La coopération internationale et les nouvelles technologies sont au cœur de la nouvelle stratégie de l'armée suisse, axée sur le renforcement de ses capacités de défense. Et pour atteindre ses objectifs, elle a besoin de 13 milliards de francs supplémentaires, pour une première phase de développement qui ira jusqu'en 2031.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a marqué une «césure dans la sécurité de l'Europe», a déclaré le chef de l'armée Thomas Süssli lors d'une conférence de presse à la caserne de Kloten jeudi. C'est pour cette raison que la nouvelle stratégie de l'armée veut remettre la défense au centre, sans négliger cependant la protection et l'aide à la population.
Avec sa nouvelle stratégie, l'armée suisse veut s'axer sur le développement futur autour de trois lignes directrices, c'est-à-dire:
Alors que les 13 milliards de francs réclamés par l'armée étaient couverts par la décision prise par le Parlement d'augmenter le budget militaire à 1% du PIB jusqu'en 2030, la donne a changé, a indiqué le chef de l'armée. Le Conseil fédéral a en effet récemment décidé de repousser cet horizon à 2035 dans le cadre de l'assainissement des finances fédérales. Le montant total n'a donc pas encore été validé par les autorités politiques.
Et la stratégie non plus. Le chef de l'armée a indiqué que le rapport présenté jeudi sera une «base importante» pour répondre au postulat 23.3000 de la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats relatif au renforcement de la capacité de défense. La réponse est attendue d'ici janvier, a-t-il précisé, et il espère ainsi «obtenir une légitimation politique» pour la stratégie.
L'intensification de la coopération internationale, notamment avec l'Otan et l'Union européenne, figure en bonne place dans la stratégie. Et ce dans les domaines de l'instruction, de l'entraînement et des acquisitions.
Afin de garantir la liberté d'action des instances politiques helvétiques, l'armée indique devoir se préparer à l'éventualité de mener des opérations en coopération avec d'autres forces armées, «après que les obligations légales liées à la neutralité sont tombées». Le cas échéant, rien ne doit venir entraver la volonté politique de coopérer, que ce soit au niveau du matériel, de l'organisation ou des procédures.
L'armée veut également augmenter son recours aux technologies pour obtenir des informations plus complètes et de meilleure qualité. Numérisation, robotique et intelligence artificielle doivent en outre lui permettre d'agir plus rapidement et de réduire les risques encourus par les militaires.
«L'Ukraine nous montre clairement que le domaine cyber est devenu la première ligne de défense», a déclaré le divisionnaire Alain Vuitel à la presse. Il dirige la mise sur pied d'un commandement Cyber qui doit être opérationnel d'ici début janvier 2024 et qui compte déjà 650 employés.
Le troisième axe concerne un développement par étapes limitées et bien définies, au lieu d'une vaste réforme. L'armée entend ainsi accroître ses capacités à s'adapter aux évolutions rapides et aux facteurs imprévisibles du contexte de sécurité international.
Cette nouvelle stratégie de l'armée se base sur la politique de sécurité établie par le Conseil fédéral en novembre 2021. Complétées en septembre 2022 pour tenir compte des enseignements de la guerre en Ukraine, les lignes directrices du gouvernement sont notamment axées sur une modernisation des capacités de défense et une intensification de la coopération internationale militaire.
Le groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) accuse l'armée de vouloir «dilapider» des milliards en argent public avec ce nouveau plan de route. Alors qu'elle devrait travailler à la promotion de la paix et à la prévention de la guerre, l'armée suisse «se prépare à une guerre d'agression imaginaire dans des scénarios de menace flous». La crise climatique, la plus grande menace pour la sécurité, n'est pas du tout prise en compte, critique encore le groupe.
Le son de cloche est cependant tout autre du côté de l'Association des sociétés militaires suisses. Elle estime que le rapport montre clairement que l'objectif de renforcer les capacités de défense ne pourra être atteint sans investissements rapides et massifs. En outre, elle presse le Parlement d'approuver le budget nécessaire. (sda/ats)