Depuis six mois, les amateurs de ballon rond sont privés de leur sport favori. D'abord totalement interdit, le football des talus est désormais autorisé, mais sans contact. Les clubs sont donc réduits à s'entraîner comme ils peuvent dans l'espoir – de plus en plus compliqué à imaginer – d'une éventuelle reprise du championnat avant l'été.
Si, dans un premier temps, les footballeurs du dimanche ont fait preuve de compréhension, ils perdent désormais patience et dénoncent l'incohérence des mesures des autorités. Surtout depuis les assouplissements annoncés mercredi. Car si les terrasses et certains lieux culturels peuvent rouvrir, le ballon rond, lui, n'a rien obtenu de la part d'Alain Berset.
«Comment justifier que cinquante personnes puissent se retrouver dans un fitness ou dans une salle de cinéma – ce qui est très bien pour eux – et toujours pas de matchs de football pour les jeunes adultes?», interroge une pétition valaisanne, adressée au Conseil fédéral et en cours de signature par les clubs.
Parmi les premiers signataires de la lettre, le président du FC Orsières (VS), Frédéric Lattion: «Ce n'est pas cohérent. Nos joueurs ont entre 20 et 30 ans, c'est clairement une tranche d'âge où le Covid n'est pas très inquiétant. Surtout qu'on est dehors», affirme-t-il. À ses yeux, la santé mentale des Suisses est négligée par les autorités.
Le Valaisan souligne également la complexité économique de la situation pour les clubs qui doivent toujours prendre en charge leurs frais fixes, mais qui sont privés de revenus, notamment ceux liés à la traditionnelle buvette. «On risque aussi de perdre des membres. On sait que c'est difficile de redémarrer après un arrêt comme celui-ci», ajoute Frédéric Lattion.
Dans le canton de Vaud aussi, la grogne s'organise. Entraîneur du FC Turc Lausanne en troisième ligue, Mike Scire prépare une pétition à adresser aux clubs durant le week-end. «Les gens sont énervés, les joueurs sont de moins en moins motivés. Depuis mi-octobre, ça commence à faire long. Il faut qu'on se mobilise pour faire bouger les choses.»
Le Vaudois pointe, lui aussi, l'incohérence des mesures, notamment le fait qu'un footballeur de 20 ans puisse jouer librement mais que ceux de 21 ans soient privés de compétition. «Il n'y a aucune logique. Sur un terrain de foot, on a de l'espace. Ceux qui seront à quatre par table en terrasse, seront beaucoup plus proches que nous», assure-t-il, tout en reconnaissant qu'il devient difficile de respecter des mesures qui lui paraissent incohérentes.
Pour autant, Mike Scire ne minimise pas l'impact du Covid. «Bien sûr, il y a des morts, il faut faire attention, mais je suis sûr qu'on peut trouver des solutions. Par exemple, avec des autotests. Le sport, c'est bon pour la santé, c'est important de pouvoir pratiquer.»
Du côté du FC Prilly, en quatrième ligue, Ricardo Rocha assure qu'il signera avec plaisir la pétition. Et plutôt deux fois qu'une. «Ce qui se passe est incompréhensible, c'est la mort des clubs amateurs. Comment on fait pour garder les gens motivés dans ces conditions?»
L'entraîneur déplore que les institutions du football ne se mouillent pas davantage pour défendre leur sport, auprès des autorités. «Ils doivent imaginer des solutions, nous on a besoin de retrouver le plaisir de jouer. Pour certains, c'est le seul moment de leur semaine où ils peuvent se défouler.»
Surtout que son équipe vit une situation bien particulière. Elle était deux fois en tête de son championnat – et donc en bonne position pour être promue – lorsque celui-ci a été interrompu en 2020 et en 2021. «La première fois, on n'a rien dit. Mais cette fois-ci, si le championnat ne reprend pas, il faut que l'ACVF prenne des décisions et qu'il valide le classement», affirme Ricardo Rocha.