Plusieurs pays ont tenté le coup, la réponse a toujours été la même: non. L'Allemagne, le Danemark et, récemment, l'Espagne voulaient envoyer à l'Ukraine des armes et des munitions produites en Suisse, mais Berne a toujours refusé. La loi actuelle interdit le transfert de matériel militaire d'un pays tiers vers un théâtre de guerre.
Cette posture, qui irrite même au sein de l'industrie de l'armement helvétique, provoque avant tout l'incompréhension des principaux intéressés. Il s'agit d'une décision «incompréhensible», dénonce Berlin, qui a menacé de se détourner du matériel de guerre suisse si la Confédération ne change pas ses règles de réexportation. C'est ce qu'a affirmé dimanche l'ambassadeur allemand Michael Flügger au 19h30 de la RTS.
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Il s'agit d'une menace non négligeable, l'Allemagne étant le premier pays importateur du matériel de guerre helvétique. En 2021, Berlin représentait pas moins d'un sixième de la valeur totale générée par ce commerce, selon les chiffres du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco).
Que représente l'industrie de l'armement en Suisse? De combien d'emplois parle-t-on? Et quels sont les autres pays importateurs? Tour d'horizon en cinq points.
Les exportations de matériel de guerre ont généré une valeur de 742,8 millions de francs en 2021, selon les données du Seco. Si ce chiffre était inférieur par rapport à l'année précédente, la tendance sur la longue période est claire: en 20 ans, les ventes d’équipements militaires à l’étranger ont quasiment triplé.
Au total, 67 pays achètent des armes et des munitions à la Suisse: la moitié d'entre eux se trouvent en Europe, mais les exportations de matériel de guerre helvétique touchent les cinq continents.
L'industrie suisse de l'armement produit et exporte plusieurs catégories d'équipement, allant des armes proprement dites aux munitions, en passant par les navires et les véhicules. Ces derniers sont, de loin, les biens exportés générant la valeur la plus élevée.
Qu'est-ce que tout cela représente, en termes d'emplois? Les autorités ne communiquent pas sur ce sujet, mais une analyse du centre de recherche privé BAK Economics permet de se faire une idée. Selon ses calculs, relatifs à 2019, plus de 14 000 emplois sont induits par la filière.
Ce chiffre tient compte de l'ensemble de la chaîne, donc également de l'impact de l'industrie de l'armement auprès des entreprises hors du secteur. A lui seul, le secteur de la défense représente quelque 9500 emplois équivalents plein-temps.
Même en considérant l'estimation large, cela n'équivaut qu'à environ 1,3% des emplois de l'industrie. A titre de comparaison, le secteur de la construction a généré, toujours en 2019, plus de 338 000 emplois équivalents plein-temps.
Plusieurs entreprises se partagent le secteur de l'armement en Suisse. Les unités issues de la scission de la Ruag, voulue en 2019 par le Conseil fédéral, ainsi que Rheinmetall Air Defence et Mowag, sont les plus connues, mais leur nombre total s'élèverait à 139. C'est ce qui ressort d'une liste dressée par l'hebdomadaire alémanique Wochenzeitung (Woz). Le nombre exact de fabricants n'est en effet pas officiellement connu: contacté, le Seco affirme ne disposer d'aucune liste à ce sujet.
Toujours selon la Woz, 89 entreprises produisent du matériel de guerre censé être utilisé dans le cadre d'une action de combat, tandis que 59 fabriquent des biens militaires spécifiques qui ne sont pas utilisés au combat.
Les deux principaux exportateurs sont Rheinmetall et Mowag, basés respectivement à Oerlikon (ZH) et Kreuzlingen (TG). Cela en dit long sur la répartition des emplois dans le secteur, concentrés en Suisse centrale, sur le Plateau, dans la région zurichoise et en Suisse orientale.
En Suisse romande, il existe une centaine de PME qui produisent des pièces à usage à la fois civil et militaire, écrivait l'Agefi en 2020. Le Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM) regroupe une septantaine d’entreprises.
Il est intéressant de noter que certaines entreprises actives dans le secteur de la défense en Suisse sont actuellement aux mains de groupes étrangers:
Des entreprises étrangères sont également actives sur le territoire helvétique, à l'image du groupe suédois Saab, qui emploie environ 80 personnes à Thoune, dans le canton de Berne.