Bode Miller est au fond du trou: sa marque de ski lancée en 2021, avec son associé Andy Wirth, est au bord de la banqueroute et avec des dettes qui semblent insurmontables.
L'information a été révélée par le média The Colorado Sun, dans un article datant du 17 juin. Et le tableau est pour le moins tristounet pour l'ancienne gloire du ski alpin.
Le destin de sa marque est lacéré par les ennuis et les carences en matière de gouvernance.
Le skieur Chris Davenport, légende dans le milieu du ski extrême, avait rejoint la firme en 2022 en tant que directeur principal du ski et de l'innovation produit. Il ne cachait pas sa profonde déception:
Davenport n'a d'ailleurs pas touché la totalité de son contrat et a même lancé une procédure juridique pour récupérer son argent, à force de ne pas pouvoir atteindre ses deux anciens patrons.
Même son de cloche pour Michelle Parker, superstar du freeski de 38 ans, qui a également rejoint Peak Ski en 2022 en tant qu'athlète et responsable du design produit.
Un si bel emballage avec en son sein un cadeau empoisonné. Pour la jeune femme, le contrat a été honoré à hauteur de «peut-être le quart du contrat de trois ans», rapporte-t-elle au média américain, avant de déplorer qu'«ils (réd: Miller et Wirth) n'ont certainement pas été francs».
Deux plaintes ont été déposées par les deux athlètes, mais leurs avocats respectifs craignent qu'il ne soit impossible de récupérer quelques billets.
Une pilule très amère pour Michelle Parker, qui avait quitté sa marque de toujours (Black Crows) et foncer sans se retourner dans le giron Peak.
Aujourd'hui, les portes du siège social sont closes à Bozeman, dans le Montana; le site web officiel de la firme est fermé et les deux douzaines d'employés ont été licenciés sur-le-champ.
Et selon les informations du Sun, plus de 2000 skis restent impayés dans l'usine de la marque Elan, en Slovénie, malgré une levée de fonds de 1,2 million de dollars auprès de 592 investisseurs lors d'une campagne de financement participatif en 2024.
Face aux avocats et aux demandes insistantes des personnes lésées, Bode Miller est sorti de son silence et a déclaré que les tourments de Peak étaient liés à la flambée des coûts d'exploitation. Le fantasque américain aux 33 victoires en Coupe du monde affirme que des investisseurs s'étaient engagés à gonfler les tiroirs-caisses de l'entreprise, mais ils n'ont jamais respecté leurs engagements.
Peak Ski comptait révolutionner le secteur. A l'instar de la marque de cycles Canyon, l'entreprise proposait un site e-commerce direct au consommateur et un nouveau processus de production automatisé. Le tandem Miller/Wirth comptait redistribuer les cartes de la fabrication et de la vente des skis.
Et le pari semblait fonctionner, avec des avis positifs dans l'exigeant microcosme du ski, si concurrentiel et intraitable. Selon les médias américains, 4000 paires de skis ont été écoulées la première année, pour un chiffre d'affaires de trois millions de dollars.
La marque carburait et proposait six modèles dès sa première année. Pour se démarquer avec son matériel, Peak Ski proposait un ski au caractère unique, qui résidait dans une petite découpe en forme de «trou de serrure» qui se nichait juste devant la fixation avant. Ce concept était censé améliorer la souplesse et la maniabilité des skis sans compromettre la stabilité. La marque Fischer avait tenté un concept semblable, avec un trou à l'avant de la spatule – une idée abandonnée depuis par la maison autrichienne.
A cela s'ajoute une autre nouveauté dévoilée par la firme: un dispositif de suivi qui peut être inséré dans cette ouverture pour aider à localiser les skis perdus ou volés.
Si la première année était une entrée fracassante dans le milieu, la deuxième année de la marque montrait déjà des signes de fléchissement. L'entreprise annonçait déjà des soldes pour séduire la clientèle en misant sur «un acheté, un offert», comme le relavait le Colorado Sun. Des signes qui ne trompent pas sur la santé financière de la structure.
Des informations faisaient également état de promotions impayées et plusieurs prestataires ne voyaient pas la couleur de leur argent.
Des «erreurs financières énormes», selon Chris Davenport, et une communication défaillante entre les deux patrons seraient le noyau du problème.
Un véritable gâchis qui laisse encore pantois les professionnels du secteur. Jonathan Ellsworth, fondateur et rédacteur en chef de Blister, une agence de médias outdoor, critiquait vertement la gouvernance de Peak Ski.
Il n'a pas hésité à sortir la sulfateuse:
Il qualifiait le comportement de la société comme «indéfendable», spécialement après avoir engrangé plus d'un million à la suite du financement participatif.
Bode Miller, de son côté, acculé, a confié qu'il cherchait à vendre les paires restantes pour régler ses dettes... et garder la société à flot dans un dernier sursaut d'orgueil.
L'orgueil seul du champion ne peut pas déplacer des montagnes. Pourtant, le champion américain refuse de s'avouer vaincu: «Je crois en notre projet et j'espère le mener à bien» et de «s'excuser pour la situation si elle a frustré certaines personnes».
Cette fois-ci, Bode Miller ne devra pas descendre la montagne le plus vite possible, mais bien la gravir pour ne pas abandonner l'un des projets les plus ambitieux de sa carrière d'entrepreneur.