Sur le papier, voici le plan: en cas de manque d'électricité, les autorités appelleraient, tout d'abord, à économiser l'énergie. L'étape suivante consisterait à interdire certains appareils gourmands en énergie, comme les climatiseurs, les escaliers roulants ou les enseignes lumineuses. Et si cela ne suffit pas malgré tout, les grands consommateurs se verraient obligés d'économiser de l'énergie. Ultime solution: des coupures cycliques d'une durée de quatre heures.
Cette solution radicale serait à l'origine de nombreux problèmes, comme le montre un document abordé au cours de l’émission «Rendez-vous» à la radio SRF. Il s'agit du procès-verbal d'une réunion des exploitants d'infrastructures critiques nationales qui s'est tenue à la mi-mai. La Poste, Swisscom, Coop, Migros, Alpiq et UBS y étaient notamment représentés. La rencontre a été organisée par la Confédération.
A cette occasion, les représentants de la Confédération ont été clairs: il n'est pas possible d'exclure les exploitants d'infrastructures critiques des coupures de courant. Si le Conseil fédéral devait recourir au «pire des cas» (c’est-à-dire couper l'électricité quatre heures par jour) ou si un black-out non planifié survenait, cela engendrerait des conséquences importantes.
Lors de la réunion, le représentant des CFF a affirmé que le trafic ferroviaire pouvait s'alimenter en électricité de manière autonome pendant environ une heure. «Si le cas d'un black-out se présentait, cela permettrait encore un arrêt contrôlé», a-t-il déclaré dans le document. Ce qui signifie donc qu’au bout d'une heure, tous les trains seraient immobilisés. Ces derniers ont non seulement besoin de courant de traction pour la caténaire, mais aussi de courant domestique pour la technique ferroviaire, comme les signaux.
En cas de coupure de courant, le réseau de téléphonie mobile tomberait également rapidement en panne. Swisscom a déclaré lors de la réunion que le concept actuel de courant de secours se basait «sur une heure d'autonomie sur tous les réseaux». Cette déclaration a provoqué l'étonnement d’un représentant de l'organisation de stockage obligatoire de l'industrie pétrolière. Il a déclaré, selon le procès-verbal: «C'est assez choquant que le réseau mobile ne présente qu'une heure d'alimentation de secours lors d’un black-out électrique.»
Fin 2020, le Conseil fédéral a pourtant déclaré que les réseaux de téléphonie mobile devraient être mieux protégés contre les pannes de courant, afin que les appels vers les numéros d’urgence soient possibles. Le projet n'avance que très peu, comme l'a récemment rapporté CH media.
Les exemples des CFF et de Swisscom ne sont pas une exception. L'Office fédéral de la protection de la population a présenté lors de la réunion les résultats intermédiaires d'une enquête menée auprès de plusieurs exploitants d'infrastructures critiques. Les déconnexions périodiques du réseau poseraient particulièrement «de gros problèmes» aux exploitants.
La Migros a émis de vives critiques lors de la réunion. Selon elle, les exploitants d'infrastructures critiques doivent être assurés de recevoir du courant en continu:
Si une pénurie d'électricité devait survenir, Migros pourrait fermer une partie de ses supermarchés. Il est toutefois important que les paiements restent garantis dans les magasins ouverts. Les grands distributeurs et le trafic des paiements devraient être exclus de la coupure du réseau, a exigé le représentant de Migros.
Selon l'Office fédéral de la protection de la population, les conditions techniques nécessaires pour exempter certains exploitants d'infrastructures critiques font en grande partie défaut. Un représentant de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays a ajouté:
L’employé de la Confédération a tout de même précisé que: «L'objectif est que les coupures périodiques du réseau soient prescrites le plus tard possible.» Mais en général, il semble difficile d’économiser de l’électricité sans recourir à des mesures drastiques. Selon le document, un représentant de Swisscom a déclaré que des économies de l'ordre de 20 à 30% n'étaient «guère possibles». La Poste a également fait remarquer que le potentiel d'économie sur les sites de production, comme les centres de tri, était «limité».
La réunion, organisée par la Confédération, a eu lieu à la mi-mai. Depuis, les entreprises continuent à se préparer à une éventuelle pénurie d'électricité. Elles n'ont pas encore dévoilé toutes leurs cartes. Aux CFF par exemple, on affirme que des concepts sont actuellement élaborés en collaboration avec la branche et la Confédération. L'objectif est de «mettre en place des mesures de préparation concrètes».
(Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz)