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Ueli Maurer: Le maître de la provocation a posé sa démission

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Ueli Maurer: Le maître de la provocation s'en va

Le ministre des Finances a annoncé sa démission vendredi, peu après midi. A 71 ans, il en aura passé 14 au Conseil fédéral.
30.09.2022, 13:1901.10.2022, 11:31
Sebastian Gänger / ats
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En tant qu'ex-président de l'Union démocratique du centre (UDC), Ueli Maurer a toujours eu un double rôle au Conseil fédéral. Souvent, il semblait moins engagé envers le gouvernement qu'envers son parti. Il a réussi son plus grand coup vers la fin de son mandat – en tant que ministre des Finances lors de la crise du Covid.

Biographie express 👇
Maurer a commencé sa carrière à Hinwil, dans l'Oberland zurichois, où il a grandi dans une ferme. Il a fait un apprentissage de commerce, a obtenu un diplôme de comptable et est devenu directeur de la coopérative agricole en 1974, avant de devenir directeur de l'Union des paysans zurichois en 1994.

Parallèlement, ce père de six enfants a poursuivi sa carrière de politicien. Celle-ci l'a amené au conseil municipal de Hinwil (1978-1986), au Parlement cantonal zurichois (1983-1991), au Conseil national (1991-2008) et à la tête de l'UDC (1996-2008), qui est devenu sous sa direction le parti ayant le plus grand nombre d'électeurs.

En décembre 2008, Maurer a finalement été élu au Conseil fédéral, avec seulement une voix d'avance sur le candidat démineur Hansjörg Walter. A l'époque, Maurer avait déclaré qu'il se voyait au Conseil fédéral comme «un instrument pour imposer la politique de l'UDC». Il a régulièrement tenu cette parole.

Le Covid, dernier fait d'armes

Lorsque la première vague Covid a déferlé sur la Suisse à la mi-mars 2020, Maurer a élaboré, en quelques jours et en étroite collaboration avec les banques, un paquet de crédits de plusieurs milliards. Les PME ont ainsi pu obtenir facilement des crédits d'urgence pour couvrir leurs dépenses courantes sans s'endetter. Un mois plus tard:

«Nous sommes le seul pays au monde qui ne s'est pas contenté d'octroyer des crédits, mais qui les a aussi amenés au front.»

La Suisse a été louée, dans le monde entier, pour son modèle. Les abus ont été peu nombreux. La proximité de Maurer avec le secteur bancaire faisait partie du puzzle du succès.

Au fur et à mesure que la crise du Covid s'éternisait, le ministre s'est mis en retrait, laissant la scène au ministre de la Santé Alain Berset. Dans les médias, il s'est toutefois montré de plus en plus critique à l'égard de la démarche de ses collègues. Face à l'augmentation rapide du nombre de cas, il a mis en garde contre l'hystérie – faisant ainsi le jeu de son parti, qui a parfois critiqué sévèrement les mesures prises par les autorités.

En septembre 2021, lors d'une manifestation de l'UDC, il a déclaré que le Conseil fédéral jouissait du pouvoir et ne voulait pas le céder. Il s'est ensuite fait photographier avec un t-shirt des Freiheitstrychler. 👇

Or, Maurer quitte le gouvernement fédéral le jour même où le Parlement a adopté le projet de réduction de la dette Covid. Mais cette démission pourrait avoir d'autres raisons.

Maurer rend service à l'UDC

Maurer a eu 71 ans (presque 72 ans) en décembre dernier et est au Conseil fédéral depuis bientôt 14 ans – aucun autre ministre n'a été en fonction aussi longtemps depuis Moritz Leuenberger, en 2010, après 15 ans. De plus, Maurer n'était pas d'accord avec l'ensemble du Conseil fédéral sur plusieurs dossiers centraux pour l'UDC.

Vous avez l'air plutôt d'accord 👇

Image

En outre, Maurer rend service à l'UDC en choisissant le moment de sa démission. Un an avant les élections, il offre à son parti un nouveau focus: ces prochains temps, les discussions sur sa succession vont faire la une des journaux. Le deuxième siège du parti le plus important en termes d'électeurs n'est pas menacé.

Et bien que – ou justement parce que – Maurer n'a cessé de répéter ces derniers mois qu'une démission prochaine n'était pas à l'ordre du jour, cette décision n'est pas tout à fait surprenante. Maurer aimait jouer des tours aux médias, il était parfois imprévisible.

Maurer largement soutenu

Au Parlement, Maurer jouissait d'un grand soutien – même en dehors de son parti. En décembre 2018, il a été élu, pour la deuxième fois, à la présidence de la Confédération avec un résultat brillant. Lorsqu'il était encore président de l'UDC, personne n'aurait parié sur le fait que cet honneur lui reviendrait un jour – et que, dans le discours qui suivrait, il se prononcerait pour des compromis et contre les clivages.

