Marcel Dettling présidera le premier parti de Suisse ces quatre prochaines années. Seul candidat en course lors de l'élection de ce samedi, ce Schwyzois de 43 ans entame sa troisième législature au Conseil national. Il siège actuellement à la Commission de l'énergie et de l'environnement.
Marcel Dettling est donc passé de la vice-présidence à la présidence du parti. Il est aussi connu pour avoir été le chef de campagne des dernières élections fédérales. Malgré ses fonctions et un joli parcours — fondateur des Jeunes UDC schwyzois, en 1998, et membre du Grand conseil du même canton entre 2008 et 2015 —, Dettling n'est pas non plus un des plus gros poids lourds de l'UDC. Il sera destiné à le devenir rapidement.
Le président sortant, Marco Chiesa, part en ayant le sentiment du devoir accompli: il a mené son parti aux élections fédérales avec succès, lui donnant le deuxième meilleure résultat de son histoire (27,9%). Une bonne partie des sièges perdus en 2019 lors de la vague verte ont été récupérés.
Pour les Romands et les latins, la différence sera rude après le Tessinois, qui maîtrisait admirablement les trois principales langues nationales et qu'on écoutait envoyer piques, blagues et autres subtilités de langage sur Infrarouge. Marcel Dettling explique que s'il se «débrouille» en français, sa maîtrise de la langue n'est pas complète pour autant. Mais la Suisse romande, il la connaît un peu: apprenti, il est venu se former dans le canton de Vaud, nous raconte Le Temps.
Un cou de taureau dans un col de chemise ouvert, sans cravate, et des gestes très terriens: Marcel Dettling donne cette impression moins bourgeoise et plus terre-à-terre que Marco Chiesa. L'incarnation d'un certain retour aux sources dont une partie de l'électorat de base UDC alémanique avait besoin.
Autre élément: l'homme est plutôt jeune et le choix n'est pas anodin. Tout d'abord, l'UDC est consciente de l'importance de la relève et met en avant ses sections jeunesse, à l'image de la plus jeune membre du Conseil national, issue de ses rangs, la bernoise Katja Riem, 27 ans. Il s'aligne aussi sur le Parti socialiste, co-présidé par deux trentenaires — Cédric Wermuth, 38 ans et Mattea Meyer, 36 ans — et sur les Verts, dont la présidence devrait revenir à Lisa Mazzone, 36 ans également.
Géographiquement, le choix de Dettling est intéressant. Il ne provient ni de la région historique bernoise du «Parti paysan», ancêtre de l'UDC, ni de la région zurichoise, fief du clan Blocher. Mais il représente une zone qui véhicule une forte symbolique: la Suisse centrale.
Son canton, Schwyz, n'a pas seulement «donné son nom» à la Suisse. Il est aussi bordé de deux points symboliques d'importance. Au nord, à la limite avec le canton de Zoug, on y trouve l'endroit où a lieu la bataille de Morgarten, image de l'esprit d'indépendance de la Suisse face à ses voisins. Et au sud, de l'autre côté du Lac des Quatre Cantons, à la frontière avec Uri, on y trouve la plaine du Grütli, la matrice identitaire helvétique.
Marcel Dettling débarque donc à la tête du plus grand parti de Suisse avec les coudées franches et pile à temps pour d'autres défis. Le premier d'entre eux: reprendre la lutte contre le rapprochement avec l'Union européenne, alors que le Conseil fédéral a fait valider par le Parlement une feuille de route avec Bruxelles.
Sur ce sujet, on peut l'attendre au tournant. Il a ainsi dénoncé dans la NZZ que «l'accord-cadre avec l'Union européenne implique une reprise du droit automatique et la présence d'un tribunal étranger». Un no-go absolu pour celui qui estime ainsi que «nous ne serions pas loin d'une adhésion à l'UE».
Pour le reste, c'est du classique UDC. Le Schwyzois militera pour une immigration stricte, une politique des finances de l'Etat restrictive et des baisses d'impôts pour la classe moyenne.
Sur le terrain du climat, il n'a pas hésité à évoquer les «aspects positifs du réchauffement climatique», notamment pour les paysans. Si les propos ne nient pas le changement climatique à proprement parler, la formule aura fait mouche auprès des détracteurs du parti agrarien. En ce sens, Dettling est dans la droite ligne de la formule provocatrice et incendiaire de ses prédecesseurs, qu'il s'agisse de Ueli Maurer ou de Marco Chiesa.
Sur les questions énergétiques, Dettling devrait aussi jouer le «partenaire de sparring» face à Albert Rösti, le ministre de l'énergie issu de ses rangs qui doit désormais jouer la partition du Conseil fédéral. Produire plus d'énergie (nucléaire), construire plus de centrales (notamment hydroélectriques) et ne pas céder aux sirènes des associations climatiques sont déjà dans les plans du Schwyzois.