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SailGP: «Les Suisses sont trop lisses et trop scolaires»

SAilGP Suisse: Le SailGP réunit les meilleurs marins du monde dans une compétition de pointe. La Suisse y est talentueuse mais excessivement prudente, selon son patron.
Keystone

Dans la F1 des mers, «les Suisses sont trop lisses et trop scolaires»

Créé en 2019, le SailGP réunit les meilleurs marins du monde dans une compétition de très haut niveau. La Suisse y est talentueuse, mais excessivement prudente, selon son patron.
09.08.2023, 18:5710.08.2023, 06:06
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Deux saisons déjà que la Suisse est engagée dans la Formule 1 des mers, appelée SailGP. Même principe: les pilotes les plus doués aux commandes des engins les plus rapides. A une différence près, mais elle est fondamentale: tous les bateaux sont rigoureusement identiques. L'égalité des chances garantie d'usine - comme aucune politique de gauche n'avait osé en rêver.

Que fait la Suisse dans ce cénacle de loups de mer? Pour mieux comprendre, nous avons parlé à Tanguy Cariou, PDG de l'équipage helvétique - et bien plus encore.

Qui est-il?

Né le 21 avril 1973 dans le Val-de-Marne, Tanguy Cariou vit depuis longtemps en Suisse, dont il a acquis la nationalité. Il a fait de la course au large avec Franck Cammas et Bernard Stamm, la Coupe de l’America avec Alinghi et les défis français, de la voile olympique où il fut no 1 mondial. Reconverti dans le management, il est actuellement PDG de Team Tilt, la structure qui encadre les jeunes talents suisses de la voile.

La voile suisse,
ce miracle permanent

«Avec son histoire, la navigation suisse a sa place en SailGP, affirme Tanguy Cariou. En tout cas, je trouverais dommage de ne pas en être.»

L'ex No 1 mondial cite l'héritage de Fehlmann, Wavre, Stamm, Alinghi. «Même des pays qui ont accès à la mer ou à l'océan n'ont pas une culture de la voile aussi importante. Ce sont des succès extraordinaires avec une telle position géographique et un nombre aussi limité de marins.»

Des succès très suisses dans leurs fondements: zéro déchet et organisation tip top en ordre. «Nous ne pouvons pas reproduire la méthode des pays anglo-saxons car nous n'a pas le même réservoir de talents. Pour gagner, nous devons être organisés et efficients, utiliser le maximum du potentiel à disposition.»

Tout en se laissant guider par des courants d'influence. «La Nouvelle-Zélande surtout, cite Tanguy Cariou. C'est la référence absolue, comme les All Blacks dans le rugby. Les Néo-zélandais ont une capacité d'adaptation phénoménale. Outre une culture, un savoir, un vécu. Des qualités que l'on retrouve aussi chez les Australiens.»

Tanguy Cariou.
Tanguy Cariou.

Reste l'école française, dont Tanguy Cariou est issu. Mais elle est inimitable: «C'est la french touch, sourit le Franco-Suisse. L'approche est très différente des anglo-saxons. Si les marins français pêchent parfois dans l'organisation et la mise en place, ils sont imprévisibles, très agressifs et déterminés, jusqu'à devenir parfois intouchables. Mais ce côté brillant peine à trouver une certaine régularité.»

Trop de prudence n'est pas raisonnable

Tanguy Cariou le reconnaît spontanément: «Nous avons des difficultés. Notre première saison en SailGP était plutôt une découverte. Nous avons progressé très rapidement dans la conduite du bateau, mais en compétition, nous ne sommes pas dans le coup. Si je devais comparer avec la F1, je dirais que nous sommes relativement rapide au tour mais qu'en course, nous basculons dans le dernier tiers du peloton.»

Le problème? «On ne prend pas les bonnes décisions dans le parcours.» Tanguy Cariou rappelle qu'en SailGP, l’agressivité et l’opportunisme paient d’avantage que la régularité. Le format favorise la prise de risque. (lire plus bas). «Les manches sont relativement brèves, environ 15 minutes, elles ne laissent pas le temps à une hiérarchie de s'installer. Souvent, il y a des opportunités à saisir, sinon des ouvertures inattendues», explique Tanguy Cariou.

