Après son premier coup de fusil la semaine dernière, la Weltwoche en remet une couche, ce jeudi. Une deuxième «Une» sur l’«affaire Berset», où elle revient avec insistance sur ses accusations d’utilisation par Alain Berset de moyens publics pour régler une affaire privée. En évacuant les reproches adressés au conseiller fédéral, ce deuxième tir ne fait que renforcer une idée: l’hebdomadaire et le premier parti de suisse sont en croisade contre le Fribourgeois.
Car derrière l’«affaire Berset» se profile une évidente campagne politique, dont l'objectif est d’affaiblir le conseiller fédéral responsable de la Santé et visage de la lutte contre le coronavirus en Suisse. Mais aussi d’alimenter une campagne de votation à peine déguisée: celle du 28 novembre prochain et de l’ordonnance de la loi Covid sur le certificat sanitaire. Dans ce duel, et parmi les partis représentés sous la coupole, l’UDC est bien seule contre tous, Conseil fédéral compris.
Un coup de sonde dans les environs de la Place fédérale confirme que personne n’est vraiment dupe: si officiellement, cette campagne de votation n’est pas encore lancée, elle l'est bel et bien dans les têtes et dans la rue. Aujourd'hui déjà, on a presque oublié qu'on vote ce dimanche (sur d’autres objets) et c'est bien ce 28 novembre qui cristallise les discussions. En ligne de mire donc, le certificat sanitaire, instrument central du Conseil fédéral pour sortir la crise du Covid qui dure depuis plus d’un an et demi.
L’Union démocratique du centre (UDC) et la Weltwoche comptent bien profiter de cette agitation. Avant l’hebdomadaire alémanique, le conseiller fédéral (UDC) Ueli Maurer avait déjà creusé le sillon en revêtant «par hasard» le t-shirt d’un groupe de sonneurs de cloches fermement opposé aux mesures de lutte contre le coronavirus. La Weltwoche n’a fait que prendre le relai. La semaine dernière d’abord, puis encore ce jeudi.
Le premier parti du pays et la Weltwoche le savent bien: il y a une opportunité de marquer des points et ramener un tant soit peu la couverture vers eux. Car le 28 novembre au soir, à l’heure de l'analyse des résultats de la votation sur la loi Covid, l’écart de voix pourra être sujet à des interprétations diverses. Un score serré permettrait aux perdants de parler de succès. Voire aux gagnants de parler de défaite…
C’est un des enjeux dissimulés derrière les révélations de la Weltwoche: grappiller, si c’est encore possible, quelques pourcentages d'ici le 28 novembre.
René Knüsel analyse pour watson: «Un petit "oui" à la loi Covid affaiblirait fortement Alain Berset et le Conseil fédéral dans son ensemble. Ce serait le scénario du pire avec des perdants qui pourraient ne pas accepter le résultat et remonter au filet rapidement. Nous aurions affaire à une partie de la population frustrée».
A l’inverse, si c’est un «non» qui sort des urnes, «le score sera très serré et remettrait sérieusement en cause la ligne suivie par le Conseil fédéral avec l’approbation du Parlement», poursuit René Knüsel. Le pays se retrouverait alors désorienté, un peu comme c’est le cas aujourd’hui dans le dossier européen, au point mort depuis la fin des discussions autour de l’accord-cadre.
Enfin, un clair «oui» validerait la stratégie du gouvernement fédéral. «Mais dans tous les cas, il est important qu’aucune des parties n’ait une attitude triomphaliste», conseiller encore le politologue, qui observe déjà, comme d’autres d’ailleurs, une société divisée et des fronts qui se crispent, voire se radicalisent et versent dans l'agressivité.
«De toute façon, les positions ne bougent pas vraiment», estime, pour sa part, Philippe Nantermod, conseiller national valaisan et membre de la commission de gestion qui se penchera probablement sur l’affaire Berset (lire encadré):
Dans ce contexte a priori peu mouvant, peu s’étonnent donc que l’UDC, à travers la Weltwoche, s’attaque «bassement» à Alain Berset. Les arguments scientifiques ou rationnels, parfois reconnus dans un camp comme dans un autre, ne portent plus.
On s’attaque dès lors à la personne, «au physique», pour amener les indécis à rejoindre le camp des opposants avec des considérations qui n’ont plus rien à voir avec la pandémie.
Reste qu’à la fin novembre, la situation épidémiologique prévalant les deux semaines précédant le vote jouera certainement un rôle central. Sur watson, le politologue Marc Bühlmann prédit lui aussi un résultat proche de celui du printemps. «Un éventuel vote sur l'initiative contre la vaccination obligatoire pourrait également être intéressant», notamment pour prendre le pouls de la population sur la pandémie. Ça tombe bien, le texte est sur le point d'aboutir: les initiants revendiquent déjà près de 115 000 signatures sur un objectif fixé à 120 000.