«Moi, qui vous parle, j'ai un chien et j'aime les animaux. Mais ce qui se passe avec ces molosses dépasse l'entendement. Si rien n'est fait, un jour, ils vont tuer ou défigurer quelqu'un du village.» Dans cette localité de la Broye vaudoise, les craintes de Monique* sont largement partagées.
Un ouvrier agricole macédonien a passé un sale quart d'heure l'année passée. Poursuivi par les molosses d'une femme propriétaire d'une maison avec un grand jardin, il a trouvé son salut dans une grange, où il s'est caché. En septembre 2019, une personne a été mordue par un des chiens. Trois mois plus tard, c'est Jacqueline*, une habitante du village, qui a été attaquée. Un chien a sauté sur elle, l'a griffée à la poitrine, l'a mordue à la main et sur le haut de la jambe. «C'est en ambulance qu'elle a été acheminée à l'hôpital. Elle a dû subir une opération chirurgicale et a encore des séquelles», relève une voisine. La victime a porté plainte. Devenue veuve par la suite, elle a déménagé du village.
L'affaire a été suivie par le vétérinaire cantonal. Selon celui-ci, la propriétaire des animaux n'avait pas annoncé qu'elle élevait des molosses depuis 2017. «De ce fait, aucun contrôle relatif aux exigences d'élevage et de sociabilisation des chiens n'a pu être effectué», a déploré la procureure dans son ordonnance pénale.
Après une période d'accalmie, les chiens se sont rappelés au mauvais souvenir des habitants cette année. Le 8 mars, un des molosses était promené sans muselière. Ce qui est interdit. L'animal a sauté sur un individu qui se promenait et lui a déchiré sa veste. Cinq jours plus tard, deux autres promeneurs apeurés par ces chiens agressifs, qui étaient sans leur maîtresse, ont dû se mettre à l'abri pour sauver leur peau.
Le chien qui a mordu Jacqueline a été séquestré par les autorités. Son évaluation comportementale n'ayant rien donné de rassurant, l'animal a été euthanasié. Quant à la propriétaire, poursuivie pour lésions corporelles par négligence, insoumission à une décision de l'autorité et contravention à la loi sur la police des chiens, elle a été sanctionnée par ordonnance pénale: 50 jours-amende à 30 francs avec un sursis de 3 ans et amende de 600 francs.
Mais dans le village, la peur est toujours là. «La propriétaire a installé une clôture. C'est beaucoup mieux comme ça. Mais je ne suis pas rassurée. Ses chiens se sont déjà attaqués à mes chevaux et je garde mes petits-enfants chez moi. Des chiens agressifs et pas sociabilisés, c'est très dangereux», fulmine une villageoise.
La propriétaire des chiens se dit victime de personnes qui cherchent à lui nuire. Selon elle, le jour où Jacqueline a été mordue, quelqu'un a ouvert la porte pour que les chiens sortent. «Après un incident, j'ai fait modifier le mécanisme de la poignée de porte menant à l’extérieur. Depuis, c'est impossible que les chiens puissent sortir d'eux-mêmes», renchérit celle qui dénonce un acte prémédité. «C'est étonnant que le jour de l'attaque, au moment où le chien est sorti, une personne inconnue l'ait pris en photo dehors devant la clôture», dénonce l'éleveuse. «La naissance des chiens avait été officiellement annoncée», soutient-elle, rejetant ainsi la version des autorités. Elle estime avoir été «en état de choc» quand six policiers ont débarqué chez elle pour saisir le molosse désigné comme étant le chien ayant mordu Jacqueline. «Pour ne pas inquiéter les habitants et par gain de paix, les chiens ne sont plus promenés dans le village mais à l'extérieur depuis le printemps passé», relève-t-elle. La propriétaire de poursuivre: «J'ai augmenté la hauteur de la clôture. Des caméras de vidéosurveillance vont être installées. Les chiens sont formés et suivis par des spécialistes. Des groupes de personnes viennent les visiter chez moi sans problème. Pour permettre au voisinage de surmonter les craintes et les peurs, j'invite les villageois à venir chez moi pour faire connaissance avec mes chiens.»
*Prénoms d'emprunt