«Ce n’est pas parce que le prix d’un bien augmente en rayon que le producteur a touché une plus grande somme d’argent!». Voilà qui pose le cadre de l'enquête menée par La Fédération romande des consommateurs (FRC) publiée ce mercredi.
A la base de cette enquête, un questionnement: celui de la formation du prix des fruits et des légumes en Suisse à travers toute la chaine, du producteur au consommateur. Pour cela, la FCR avait besoin de données. Notamment: les coûts de production des maraîchers, le détail des coûts intermédiaires, ou encore leurs prix de vente à la grande distribution.
Mais la FRC s'est heurtée à un mur. Autant du côté des groupes d’intérêts, de la fenaco (société coopérative agricole qui distribue des denrées alimentaires suisses), ou de l’Union maraîchère suisse. En lieu et place de statistiques et données claires, des réponses fuyantes: «le calcul des marges est très compliqué et demande des ressources importantes», s'est entendu dire la FRC.
La marge que se font les distributeurs est encore plus importante sur les produits bio. Les légumes bio coûtent en moyenne 30% de plus à produire. «Mais la différence des prix à la consommation pour les fruits et légumes bio et non bio selon le panier établi par l’OFAG est de près de 50% en 2022», nous avise la FRC.
La raison de cet écart semble claire: les distributeurs ont bien compris que les consommateurs, en particuliers la frange plus aisée, veut soutenir l'agriculture durable. Les prix sont alors gonflés de façon artificielle. Les exemples de la carotte et de la tomate grappe sont criants:
Du côté des organisations paysannes, comment a-t-on réagi à l'enquête? «Ce n'est pas surprenant». Alberto Silva, secrétaire politique à Uniterre et maraîcher bio à Siviriez (canton de Fribourg), se dit en colère.
Pour lui, le jugement est sans appel. Les politiques préfèrent sacrifier les producteurs et ménager le bout de la chaîne. Nous questionnons le rôle de l'OFAG. ALberto Silva nous oriente vers la Commission de la concurrence (COMCO). «Cela fait des années qu'on demande des prix rémunérateurs, et une meilleure observation du marché», déplore-t-il encore.
Et quid de l'image de la grande distribution proche de ses producteurs? «Un mensonge, honteux et scandaleux», assène Alberto Silva.
Du côté de l'Office fédéral de l'agriculture (OFAG), le ton est assuré. «Légalement, L'OFAG n'a pas les moyens de réguler le prix du marché, ni le prix de vente aux producteurs», asserte Marion Florie, porte-parole. Sur le manque de certaines données pointé par la FRC, l'OFAG dit ne pas pouvoir forcer les acteurs à la transparence.
Et ce que pense l'OFAG des 2 à 3 fermes qui cessent leur activité quotidiennement? «Il y a beaucoup de raisons qui poussent à cela», énonce Marion Florie. Le fait qu'une exploitation ne trouve pas repreneur, qu'elle fusionne, qu'elle prenne une nouvelle direction. «Pour l'heure, le taux d'auto-approvisionnement de la Suisse est stable».
Outre une meilleure observation du marché, Alberto Silva plaide pour un instrument de médiation permettant aux agriculteurs de déposer plainte de façon anonyme en cas de pratiques commerciales jugées iniques. Et de citer deux initiatives parlementaires déposées par Les Verts:
Ces initiatives, selon Uniterre, permettraient de rétablir un rapport de force «totalement déséquilibré» entre grandes distributions et producteurs, et de garantir des filières transparentes. En attendant, comme le rêve Alberto Silva, de rassembler un monde paysan passablement déchiré par la compétition.