Ce n'est pas une promesse lancée en bout de table, avec des ardeurs de fin de banquet, pour épater les filles. C'est à son patron (l'ATP) que Maxime Cressy a dévoilé dans une vidéo son projet de devenir le meilleur joueur du monde, comme tant d'illustres hurluberlus avant lui. Que sont-ils devenus?
Maxime Cressy est donc le dernier en date, mais pas le plus timoré. Né à Paris de parents étrangement discrets, il a pris la citoyenneté américaine tout en gardant le bagou français. Le mélange est détonant: «Ma mentalité est unique. Je mets beaucoup l’accent sur ce que je peux contrôler, sur mon service, sur mon efficacité sans pareil en service-volée. C’est ce qui fait le plus peur à mes adversaires.» Et là Novak prend un Prozac.
Ce qu'il a fait. Maxime Cressy, 25 ans déjà, occupe la 54e place à l'ATP. Son meilleur résultat en Grand Chelem est un huitième de finale à l'Open d'Australie 2022, où il a battu successivement Isner, Machac et O'Connell. Devenir n°1 serait une suite logique, comme 2 et 2 font 7.
Il a suffi d'une rime facile et de quelques effets de style (technique, capillaire) pour créer un lien imaginaire. Certes, tous deux défendent avec beaucoup d'énergie, ils lisent bien le jeu, ils vont souvent chez le médecin et leurs colères font vriller les rombières. Mais entre Coric et Djokovic, il y a plus qu'un hic. Il y a un gap.
Ce qu'il a fait. Opéré de l'épaule en 2021, Borna Coric est retombé au-delà de la 300e place mondiale, dans une indifférence quasi totale. A 26 ans, il revient de loin (ATP 23), après un travail ingrat, avec beaucoup d'allant et de sagesse: «Idéalement, je voudrais entrer dans le top ten mais le plus important est d'être en bonne santé, ensuite les résultats viendront».
Nous avions assisté à son premier match en Grand Chelem, Open d'Australie 2015, où les élites journalistiques françaises s'étaient pressées au bord du court pour observer «le nouveau phénomène du tennis moderne». Océane Dodin, 18 ans, avait offert une séance de tir au pigeon: chaque balle était frappée dans le but d'en finir, chaque point était un coup gagnant ou une faute directe. Après sa victoire, dans une salle de presse un peu exiguë pour ses grandes ambitions, Dodin avait encore fait parler la poudre.
Ce qu'elle a fait. Un an après, «la Française a distribué des pains pendant 2h10 avant de renverser Alison Riske au premier tour de l'Open d'Australie. Un match à montrer dans toutes les boulangeries», écrivait notre collègue Julien Caloz, également présent.
Océane Dodin en est toujours là, à distribuer les pains plutôt qu'à construire les points. Huit ans après son effet d'annonce, elle n'a jamais franchi deux tours en Grand Chelem et a péniblement atteint la 46e place mondiale en 2017 (109e aujourd'hui).
Le brave Ernests est un fils de milliardaire dilettante dont la carrière n'a jamais cessé d'osciller entre fêtes et défaites, beuveries et déboires. Le zouave a disposé de son talent à bien plaire, au gré de ses humeurs volages. Sans renier un tempérament joueur - guidé par un instinct farceur.
Top 20 à 18 ans, Gulbis a toujours pensé que rien ne sert de courir, il faut partir au bar du coin. Quand il décidait d'arrêter la picole et/ou la gaudriole, quand ses parents lui confisquaient leur jet privé, il n'avait plus qu'une chose à faire: devenir n°1. Le pire, c'est qu'il en était capable.
Ce qu'il a fait. De conquêtes en aventures sans lendemain, Gulbis s'est lassé de courir des objectifs, lui qui préférait de loin le jupon et le goujon. Il n'a pas disputé la moindre finale majeure. «Pourquoi, je vous le demande, le jeune talent que j'étais aurait dû repousser ses limites? Pourquoi souffrir quand on a autant d'opportunités dans la vie? Moi, j'avais tout.» Gagner n'était pour lui qu'une tocade, un caprice de petit surdoué oisif.
Faut-il blâmer un quelconque athlète d'afficher ses ambitions? Dans le tennis de haut niveau, il existe un peu deux philosophies. La première, d'obédience anglo-saxonne, considère que pour aller loin, il faut voir grand - et affirmer ses convictions. La seconde, portée avec panache par Stan Wawrinka, dit qu'il ne faut jamais regarder la montagne et avancer pas à pas - en silence. Deux façons d'atteindre les sommets - de se donner du courage.
Parmi le top 50 actuel, de très nombreux joueurs ont affirmé jeune, tôt, leur envie de dominer le monde: Jannik Sinner, Stefanos Tsitsipas, Novak Djokovic. Même Alexander Zverev a annoncé fièrement il y a deux ans: «Je sens que le but est proche». Sauf que chez tous ceux qui ont réussi, les fanfarons comme les taiseux, il y a une constante. Il y a un passage à l'acte. Accompagné souvent de doutes inavouables.