Les vieux amants de la politique suisse, le PLR et le PS, sont à nouveau fâchés. Motif de la brouille, partie pour durer: les bilatérales III Suisse-UE, suite à l’approbation par le Conseil fédéral en décembre d’un projet de mandat de négociation. L’interview du big boss des syndicats Pierre-Yves Maillard dimanche dans la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) a fait bondir le président du groupe PLR aux chambres fédérales, le Neuchâtelois Damien Cottier. Il a très directement attaqué le président de l'Union syndicale suisse sur son compte Twitter:
Son collègue de parti, le conseiller national valaisan Philippe Nantermod, jamais en retard d’une bagarre, a doublé la mise quelques heures plus tard: «Le social-populisme, c’est ce refus du consensus, du compromis qui fait notre succès.»
Et bim à la face de PYM!
Le social-populisme, c’est ce refus du consensus, du compromis qui fait notre succès. Et à la fin, des bilatérales. https://t.co/kmrFuF6D5O
— Philippe Nantermod (@nantermod) January 7, 2024
Philippe Nantermod, joint par watson:
L’élu PLR valaisan reproche au président de l’USS – cela ne figure pas dans l’entretien accordé à la NZZ – d’avoir précédemment évoqué l’instauration d’un salaire minimum en Suisse, ainsi que l’indexation automatique des salaires aux coûts de la vie, comme conditions à l’acceptation des bilatérales III. «Tout le monde fait des concessions, les syndicats doivent en faire aussi», plaide-t-il.
Damien Cottier n'est pas d'un autre avis: «Par son intransigeance, Pierre-Yves Maillard remet en cause l'avenir de la voie bilatérale qui est une des bases de notre prospérité», affirme-t-il à watson.
Une déclaration de Pierre-Yves Maillard faite à la NZZ a particulièrement déplu au président du groupe PLR au parlement fédéral. Celle-ci: «Il n'y a aucune chance que les syndicats approuvent le paquet présenté par le Conseil fédéral en l'état.»
Dans son interview au quotidien libéral zurichois, le patron de l’USS et conseiller aux Etats socialiste vaudois émet à plusieurs reprises ce qui ressemble beaucoup à des fins de non-recevoir dans la négociation avec Bruxelles: ni libéralisation du marché de l’électricité, ni libéralisation du trafic ferroviaire international, prévient-il. Son leitmotiv, tout sauf une surprise chez lui: non au dumping salarial au détriment des salariés suisses. Cette position de principe avait contribué à l’échec de l’accord-cadre en mai 2021, auquel le présent projet de mandat de négociation est censé donner une nouvelle chance.
Contacté par watson, Pierre-Yves Maillard répond avec le flegme de celui qui se sait, pour l'heure, en position de force:
A propos du marché de l’électricité, dont il avait fait son cheval de bataille au début des années 2000, ralliant l’électorat de gauche contre la direction du PS qui soutenait la libéralisation du secteur, le sénateur vaudois rappelle que le Conseil des Etats a refusé en 2022 l’ouverture dudit marché proposée par le Conseil fédéral dans le cadre de la révision de la loi sur l’approvisionnement en électricité.
La question des salaires est centrale. En novembre dernier, le président de l’USS était invité à s’exprimer sur ce thème, à l’hôtel Royal Savoy, à Lausanne, en présence du ministre du Travail luxembourgeois. Le duché a un salaire minimum et il pratique l’indexation automatique des salaires pour protéger les salariés contre la concurrence européenne.
«L’USS ne demande pas en priorité l’instauration d’un système étatique dans ces domaines, mais souhaite au moins que le salaire minimum et l’indexation automatique des salaires deviennent toujours plus la norme dans le cadre des conventions collectives de travail (CCT). Or seules 50% des branches ont une CCT en Suisse. Il faut faire plus et mieux», presse Pierre-Yves Maillard.
Les notes de frais, repas, déplacements et nuitées des salariés, sont un autre combat important pour le chef syndicaliste. Pierre-Yves Maillard veut que le principe de territorialité, suisse en l'occurrence, s’applique aux travailleurs détachés en provenance des pays de l'UE.
Le président de l’USS ne veut pas avoir de «mauvaises surprises» au cours des négociations.
Philippe Nantermod soupire: «Oui, on peut bien sûr négocier le paiement des notes de frais par les pays de provenance, mais c’est faire une montagne d’un détail. L’intérêt général, c’est de permettre à nos entreprises d’avoir accès au marché européen.»
Damien Cottier abonde:
La droite paraît prête à faire des concessions. Pierre-Yves Maillard fait visiblement monter les enchères.