. «Cela reste un travail acharné, sans raccourcis», précise le fondeur helvétique. Pourtant, nous trouvons facilement d'autres raisons expliquant l’ascension soudaine de Beda Klee. Il dispose d'un nouvel entraîneur, le Français François Faivre, «avec lequel l'alchimie est parfaite».
Le fondeur de Suisse orientale n'oublie pas de mentionner l'esprit d'équipe. Il y a ce petit plus maintenant que sprinteurs et distanceurs sont regroupés au sein du même collectif. «Je sentais déjà à l'entraînement cet été que nous faisions les choses correctement», avoue-t-il.
Il y aurait beaucoup à dire sur Beda Klee et ses entraîneurs. Les changements ont été nombreux – impossible de desceller une pointe de continuité. Depuis 2018, le natif du Toggenburg a connu cinq coachs différents. Il n'a pas été à l'aise avec tous. Dans d'autres circonstances, sa venue vers l'élite mondiale aurait peut-être été plus rapide.
En disant cela, le Saint-Gallois n'a pas tort. Quelquefois, tout est plus long pour déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne marche pas.
Beda Klee est en réussite depuis le début de la saison. Mais plus que ses récentes bonnes performances, nous retenons surtout sa construction sur des bases solides. Ce qui lui permet de faire preuve de régularité. Il s'est en effet classé six fois dans le Top 12 cet hiver.
Et même si le fondeur relativise, en rappelant que les résultats sont à nuancer en raison de l'absence des Russes depuis deux ans et d'un plateau moins relevé sur le dernier Tour de Ski (pas de Simen Hegstad Krüger, de Klaebo ou encore de Niskanen), il faut néanmoins «savoir saisir de telles opportunités».
Beda Klee n'hésite pas à se porter à l'avant, ne craint pas de passer à l'offensive. Il le fait de plus en plus régulièrement et, surtout, avec une confiance accrue. Il comptait d'ailleurs lâcher les chevaux dans la montée de l'Alpe Cermis, où se tient chaque année la dernière étape du Tour de Ski. Mais la forme du jour l'a finalement poussé à revoir ses plans, pour «gérer» face à des gabarits plus légers et plus aptes à briller sur un terrain aussi difficile. Son plan lui a néanmoins permis de chiper pour quelques secondes la 5e place du classement général au Norvégien Erik Valnes.
Le fondeur suisse sait à quel point les écarts sont faibles entre les trois premières places et celles qui suivent. La bonne décision au bon moment ou une prise de risque dans le juste timing: voici ce qui pourrait, à l'avenir, lui permettre de goûter aux joies du podium.
Il y a peu, Klee aurait surtout été nerveux dans les instants décisifs. Aujourd'hui, il pense différemment lorsqu'il court en tête. Il donne même le tempo, pour «éviter que d'autres ne le remontent».
A mesure que la confiance s'installe, les dernières interrogations de Beda Klee s'effacent. Le fondeur trouve ses réponses sur la piste et change peu à peu de statut. Désormais, les autres le remarquent, ils lui souhaitent bonne chance avant la course. Personne n'était vraiment surpris de le voir franchir la ligne d'arrivée en haut de l'Alpe Cermis en 8e position, au lieu d'une occulte quarantième place.
Les réactions adverses favorisent l'estime de soi. Klee évoque même un sentiment «d’appartenance»: l'appartenance à la caste des champions.
Adaptation en français: Romuald Cachod.