Dans ces moments-là, il avait la carrure d'un ministre, loin de cet Ueli Maurer qui, en tant que président de parti, misait sur le populisme, remettait en question les institutions et contribuait ainsi à l'ascension de l'UDC. Mais le côté provocateur d'Ueli Maurer a toujours éclaté, de plus en plus vers la fin de son mandat au Conseil fédéral:

  • Lors du Forum économique mondial de Davos (WEF) en 2019, Maurer a irrité par ses déclarations sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
  • Devant des diplomates à Berne, il a déclaré l'échec de l'accord-cadre avec l'Union européenne (UE) bien avant la décision de l'ensemble du Conseil fédéral.
Swiss Federal President Ueli Maurer smiles pose during the opening of The House of Switzerland, HOS, in the Vaillant Arena ice rink on the sideline of the first day of the 49th Annual Meeting of the W ...
Maurer à DavosImage: KEYSTONE

Plus tard, dans les deux cas, il ne voulait pas que les déclarations soient comprises comme elles l'avaient été. Il a également parlé de fake news.

Pas de grand amour pour les médias

De manière générale, les relations de Ueli Maurer avec les médias étaient ambivalentes. D'une part, il savait bien les utiliser pour lancer des piques à ses collègues du Conseil fédéral. D'autre part, il a contré les critiques des médias en annulant des apparitions à court terme ou en faisant des déclarations capricieuses. Ainsi, lors d'un congrès des éditeurs en 2013, celui qui était alors président de la Confédération a accusé les médias de former un «cartel d'opinion». On n'oubliera pas non plus comment, après les élections fédérales de 2015, il s'est mis à dos un journaliste de la Schweizer Radio und Fernsehen (SRF) qui lui tendait le micro. «Nei, kä Luscht!», a répondu Maurer.

Durant sa deuxième année de présidence, en 2019, Maurer a également suscité la controverse en faisant des déclarations élogieuses sur le gouvernement chinois et en rendant visite au président américain Donald Trump. Certains y ont vu un succès dans la perspective d'un éventuel accord de libre-échange, d'autres un signal douteux – et, dans le pays, on a surtout discuté du niveau d'anglais que devrait avoir un membre du Conseil fédéral. L'interview de CNN est devenue – bien malgré elle – légendaire.

Moment de gênance absolue pour tout un pays 👇

Vidéo: watson

La claque du Gripen et quelques rares victoires

C'est au cours de son avant-dernière année que Maurer a fait passer l'affaire la plus importante de son mandat de ministre des Finances, même si ce n'était qu'au deuxième essai: le peuple a approuvé le projet fiscal de l'Assurance-vieillesse et survivants (AVS), qui succède à la réforme de l'imposition des entreprises III, qui a échoué dans les urnes. Maurer a également réussi à faire passer le projet Frontex dans les urnes. Lors de l'échec des projets de suppression des droits de timbre et de l'impôt anticipé, il était du côté des perdants.

Bundesrat Ueli Maurer spannt einen Regenschirm mit dem Symbol eines Gripen Kampfjets anlaesslich der Delegiertenversammlung der SVP am Samstag, 5. April 2014, in Naefels. (KEYSTONE/Steffen Schmidt)
En pleine campagne pour le GripenImage: KEYSTONE

De l'époque où Maurer était ministre de la Défense (2009-2015), on se souvient surtout de son engagement malheureux et infructueux pour l'achat de nouveaux avions de combat. En 2014, les électeurs ont fait capoter le Gripen, ce qui a considérablement terni le bilan de Maurer en tant que ministre de la Défense, malgré la réforme de l'armée et la nouvelle loi sur le renseignement.

Engagé dans la politique financière

Après sept ans passés à la Défense, Maurer a changé de département – et a trouvé une nouvelle motivation. En tant que ministre des Finances, Maurer a pu annoncer des excédents élevés année après année et jusqu'à la crise de Covid-19. On lui a, toutefois, reproché d'avoir délibérément établi des budgets trop pessimistes. Il a également été critiqué pour des erreurs de comptabilisation et des provisions controversées, même par le Contrôle fédéral des finances (CDF).

En matière de politique de la place financière, Ueli Maurer a certes tenté de poser de nouveaux jalons, par exemple en facilitant le travail de la branche Fintech. Au milieu de l'année 2022, il a reçu le «Fintech influencer of the year award». Mais comme sa prédécesseure Eveline Widmer-Schlumpf, fortement critiquée par l'UDC, il a également insisté pour que la Suisse respecte les normes internationales et mette en œuvre les recommandations.

Au Parlement, il n'était pas rare que le conseiller fédéral UDC contredise ses collègues de parti – par exemple, lorsque ceux-ci proposaient à nouveau des augmentations de budget pour l'agriculture ou l'armée. Maurer a régulièrement mis en garde contre un «trou financier». Il était, parfois, difficile de savoir si Maurer défendait ses convictions personnelles ou si, pour une fois, il s'en tenait simplement au principe de collégialité.

Ueli Maurer est (aussi) un mème 👇

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Ueli Maurer est un mème
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