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Agriculture

«Coop et Migros se sucrent sur les dos des agriculteurs»

Les marges de Coop et Migros dans le secteur du bio sont extrêmes.
Les marges de Coop et Migros dans le secteur du bio sont extrêmes.Image: Shutterstock

Comment «Coop et Migros se sucrent sur les dos des agriculteurs»

Une enquête de la Fédération romande des Consommateurs (FRC) publiée mercredi met en lumière les marges que se font les grands distributeurs sur les fruits et légumes suisses. Dans le bio, comme pour les tomates grappe, la différence des coûts de production peut aller jusqu'à 138%. Si les maraîchers n'osent pas s'y opposer, l'organisation paysanne Uniterre ne mâche pas ses mots.
07.10.2022, 06:1211.10.2022, 11:39
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«Ce n’est pas parce que le prix d’un bien augmente en rayon que le producteur a touché une plus grande somme d’argent!». Voilà qui pose le cadre de l'enquête menée par La Fédération romande des consommateurs (FRC) publiée ce mercredi.

A la base de cette enquête, un questionnement: celui de la formation du prix des fruits et des légumes en Suisse à travers toute la chaine, du producteur au consommateur. Pour cela, la FCR avait besoin de données. Notamment: les coûts de production des maraîchers, le détail des coûts intermédiaires, ou encore leurs prix de vente à la grande distribution.

Mais la FRC s'est heurtée à un mur. Autant du côté des groupes d’intérêts, de la fenaco (société coopérative agricole qui distribue des denrées alimentaires suisses), ou de l’Union maraîchère suisse. En lieu et place de statistiques et données claires, des réponses fuyantes: «le calcul des marges est très compliqué et demande des ressources importantes», s'est entendu dire la FRC.

«Nous avons été confrontés à une véritable omerta qui entoure la production maraîchère»
Enquête de la FRC

Les points forts de l'enquête

  • Les coûts intermédiaires sont opaques. Ces derniers comprennent le tri, le lavage, l’emballage, le transport, le stockage ou la distribution. Tous ces facteurs pèsent clairement dans le prix final...mais à quel point?
  • Coop et Migros ont une véritable mainmise sur le secteur. Ce duopole représente à lui seul 80% du commerce des fruits et légumes à destination des particuliers.
  • Les maraîchers assument à eux seuls un certain nombre de risques (météo, assurance, inflation), sur lesquels ils ont peu d'emprise, et qui font baisser leur marge de façon drastique.
  • Les exigences de la part de la grande distribution sont de plus en plus élevées, notamment en ce qui concerne les normes d'emballage. Des tensions se sont cristallisées autour de ces questions.
  • Le consommateur n'a, pour l'heure, pas les moyens de contrôler comment la hausse des coûts de production impacte le prix de vente. Madame Dupont a peut-être payé plus cher en rayon, mais son producteur en profite peu...ou pas du tout.

Marges extrêmes dans le bio

La marge que se font les distributeurs est encore plus importante sur les produits bio. Les légumes bio coûtent en moyenne 30% de plus à produire. «Mais la différence des prix à la consommation pour les fruits et légumes bio et non bio selon le panier établi par l’OFAG est de près de 50% en 2022», nous avise la FRC.

La raison de cet écart semble claire: les distributeurs ont bien compris que les consommateurs, en particuliers la frange plus aisée, veut soutenir l'agriculture durable. Les prix sont alors gonflés de façon artificielle. Les exemples de la carotte et de la tomate grappe sont criants:

Pour la carotte, les coûts de production se montent à 57 ct./kg en conventionnel et 80 ct. en bio, soit une différence de 40%. En rayon, cette différence est de 48 à 116% pour le bio,
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Source: FRC
Pour les tomates grappe, la différence de coûts de production s’élève à 34% or les relevés de l’OFAG pour les prix pratiqués par la grande distribution vont jusqu’à 138% de plus!
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Uniterre en colère

Du côté des organisations paysannes, comment a-t-on réagi à l'enquête? «Ce n'est pas surprenant». Alberto Silva, secrétaire politique à Uniterre et maraîcher bio à Siviriez (canton de Fribourg), se dit en colère.

«Ce système libéral ne permet pas de garantir un prix rémunérateur aux producteurs. Ce sont 2 à 3 fermes qui disparaissent chaque jour en Suisse. Les agriculteurs travaillent des années, très dur, pour qu'à la fin, la grande distribution, dont Coop et Migros, se sucre sur leur dos»
Alberto Silva

Pour lui, le jugement est sans appel. Les politiques préfèrent sacrifier les producteurs et ménager le bout de la chaîne. Nous questionnons le rôle de l'OFAG. ALberto Silva nous oriente vers la Commission de la concurrence (COMCO). «Cela fait des années qu'on demande des prix rémunérateurs, et une meilleure observation du marché», déplore-t-il encore.

Et quid de l'image de la grande distribution proche de ses producteurs? «Un mensonge, honteux et scandaleux», assène Alberto Silva.

«L'enquête de la FRC fait bien ressortir ce double jeu. Avec l'inflation, le prix à la consommation grimpe, pendant que la rétribution des producteurs régresse. Le consommateur a l’impression de financer une transition vers une agriculture durable, mais il ne fait qu'engraisser le mauvais maillon».
Alberto Silva

Le point de vue fédéral

Du côté de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG), le ton est assuré. «Légalement, L'OFAG n'a pas les moyens de réguler le prix du marché, ni le prix de vente aux producteurs», asserte Marion Florie, porte-parole. Sur le manque de certaines données pointé par la FRC, l'OFAG dit ne pas pouvoir forcer les acteurs à la transparence.

«Nous sommes dans une économie libérale, nous fixons le cadre. Ensuite, c'est aux agriculteurs de se réunir en branche, et de faire valoir leurs demandes auprès de la grande distribution»
Marion FLorie, OFAG

Et ce que pense l'OFAG des 2 à 3 fermes qui cessent leur activité quotidiennement? «Il y a beaucoup de raisons qui poussent à cela», énonce Marion Florie. Le fait qu'une exploitation ne trouve pas repreneur, qu'elle fusionne, qu'elle prenne une nouvelle direction. «Pour l'heure, le taux d'auto-approvisionnement de la Suisse est stable».

En attendant, quelles solutions?

Outre une meilleure observation du marché, Alberto Silva plaide pour un instrument de médiation permettant aux agriculteurs de déposer plainte de façon anonyme en cas de pratiques commerciales jugées iniques. Et de citer deux initiatives parlementaires déposées par Les Verts:

Ces initiatives, selon Uniterre, permettraient de rétablir un rapport de force «totalement déséquilibré» entre grandes distributions et producteurs, et de garantir des filières transparentes. En attendant, comme le rêve Alberto Silva, de rassembler un monde paysan passablement déchiré par la compétition.

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