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La Suisse se dirige vers son prochain grand combat avec l'UE

Christoph Blocher, Albert Rösti et Cédric Wermuth: les bilatérales III, entre la Suisse et l'Union européenne (UE), nouveau dossier chaud de la politique suisse?
L'UDC contre le reste de la classe politique: est-ce reparti pour un tour au sujet de l'UE? Une partie du PS va-t-elle s'en mêler?keystone (montage watson)

La Suisse se dirige vers sa prochaine grande bataille avec l'Europe

Le Conseil fédéral passe à la vitesse supérieure. Dans deux mois, il prévoit d'entamer de nouvelles négociations avec Bruxelles pour les «Accords bilatéraux III». Mais l'UDC annonce d'ores et déjà qu'elle s'opposera «par tous les moyens» à un nouveau rapprochement. L'affrontement politique est inéluctable.
26.12.2023, 16:5126.12.2023, 19:30
Stefan Bühler et Remo Hess, bruxelles / ch media
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Il y a deux semaines, après que le Conseil fédéral a été réélu dans son ensemble, un grand raout politique a pris place au Casino de Berne: un dîner du groupe parlementaire UDC. A cette occasion, le conseiller fédéral Albert Rösti a pris la parole. Et il a mis en garde le parti, à titre préventif, au sujet de la nouvelle politique européenne du Conseil fédéral, soufflant que celui-ci allait bientôt publier le projet de mandat pour les négociations avec l'UE sur la voie bilatérale. Et qu'il vaut la peine de lire le texte très attentivement.

Bundesrat Albert Roesti spricht waehrend der Wintersession der Eidgenoessischen Raete, am Donnerstag, 21. Dezember 2023 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Anthony Anex)
Albert Rösti.Keystone

Albert Rösti a respecté la collégialité et n'a pas révélé de secrets de fonction. Mais il a déjà préparé ses compagnons de lutte à la grande bataille qui attend l'UDC vis-à-vis de l'UE. Le parti ne veut pas de rapprochement institutionnel avec Bruxelles, ni de nouveaux accords bilatéraux, et compte bien remonter sur le cheval de bataille qui a fait son succès. Il y a 30 ans, c'était un certain UDC Christoph Blocher qui avait, presque à lui tout seul, fait capoter l'entrée de la Suisse au sein de l'Espace économique européen (EEE), donnant le ton pour trente ans de défiance et de méfiance entre la Suisse et l'UE.

Christoph Blocher et l'actuel président de l'UDC, Marco Chiesa, en juin dernier.
Christoph Blocher et l'actuel président de l'UDC, Marco Chiesa, en juin dernier.Keystone

Documents publics

Le vendredi 15 décembre, soit deux jours après l'avertissement d'Albert Rösti face à son parti, le Conseil fédéral adoptait bel et bien le projet de mandat de négociation avec l'UE et publiait le texte dans son intégralité. Avec une nouveauté notable: pour la première fois, les objectifs que le gouvernement veut atteindre à Bruxelles sont aussi partagés auprès du peuple de l'opinion publique.

Le dossier comporte sept pages, divisées en sections de A à O. S'y ajoutent le mandat de négociation pour un accord sur l'électricité et plus d'une douzaine de documents et de fiches d'information, dont le document final élaboré en commun avec l'UE à l'issue des entretiens exploratoires qui ont duré un an et demi.

La ministre de la Justice Elisabeth Baume-Schneider, le ministre de l'Economie Guy Parmelin et le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis se sont présentés devant les médias à 14h30 à Berne.

Là 👇

Bundesraetin Elisabeth Baume-Schneider, Mitte, spricht neben Bundesrat Guy Parmelin, links, und Bundesrat Ignazio Cassis, rechts, an einer Medienkonferenz ueber das Verhandlungsmandat mit der Europaei ...
Keystone

Ce dernier a tout de suite donné le tempo: le texte du mandat doit désormais être soumis aux commissions de politique extérieure et aux cantons pour consultation. Ensuite, «d'ici deux à trois mois», selon Cassis, le Conseil fédéral décidera du mandat définitif et entamera les négociations avec Bruxelles. Le but: les faire avancer rapidement.

«Nous ne voulons certainement pas reprendre les négociations pendant deux ans»
Ignazio Cassis

Malgré tout, le mot d'ordre reste le même que lors du Covid: aussi vite que possible, et aussi lentement que nécessaire.

Retour du cheval de bataille de l'UDC

Si le rythme peut paraître effréné, les travaux sont en réalité déjà bien avancés. Il y a déjà eu en tout 70 rencontres dans le cadre de ce que l'on appelle les sondages, ainsi que neuf entretiens au niveau ministériel avec Cassis. Il en est ressorti un résultat qui, dans deux domaines importants, est pratiquement identique au projet d'accord-cadre que le Conseil fédéral a coulé au printemps 2021:

  • En cas de litige dans le domaine des accords bilatéraux, la Cour de justice européenne jouera, comme dans l'accord-cadre, un rôle important dans l'interprétation du droit de l'UE (bien qu'un tribunal arbitral composé de représentants de la Suisse et de l'UE décide en dernier ressort).
  • Comme par le passé, la Suisse doit reprendre de manière dynamique le nouveau droit de l'UE dans le domaine des accords bilatéraux.

