Les vacances auront été de courte durée. Il n'aura pas fallu deux semaines après son départ du Conseil fédéral pour retrouver à nouveau Alain Berset dans l'actualité: le socialiste se présente au poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe.
La désignation doit avoir lieu au mois de juin pour une entrée en fonction en septembre. Le mandat doit durer cinq ans.
Le Conseil de l'Europe a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1949. Le but: «favoriser le progrès économique et social» via «une union plus étroite entre ses membres», en promouvant les valeurs européennes: droits de l'homme, démocratie et Etat de droit. Le Conseil ne se charge pas d'affaires militaires.
Il est surtout connu pour avoir été le creuset de la Convention européenne des droits de l'homme, édictée en 1950, et la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui l'applique, en 1959. Celle-ci est également basée à Strasbourg.
Cette organisation précède donc l'Union européenne (UE). La Suisse y adhère en 1963. D'autres pays hors-UE y sont aussi présents, comme la Turquie, la Norvège, l'Islande ou l'Ukraine. Au total, elle compte 46 Etats membres. Elle ne doit pas être confondue avec le Conseil européen, au sein duquel siègent les chefs d'Etats des 27 pays de l'UE.
Alain Berset n'est pas le seul candidat pour ce poste. Deux autres sont actuellement en lice, le Belge Didier Reynders et l'Estonien Indrek Saar. L'ensemble des candidats sera rendu public la semaine prochaine par le Conseil de l'Europe lui-même.
Camarade de parti d'Alain Berset et membre de la délégation suisse au sein du Conseil, qui compte douze parlementaires (et vient justement d'être recomposée ce jeudi), le Jurassien Pierre-Alain Fridez note qu'il «faut avoir atteint un haut niveau gouvernemental dans son propre pays» pour se lancer à l'assaut de ce poste. Il ne tarit pas d'éloge sur le Fribourgeois:
Alors, Berset, déjà élu? René Schwok, professeur en sciences politiques et relations internationales à l'Université de Genève, et fin connaisseur des relations entre la Suisse et l'Europe, n'est pas de cet avis: «Son rival, le candidat belge Didier Reynders, a un réseau international très solide.» Il faut dire que l'homme est ancien ministre des Finances puis des Affaires étrangères (et brièvement de la Défense) du Royaume belge, et commissaire européen à la justice depuis 2019. C'est la deuxième fois qu'il tente le coup.
Pour Pierre-Alain Fridez, si Alain Berset devait arriver au pinacle de l'institution européenne, cela permettrait d'y renforcer encore la place de la Suisse. «Nous y contribuons à l'effort commun de manière importante et notre voix y est respectée.» René Schwok douche ces ardeurs: «Le Conseil de l'Europe ne joue pas un grand rôle et il ne faut pas non plus exagérer celui de la Suisse», estime le professeur.
Des beaux mots qui n'impressionnent pas le professeur genevois, qui note que la Commission européenne a, elle, «beaucoup plus de poids dans la proposition et l'exécution des négociations internationales». Le Conseil de l'Europe «fonctionne mal et sa légitimité est mise à mal par la présence de certains Etats très peu démocratiques, comme l'Azerbaïdjan par exemple». Le professeur se veut même volontiers provocateur:
«Ce n'est pas si prestigieux d'accéder à la tête de cette institution. Ça peut l'être pour un Suisse, car notre pays ne fait partie ni de l'UE ni de l'Otan et c'est l'occasion d'avoir un peu plus d'influence à Strasbourg», relativise le professeur.
Sur ce point, Pierre-Alain Fridez ne contredit pas le professeur. «Même si Alain Berset est élu au poste, les relations vont rester compliquées avec l'UE et cela ne va en rien impacter les négociations actuelles avec Bruxelles.»
Les étoiles européennes dorées sur fond bleu ont donc beau être tamponnées tant au «Conseil de» que sur le drapeau de «l'Union», les deux institutions sont solidement cloisonnées et l'arrivée du Fribourgeois à la tête de la première institution ne suffirait pas à envoyer un signal clair et fort à la deuxième en vue des «bilatérales III».
En passant, l'ex-conseiller fédéral toucherait la modique somme de 300 000 francs par année et vivrait dans un somptueux appartement de fonction, révèlent nos confrères de CH Media. Celui-ci est situé au sein de la «villa Massol».
Et si le poste de secrétaire du Conseil de l'Europe d'être acquis à Berset, serait-ce une manière pour le Fribourgeois de rebondir encore plus haut, dans cinq ans? Si c'est au poste de Secrétaire général des Nations Unies dont on pense, c'est mal barré, en tout cas historiquement: aucun des secrétaires du Conseil de l'Europe n'a été catapulté à la tête de l'ONU.
«Le secrétariat général des Nations Unies? Aucune chance», lâche René Schwok, pour une tout autre raison. «Antonio Guterres, qui a été élu en 2017, en est à son deuxième mandat et devrait quitter son poste fin 2026. Mais il y a un tournus entre les différentes régions du monde. Le prochain secrétaire de l'ONU sera africain, ou sud-américain, ou asiatique...»