Il n'est pas facile ces jours-ci d'établir une planification sur les acquisitions de l'armée suisse. Le chef de l'armée, Thomas Süssli, a décrit le contexte comme «dynamique» la semaine dernière. «Confus» serait également approprié.
Quelques jours seulement après l'invasion de l'Ukraine par Poutine, des voix se sont élevées en Suisse pour demander une augmentation du budget de la défense nationale. Le président du Parti Libéral Radical (PLR) Thierry Burkart faisait partie des forces motrices qui voulaient lier les dépenses de l'armée au produit intérieur brut: la Suisse devrait payer 1% du PIB pour la défense à partir de 2030, contre 0,7% aujourd'hui. Ce qui ne semble pas grand-chose, creuse pourtant un trou immense dans la caisse fédérale suisse. Selon les estimations, le budget de l'armée pourrait passer de 5,5 à 9,4 milliards avec les prévisions actuelles du PIB.
Dès l'automne, les inquiétudes de l'ancien ministre des Finances Ueli Maurer se sont multipliées: celui-ci avait, en effet, prédit de sombres perspectives pour le budget de l'Etat à un Parlement enclin aux dépenses. En septembre, la ministre de la Défense Viola Amherd était pourtant confiante quant à la capacité de l'armée à dépenser plus d'argent. Elle a présenté un plan d'investissement pour les années 2023 à 2035 qui, lu aujourd'hui, apparaît comme une liste de souhaits non réalisés.
Lors de la présentation du message de l'armée, Viola Amherd a certes annoncé que les dépenses prévues pour l'année en cours ne seraient pas modifiées. Il s'agit, par exemple, de véhicules supplémentaires pour les sapeurs de chars ou de munition de mortier. Mais les investissements prévus pour les années à venir seraient gravement menacés.
Amherd a parlé de «périodes de vaches maigres» au cours desquelles «tout le monde doit apporter sa contribution». L'objectif de dépenses de l'armée à hauteur de 1% du PIB s'éloigne à l'horizon 2035. Concrètement, cela signifie que l'armée peut enterrer tout espoir d'acquisitions anticipées.
Selon le chef de l'armée Thomas Süssli, des armes guidées supplémentaires pour le système Patriot, d'un montant de 450 millions de francs, seraient prêtes à être achetées. De manière générale, les munitions sont un poste budgétaire qui permet non seulement une certaine flexibilité dans le délai d'acquisition, mais pour lequel la Suisse est à la traîne.
D'abord encouragée, puis freinée: devant les médias, la ministre de la Défense s'est efforcée de ne pas paraître trop contrariée. «Notre croissance est plus lente, mais l'objectif final reste le même», a-t-elle déclaré.
La réaction de la Société suisse des officiers (SSO) est un peu plus franche. Interrogé à ce sujet, son président Dominik Knill s'est dit déçu. «La planification des acquisitions, conçue pour un budget de défense plus élevé, est à nouveau suivie d'une planification de renoncement par manque de moyens financiers.» Pour éviter cela, les officiers soumettent maintenant leur propre proposition. Knill développe:
Pour le président de la SSO, le contexte est clair: la guerre en Ukraine a modifié la situation de la menace, des investissements sont donc nécessaires maintenant. L'armée dépenserait donc l'argent de manière anticipée et ne le rembourserait que dans 12 ans. Cette proposition s'inspire du modèle de l'Allemagne: le chancelier Olaf Scholz veut y remettre l'armée fédérale en état avec un fonds spécial de 100 milliards.
Le chef de l'armée Thomas Süssli connaît cette idée. Il dit: «C'est en fin de compte une décision politique.» Au Parlement, Dominik Knill a cependant un soutien de poids: il s'agit de Werner Salzmann (UDC), président de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats.
«Cette idée est une possibilité», répond Salzmann, interrogé sur la question. Lui-même cherche déjà des solutions pour sauver l'augmentation du budget tout en respectant le frein à l'endettement. «L'important est simplement que l'armée puisse agir maintenant.»