A 19 ans, Martin Bender est champion du monde juniors de freeride, fraîchement admis sur le World Tour où «il va tout exploser», annonce d'ores et déjà un collègue. De lignes directes en rotations parfaites, le skieur de Martigny (très exactement de Chemin) trace sa voie dans la poudre. Mais il est aussi champion suisse... de VTT de descente.
Martin Bender mène ces carrières en parallèle - avec deux ailes. Il n'a pas l'intention de choisir entre le ski et le vélo, comme s'il fallait forcément choisir entre le thé et le café, la bourse ou la vie. Son ubiquité lui est presque venue naturellement. «J’ai commencé le freeride un peu avant 10 ans. Puis je me suis mis au VTT avec mon frère aîné, en été, quand je ne pouvais plus skier. Ce sont deux disciplines assez proches.»
L'idée est la même: «Explorer la montagne entre potes», «partir avec son équipement et repérer des passages». Mais pour Martin Bender, les disciplines sont également «comparables au niveau des sensations, du flow: vitesse, lignes, sauts». Façon infuse de dévaler la pente, mais surtout, d'aimer la descente. «C'est vrai que la montée n'est pas trop mon truc», s'esclaffe l'Octodurien.
Nous joignons Théo Cheli sur un télésiège et nos derniers doutes sont levés: ceux qui aiment la descente prendront les remontées mécaniques. Même parcours: à 29 ans, Théo Cheli compte déjà plusieurs carrières en ski alpin, skicross et freeride. Depuis peu, il dirige l’Ecole Suisse de VTT, fondée à Verbier avec trois autres... freeriders: Yann Rausis, Carl Renvall et Auguste Métille.
Théo Cheli n'est pas loin de penser que les bons skieurs sont prédestinés à devenir de bons vététéistes, par la conjonction simple de plusieurs gestes instinctifs: «Regarder loin devant. Anticiper. Conserver la vitesse en sortie de virage, une ligne fluide et déliée. Chercher quelque chose de nouveau.»
Martin Bender ajoute «l'appui sur la jambe extérieure dans les virages. Et l'importance du gainage. Sinon, rien de spécial. Le ski sollicite davantage les jambes et le VTT les épaules, les bras».
«Le pilotage d'un VTT ressemble beaucoup au freeride», confirme Nicolas Hale-Wood, double patron du Freeride World Tour et du Verbier E-Bike Festival. «Dans les deux cas, quand la tête repère une ligne et décide de la prendre, le corps suit. On retrouve aussi cette même sensation de contact avec la nature, de repérage, d'adaptation, de conquête des grands espaces.»
Théo Cheli voit bien quelques différences mais elles tiennent moins à l'effet d'optique, aux mouvements du corps, qu'à la configuration du terrain: «D'un côté, il y a un sport de glisse et de l'autre, du pilotage. Les pentes que l'on attaque en VTT sont plus faibles, et on passe aussi plus de temps à freiner. Et les chutes peuvent être plus dangereuses...»
A l'Ecole suisse de VTT, tous les élèves de Théo Cheli sont des skieurs confirmés! Ils apprennent les mêmes bases: «Tenue, équilibre, transmission, freinage et sauts. Ils n'arrêtent jamais. Dès que la neige a fondu, ils enfourchent leur VTT. D'ailleurs, certaines remontées mécaniques, elles aussi, tournent désormais sans interruption, presque 10 mois sur 12.»
Martin Bender, quand il donne des cours, reçoit une clientèle moins bi-curious: «Des personnes, notamment du Sud de la France, n'ont jamais skié mais descendent toute l'année en VTT. Reste que le format des cours est sensiblement le même: comme dans les écoles de ski, on commence avec les bases et on finit sur une piste noire.»
Martin Bender aime «ces deux sports car ils permettent de se débrouiller seuls», sans dieu ni maître. Il confesse certes une légère préférence: «Le ski parce que je suis un peu meilleur. Parce que le terrain de jeu est un peu plus grand. Parce qu'on est plus libre et que c'est plus "mousse" dans la poudre. Je ne commence pas ma saison de VTT avant d'avoir terminé celle de freeride, même si les deux se chevauchent au printemps.»
Martin Bender n'en vise pas moins les Mondiaux de VTT 2025 en Valais. «Plusieurs athlètes canadiens arrivent à concilier le le freeride et la descente. J'ai l'impression que ce n'est pas impossible. En tous cas, je vais continuer.»
Mêmes ambivalences affectives chez Théo Cheli: «J'ai eu de nombreuses blessures aux genoux et j'ai dû arrêter; mais je n'ai pas totalement tiré un trait sur le freeride. Si mon corps pouvait encaisser une grosse préparation en été, je repartirais volontiers pour un Tour. Je n'ai pas encore montré tout ce que je pouvais faire et c'est très difficile de partir sur ce sentiment.»
Lui aussi a une préférence. Ou disons qu'il n'oublie pas ses origines: «Skier dans la poudreuse restera toujours une sensation inégalée. Surtout que cette poudreuse devient de plus en plus rare, ce qui renforce son côté exceptionnel.» On oublie trop souvent que si la bible nous demande de retourner à la poussière, elle ajoute un peu plus loin: «Parce que tu es poudre, tu retourneras aussi en poudre.»