Performant sur terre battue et désormais sur dur, Casper Ruud trace son chemin vers la finale de Flushing Meadows, et vers la place très convoitée de numéro un de l'ATP. La qualité de son coup droit lifté, un constat prégnant si vous prenez le temps de vous déplacer le voir jouer, et son jeu de jambes sont des armes qui lui permettent de faire son trou dans le top 10 mondial.
Dans L'Equipe, le Norvégien disait «avoir mûri et appris à mieux jouer les rencontres en cinq sets que l'an dernier». Son parcours à Miami (finale perdue contre Alcaraz) lui a prouvé qu'il était capable d'être compétitif. Ruud, ce sont neuf tournois remportés, dont huit sur terre battue. «J'ai beaucoup développé mon jeu sur dur depuis deux ans», décrivait-il dans une entrevue avec L'Equipe.
Et voici qu'il est proche de devenir le numéro un mondial, rien que ça. Pour ce faire, il peut prendre place au sommet de la hiérarchie s’il atteint la finale de cet US Open 2022 et que Carlos Alcaraz ne le terrasse pas en finale.
Il y a une année, ils étaient peu nombreux à se douter de l'ascension dorée du Norvégien. Un déclic qui s'est fait à Paris: une révélation, l'avènement d'un joueur qui va en étonner plus d'un au cours de la saison. Joueur le plus performant sur terre battue depuis 2020, Ruud vient, à l'instar de Medvedev, derrière cette domination outrageuse du «Big Four». Le lourd héritage, la difficile révolution lancée par des tennismen encore (un poil) tendres - Alexander Zverev et Dominic Thiem peuvent en témoigner. Le Russe, bouté hors de cet US Open 2022 au stade des huitièmes, démontre la difficulté pour ces joueurs d'être réguliers sur une saison entière.
Ruud est désormais dans une position (très) favorable pour évoluer sur le toit du tennis. Est-ce une bonne chose pour le tennis mondial? Est-ce que l'univers de la petite balle jaune est dans une transition, le monde du tennis cherche-t-il un second souffle?
«Si vous vous dites que le tennis mondial cherche un second souffle, vous n'avez pas vu le match entre Sinner et Alcaraz», démarre au quart de tour Marc Rosset. Ruud dans la peau du numéro un, pour l'ancien tennisman, il préfère parler de concours de circonstances pour un classement chamboulé par le Covid et par la guerre en Ukraine; la hiérarchie est devenue un tantinet bizarre. «Le "Big Four" est à présent un "Big Two" vieillissant, ajoutez à cela les déboires de Novak Djokovic et les blessures de Rafael Nadal, les cartes sont redistribuées.»
Pour le champion olympique de Barcelone, voir Casper Ruud avec le chiffre un accolé à son nom ne le dérange pas. Une nouvelle ère plutôt qu'une recherche de second souffle pour le tennis mondial? Rosset explique que «les tableaux sont désormais plus ouverts». Mais toujours est-il que le classement est un peu étrange, mais il est difficile de trouver une solution miracle, selon le Genevois. «Djokovic, après ses déboires administratifs, vaut-il son classement actuel? Certainement pas.»
Un destin à la Pat Rafter (une semaine dans la peau du numéro un) ou encore Carlos Moya (deux semaines). La trajectoire de Ruud est imprégnée du syndrome du tennis féminin, des joueuses au sommet, sans avoir gagné le moindre Majeur. Il y a cette sensation de voir une joueuse se retrouver au sommet de la hiérarchie sans avoir remporté un seul Grand Chelem. Chez les hommes, Marcelo Rios était monté sur le trône en 1998 sans le moindre Grand Chelem.
Mais atterrir au sommet est-il un boost pour la cote de popularité du Norvégien?
Un public qui n'accorde pas ou peu d'importance, mais préfère faire la queue pour voir un joueur tel que Nick Kyrgios. Les gens paient pour des joueurs spectaculaires, des jeux différents et inventifs, bien loin de la solidité de fond de court de Ruud. «C'est presque un délit de faciès, si j'ose dire. Ruud fait une saison très, très solide, mais le public préfère payer pour voir évoluer Alcaraz, par exemple. Ça me rappelle mon époque, quand Ivan Lendl peinait à faire vendre, à qui on reprochait un jeu soporifique. Le public se massait dans les travées pour voir McEnroe a contrario.»
Quid des absents, des joueurs qui ont raté le coche, comme Zverev ou Thiem? «Une carrière est liée, je ne dirais pas à de la chance, mais à une sorte de hasard. Zverev et Thiem ont joué des gars hors norme. Le tennis a été cannibalisé par quatre joueurs.»
Mais pour conclure, comme le soulignait Marc Rosset, le Norvégien n'est pas le prochain grand dominateur du tennis mondial. Mais si par bonheur le natif d'Oslo atteint le sommet du classement ATP, il pourra écrire sur sa fiche une ligne que peu de joueurs peuvent se targuer d'avoir.