Les «juges étrangers» et la «reprise automatique du droit» sont précisément les deux points que l'UDC a toujours combattus avec véhémence et qu'elle continuera de combattre «par tous les moyens», comme elle l'a fait savoir vendredi après-midi.

Le PS ne veut pas de «cherry picking néolibéral»

Mais l'UDC n'est pas le seul parti à se montrer critique vis-à-vis de l'Union européenne. A l'opposé du spectre politique, le Parti socialiste (PS) a lui aussi indiqué qu'il serait vigilant sur ces accords, notamment sur la question de la protection des salaires. Si le parti veut se rapprocher de l'UE, il se refuse à faire du «cherry picking néolibéral», a déclaré jeudi le chef du parti Cédric Wermuth.

Cedric Wermuth, Co-Praesident SP, spricht waehrend einer Medienkonferenz der SP zur Kampagne fuer die eidgenoessischen Wahlen am Montag, 7. August 2023 in Bern. (KEYSTONE/Peter Klaunzer)
Cédric Wermuth.Keystone

Le PS exige donc, outre de nouvelles concessions de la part de l'UE, un paquet de lois de politique intérieure, avec des «mesures complémentaires» qui contribuent à protéger les travailleurs contre le dumping salarial. Le Conseil fédéral semblait toutefois déjà avoir prévu ce point, puisque les trois membres du gouvernement ont abordé les trois raisons de l'échec du précédent accord-cadre et indiqué que des concessions avaient déjà été obtenues depuis lors à Bruxelles:

  • La protection des salaires.
  • Les aides d'Etat (subventions).
  • La directive sur la citoyenneté européenne.

Il s'agit d'exceptions qui ne peuvent être annulées ni par les futures lois de l'UE ni par les juges européens. Ainsi, malgré la directive sur les citoyens de l'Union, l'immigration en Suisse restera liée au marché du travail, et l'expulsion de Suisse des citoyens européens criminels devrait rester possible.

En ce qui concerne la protection des salaires, la Suisse devrait obtenir une clause de sauvegarde qui garantira à l'avenir le niveau de protection des salaires. Mais avant cela, elle doit faire des concessions, comme un délai d'annonce préalable raccourci et la réduction de l'obligation de caution pour les entreprises de l'UE.

Ces concessions devraient permettre de faire tomber ou contourner les réticences tant au sein de l'UDC que du PS. Chez ce dernier, la tension est plus grande qu'au sein du parti agrarien, avec une aile «euro-turbo» très favorable à l'UE et une aile syndicaliste, beaucoup plus critique.

Peut-on parler de Bilatérales III?

Le Conseil fédéral est donc toujours sous pression de deux côtés:

  • Il répond aux exigences du PS et des syndicats et les discussions des partenaires sociaux sur de nouvelles mesures d'accompagnement se poursuivent.
  • Dans la perspective d'une votation populaire pour contrer les discussions avec l'UE, il poursuit son approche par paquets.

Le rapprochement institutionnel controversé avec l'UE doit être agrémenté d'accords supplémentaires qui apportent un avantage à la Suisse: en matière d'électricité, de sécurité alimentaire et d'accord sur la santé. Dans leurs prises de position, les organisations économiques et scientifiques qui s'engagent en faveur du paquet d'accords parlent volontiers des «Bilatérales III». Le Conseil fédéral ne le fait pas, apparemment à la demande de l'UE.

«Chez nous, les accords bilatéraux ont une connotation positive. Dans l'UE, ce n'est pas le cas, car cela suggère que la Suisse a un statut particulier. Ce n'est pas ce que veut Bruxelles»
Ignazio Cassis

Ce n'est pas un hasard si le Conseil fédéral a indiqué dans une lettre adressée à la Commission européenne que le résultat des entretiens exploratoires «ne doit pas être considéré comme une ligne rouge pour les négociations futures». Toutes les «zones d'atterrissage» convenues jusqu'à présent et au sein desquelles un accord est recherché peuvent, selon le Conseil fédéral, faire l'objet d'un nouveau débat.

Ce n'est pas l'avis de Bruxelles. Le principe de négociation «rien n'est convenu tant que tout n'est pas convenu» existe bel et bien, a déclaré vendredi le vice-président de la Commission européenne Maros Sefcovic. Mais le résultat de l'exploration, consigné par écrit, est le fruit d'un «dur travail diplomatique» dans lequel on a investi beaucoup de temps. Et il réunit «tous les éléments clés» que l'on veut respecter dans les négociations. Maros Sefcovic prévient:

«Nous ne pouvons plus nous permettre un deuxième échec»
Maros Sefcovic

(Traduit de l’allemand par Barnabé Fournier)

Alicia Keys se produit dans une gare londonienne
Video: watson
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Les Etats-Unis viennent d'élire un nouveau président, Donald Trump, qui ne cache pas son scepticisme à l'égard de l'Union européenne. Cela arrange l'UDC et tous ceux qui s'opposent à tout rapprochement supplémentaire de la Suisse avec l'UE. Ils ont beau jeu de demander: Pourquoi s'engager précisément maintenant? Peut-être que de nouvelles opportunités se présenteront bientôt avec une future administration Trump?

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