Qui veut le siège de la patronne? Mardi, le conseiller aux Etats socialiste zurichois a annoncé qu'il se porte candidat au Conseil fédéral pour remplacer Simonetta Sommaruga. Ce, contre l'avis de la présidence du Parti socialiste (PS), qui désirait un ticket exclusivement féminin en invoquant l'égalité.
Jositsch se met ainsi en porte-à-faux direct avec la direction du Parti socialiste, alors que celui-ci comptait faire passer son ticket 100% féminin comme une évidence du Zeitgeist. Le Zurichois débarque ainsi comme un cheveu sur la soupe (populaire) et démontre par sa personne que cette évidence n'en était pas une.
«C'est discriminatoire», dit Jositsch. C'est vrai. Mais il y a une subtilité: le PS a décidé de privilégier des individus issus d'un groupe plutôt qu'un autre pour servir la justice sociale. Cela porte un nom: la discrimination positive. Et elle n'est pas incompatible avec la ligne du parti. Au contraire.
«C'est une question de principe», a déclaré Jositsch. Il a peut-être raison. Mais il ne s'agit pas d'avoir raison. Il s'agit d'être aligné sur son parti. Avec ses déclarations, le conseiller aux Etats zurichois a fait un pas de côté du socialisme assez grand pour discréditer les efforts égalitaristes de celui-ci.
La qualité avant tout, la méritocratie, la force de l'individu libre face aux décisions centrales, tout cela est du ressort du discours libéral-radical.
Ce que dit Daniel Jositsch en substance, c'est: «Le mérite a plus de valeur que la représentation». Un affront qui frôle l'anathème en 2022 pour une partie de la gauche.
Ce n'est pas le seul symbole que le Zurichois a brisé. Car il a pris de court les autres candidatures féminines, encore en réflexion. L'homme d'action n'a pas attendu.
Pour le vieux loup Jositsch, recadrer le parti devant les caméras, c'est aussi une manière de montrer qui est le patron. Les jeunes coprésidents (Mattea Mayer, 34 ans et Cédric Wermuth, 36 ans) ont beau tenir la barre en théorie, en pratique, ils n'auront pas réussi à le retenir.
L'annonce de Jositsch affaiblit d'un coup les efforts du PS d'ancrer son parti sur une position sociétale, un terrain dominé par les Verts, en progression et ce, une année avant les élections fédérales. Une occasion de se recentrer plus à gauche.
C'est raté.
Même s'il ne termine pas sur le ticket socialiste et que le parti se décide pour une femme, il aura, malgré lui, montré que l'aile centriste du PS faisait de la résistance. Et fait les yeux doux aux partis bourgeois à bas frais.
Daniel Jositsch met le PS dans une situation inconfortable, car celui-ci a désormais la tâche de clarifier son message politique. Si la formation accepte de mettre le sénateur sur son ticket, elle échouera à s'ancrer plus à gauche sur les questions sociétales et risquera de perdre certains jeunes électeurs chez les Verts. Si elle refuse, elle réglera — momentanément — le problème, mais le fossé entre ses ailes sera creusé.
Josistch a indiqué qu'il accepterait in fine la décision du parti concernant le ticket. Une manière de montrer patte blanche?
Surtout de lancer un pavé dans la marre sans faire mine de s'en soucier. Mais le mal est fait.