Le trailer de la saison 4

Conclusion: «Nous sommes trop gentils, trop linéaires. Trop suisses et trop scolaires», constate froidement Tanguy Cariou. A quoi reconnaît un Suisse dans ces eaux-là? «Par exemple, nous ne prenons pas assez de risques sur la ligne de départ. Nous avons tendance à choisir le côté où il y a le moins de trafic, une option prudente qui, au final, allonge la distance à parcourir. Il faut aller à la bagarre. Rentrer dedans. Accepter un peu de déchet. Nous avons tendance à attendre que tout soit parfait et bien en place.»

Chasser le naturel

Tanguy Cariou avoue se reconnaître dans cette culture suisse. «Le côté très structuré me correspond parfaitement. Mais nous ne devons pas tomber dans le confort. Il est clair que comparé à d'autres pays, nous n'avons pas à batailler, à sortir de la pauvreté ou du ghetto, pour nous élever socialement. Mais ce n'est pas une raison pour penser qu'en compétition et au niveau international, nous ne pouvons pas jouer des coudes, devenir combattifs et malins.»

«Nous ne devons pas avoir de complexe, s'enhardit Taguy Cariou. Techniquement, nous avons le niveau. Nous devons rapidement transformer l'essai et atteindre le milieu du classement, en nous montrant moins prudents.»

Qui est derrière
l'équipage suisse?

Tous les marins sont affiliés à la structure Team Tilt, dont Tanguy Cariou est le PDG. Team Tilt «a été fondée en 2012 pour offrir un parcours et un soutien aux jeunes marins suisses», explique son site internet.

Ce projet est une initiative de l'homme d'affaires genevois Alex Schneiter, triple vainqueur du Bol d'or en monocoque. Son fils Sébastien, skippeur olympique (2016 et 2020), est à la barre en SailGP.

Sail GP, la Formule 1 des mers

Le SailGP est une compétition de voile calquée sur la Formule 1, lancée en 2019 par le barreur néo-zélandais Russel Coutts, quadruple vainqueur de la Coupe de l'America - notamment avec Alinghi en 2003.

10 «équipes nationales» sont inscrites dans la saison 4 qui a commencé en juin. Le SailGP réunit les meilleurs marins du monde, dont presque tous sont engagés sur la Coupe de l'America. «On retrouve parfois des équipages complets», ajoute Tanguy Cariou.

Contrairement à la F1, les conditions de départ sont les mêmes pour tout le monde: les bateaux (des catamarans à foils de classe F50 à hautes performances), le matériel, les fenêtres d'entraînement et l'accès aux données. Tous les datas de chaque équipage sont disponibles en temps réel et en «open source» pour l'ensemble de la flotte.

«C'est comme si Verstappen et Hamilton couraient sur la même voiture, avec le même moteur et les mêmes pneus, en pouvant consulter instantanément les données de l'autre. Le SailGP est conçu pour être le meilleur spectacle sportif possible. Il n'y a aucun avantage à tirer de la technologie ou de l'argent. Tout est axé sur la performance pure. Les meilleurs marins gagnent.»
Tanguy Cariou

Avec ce format, le SailGP évite la course à l'armement et l'espionnage industriel qui prévalent sur la Coupe de l'America, petit frisson de guerre froide pour milliardaires suréquipés. Ici, tous les bateaux sont la propriété de l'organisateur, qui en assure la conception et la maintenance.

Le mode de compétition

Un GP commence avec cinq manches d'une quinzaine de minutes chacune. Le vainqueur d'une manche reçoit 10 points, le deuxième 9 points, et ainsi de suite.
Au terme de ces cinq manches, les trois meilleurs équipages jouent leur classement final sur une seule régate.
La saison 4 compte 12 GP.
A l’issue du dernier GP de la saison, les 3 meilleures équipes au classement général s’affrontent dans la Grande Finale, en une seule manche. Cette apothéose désigne le vainqueur de la saison, qui reçoit 1 million de dollars.
Ce bateau se prend des vagues de 8 mètres
Video: watson
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