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Open d'Australie: Iga Swiatek est-elle en train de craquer?

Poland's Iga Swiatek reacts following her loss to United States' Jessica Pegula in their semifinal match at the United Cup tennis event in Sydney, Australia, Friday, Jan. 6, 2023. (AP Photo/ ...
Iga Swiatek en pleurs début janvier après une défaite à la... United Cup.Image: AP

Iga Swiatek est-elle en train de craquer?

Ses déclarations laissent entendre qu'Iga Swiatek, débarrassée de ses rivales, est confrontée à la solitude du pouvoir. Stress, timidité, maniaqueries: «Je ne suis pas un robot», s'est-elle emportée à l'Open d'Australie.
17.01.2023, 18:4918.01.2023, 06:36
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Au fond, Iga Swiatek n'a que 21 ans. C'est un âge où certain(e)s apportent encore leur lessive chez leur mère et en repartent avec un blanc-seing. Mais à 21 ans, dans le tennis, on est déjà grand. Parfois la plus grande. On lave son honneur soi-même, presque chaque semaine. On est censé tout faire et tout savoir.

Depuis que ses rivales sont en congé maternité (Barty, Osaka), Iga Swiatek est cette superwomen: n°1 mondiale, 7 employés et 15 millions de dollars de revenus en 2022. Elle est le nouveau visage du tennis féminin, celui que les experts (et les futures mères aussi) ont vainement cherché derrière des profils trop typés (Stephen), trop instables (Raducanu) ou trop fragiles (Andreescu). La patronne, c'est elle. Fille d'une orthodontiste et d'un rameur olympique. Mais de qui parle-t-on au juste?

D'une ancienne adolescente «incapable de regarder les gens dans les yeux jusqu'à 17-18 ans», percluse de timidités post-pubères et soumises aux affres de la badinerie ordinaire: «J'avais du mal à engager une conversation». Tout le contraire d'une fille bien née, promise à régner sans pitié sur une escouade de cogneuses en jupettes.

Iga Swiatek avec son père, qui l'a «orientée» vers le tennis dès l'âge de quatre ans.
Iga Swiatek avec son père, qui l'a «orientée» vers le tennis dès l'âge de quatre ans.

Les Grand Chelem, la grande vie, «c'était le rêve de mon père. La nuit, moi, je rêvais de me sentir un peu plus naturelle dans mes interactions sociales», écrit-elle en janvier dans The players tribune.

Quand Barty est partie à la retraite en pleine gloire, sans dire au revoir, avec ses fantasmes de maris et de petits déjeuners au lit, Swiatek s'est retrouvée seule au sommet, prise d'un début de vertige. Débarrassée d'une dangereuse rivale, elle est aujourd'hui confrontée à la solitude du pouvoir. «Quand j'ai appris la nouvelle, l'ai beaucoup pleuré», écrit-elle encore dans The players tribune. «Ça peut paraître étrange mais j'étais choquée qu'Ash prenne sa retraite à 25 ans. J'avais aussi l'impression qu'elle avait le meilleur tennis du monde, et de loin.»

Swiatek a remporté Roland-Garros à 19 ans tout juste. Sur Eurosport, Mats Wilander décrit «une jeune fille qui n'était pas préparée à prendre autant la lumière», petit chrysalide brûlée à la puissance des projecteurs. «A une époque de ma vie, j'étais tellement introvertie que parler aux gens était un véritable défi», avoue-t-elle dans le même texte. «Je me sentais vraiment mal de ne pas être capable de créer du lien. La conversation n'était pas naturelle pour moi.» Que dire d'un discours en mondiovision, figée au milieu d'un court?

Autre problème: la jeune fille est maniaque. Elle confesse une sorte de perfectionnisme compulsif qui, aujourd'hui, affecte de nombreux athlètes surpréparés, élevés selon les règles sévères de la doxa utilitaire - un monde où les calories sont comptées, les efforts calculés, les siestes calibrées.

«Je lutte depuis toujours contre le sentiment de devoir tout faire exactement comme il faut, tout le temps», a expliqué Swiatek en conférence de presse. «Même dans ma vie quotidienne: quand je fais le ménage à la maison, je ne peux pas m'arrêter tant que ce n'est pas parfait. J'ai toujours l'impression de ne pas avoir assez nettoyé. Alors je continue. C'est difficile de travailler là-dessus. Et ça peut devenir vraiment destructeur.»

Première réaction irrationnelle d’Iga Swiatek à la United Cup, début janvier: ce n'était certes pas un loto de campagne mais cette défaite contre Jessica Pegula, dans un simple tournoi mixte, justifiait-elle de finir en pleurs?

Dix jours plus tard, victoire pénible en ouverture de l’Open d’Australie contre Julie Niemeier (6-4 7-5); mais toutes les bêtes de scène, y compris Roger Federer, vous raconteront le trac d'un premier tour en Grand Chelem, quand les clameurs montent et vous arrachent à vos basses contingences - prendre match après match, rester concentré, oublier l'enjeu.

Pour Swiatek, ce jour-là, la victoire n'est pas un soulagement. Tout le monde le voit. Son visage exprime une forme de délivrance, la fin d'une dure souffrance.

A la fin du match, elle signe des balles, comme le veut une coutume que, certes encore, elle n'a pas choisie. Elle est fatiguée. Irascible. Mais elle signe. Puis un fan lui jette une balle du haut des gradins.

Sa réaction en vidéo

Vidéo: watson

Devant les médias, elle fait passer le message: elle ne sera pas cette superwoman que les gens portent en triomphe. C'est comme si elle œuvrait à sa propre destitution. «Il faut travailler très dur pour gagner. Je ressens davantage les attentes cette fois‐ci. J’aimerais juste que certaines personnes comprennent un peu mieux ce que représente de disputer une compétition chaque semaine de sa vie. Peut‐être que ce serait un peu plus facile s’il y avait moins de gens qui jugent. Moins de gens qui regardent uniquement les résultats et les statistiques. Parfois, j’ai l’impression de ne pas être traitée comme un être humain, mais plutôt comme un robot qui doit gagner.»

Iga Swiatek pendant son premier tour.
Iga Swiatek pendant son premier tour.Image: sda

Le tennis féminin est ainsi fait que depuis Serena Williams, aucune championne, aussi douée et pugnace soit-elle, n'a installé sa domination dans la durée. Toutes ont fini par craquer, tantôt physiquement ou psychologiquement, souvent les deux. Maintenant que le phénomène est identifié, débattu et documenté, la nouvelle génération évoque ouvertement ses «problèmes de santé mentale», de la petite mine à la grosse déprime, comme pour un mal qui serait passé de l'état d'âme à l'état grippal.

Iga Swiatek n'en revendique pas les symptômes. Mais certains de nos confrères en Australie la trouvent particulièrement nerveuse et pâlichonne, tout en admettant qu'ils s'inquiètent peut-être pour rien: «On dit la même chose de Nadal avant chaque Grand Chelem...» «J'ai envie de croire en elle. De penser que cette fois, on en tient une bonne (si je puis dire), que Swiatek peut marquer son époque», nous glissait Henri Leconte avant son avènement à Roland-Garros 2020.

Les attentes sont à la mesure de celles qui les ont précédées: dix ans que le tennis féminin vit d'extases sans lendemain (des nouvelles d'Ostapenko?). Face aux jugements, Iga Swiatek dit que «parfois, la meilleure chose à faire est de s'en foutre». Elle l'a affirmé lundi avec plus ou moins de conviction. Mais à 21 ans, comment une maniaque de l'ordre et de la propreté pourrait-elle se foutre qu'on salisse sa réputation?

Nadal ne trouve plus sa raquette
Video: twitter
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