L'affaire aurait pu virer au drame, lors de la collision de deux avions la semaine dernière à l'aéroport international de Haneda à Tokyo. Du côté du plus petit avion, un appareil des garde-côtes japonais, cinq des six passagers sont morts. Mais les 367 passagers et les 12 membres d'équipage de l'autre engin, un Airbus A350 de Japan Airlines, ont pu quitter à temps l'appareil en feu, en 90 secondes seulement.
Ce temps de réaction exemplaire surprend dans le secteur. On s'accorde à dire que la réussite de l'évacuation est liée à la culture japonaise, qui accorde une grande importance à la discipline. Cette discipline se reflète également dans la vidéo de sécurité de Japan Airlines, qui est montrée aux passagers avant chaque vol.
Celle-ci a déclenché une discussion sur la plateforme en ligne Linkedin. En effet, si l'on regarde la vidéo, on constate rapidement qu'elle est différente de celles de nombreuses autres compagnies aériennes. Elle est plus sérieuse, voire plus dramatique, en particulier le passage sur l'évacuation de l'avion en cas d'urgence. La question du rôle de la représentation des situations d'urgence dans les vidéos de sécurité est relancée dans le secteur aérien.
La vidéo de Japan Airlines, comme celle d'autres compagnies aériennes, commence avec une atmosphère relativement détendue avec une musique de fond joyeuse. Mais lors de la scène de l'évacuation, le ton change, l'ambiance devient soudain plus pesante. Gare à ceux qui tenteraient d'emporter leurs bagages avec eux lors de l'évacuation: le passage vers les issues de secours se retrouve bloqué et les valises peuvent endommager le toboggan. On peut voir la panique s'installer chez les passagers.
La glissade sur le toboggan est également décortiquée. Les bras doivent être tendus vers l'avant pour rester debout. Ensuite, la compagnie aérienne montre comment les passagers doivent s'éloigner de l'avion le plus rapidement possible, conformément aux règles.
La comparaison avec Swiss s'impose. La filiale de Lufthansa présente depuis de nombreuses années la même vidéo animée par ordinateur, dans laquelle les protagonistes semblent tout droit sortis d'un dessin animé. Ce qui frappe, c'est que toute l'atmosphère de la vidéo est étrangement joyeuse. Les personnages ont toujours le sourire aux lèvres. Même le masque à oxygène qui tombe du plafond semble réjouir une mère et son fils. Pas de traces cependant d'instructions aussi détaillées sur le toboggan que celles de Japan Airlines, tout comme les scènes sur les situations potentiellement dangereuses. En revanche, le garçon du dessin animé reçoit un chocolat Swiss à la fin du clip.
Pour l'expert en aviation William Agius, chargé de cours à la Haute école des sciences appliquées de Zurich, il est clair que «la vidéo de Swiss remplit son objectif, mais elle devrait être plus neutre. Le sourire permanent des acteurs enlève tout sérieux au sujet». Selon lui, c'est malheureusement aussi le cas pour d'autres compagnies aériennes, parfois de manière encore plus prononcée.
William Agius, qui effectue des recherches sur la communication dans le secteur de l'aéronautique, fait référence à la vidéo de sécurité actuelle d'Air France, qu'il juge particulièrement mauvaise. On y voit différentes scènes, dans un château, un théâtre, un musée, lors d'un défilé de mode, sur la tour Eiffel, dans un café, un parc, à la plage. Mais aucune dans un avion. Autre exemple à déplorer: Singapore Airlines, qui a déplacé le décor dans un salon de thé et un parc aquatique. William Agius s'agace:
Car le facteur d'abstraction ne doit pas être sous-estimé, en particulier pour les vols internationaux. Les passagers doivent être capables de reconnaître visuellement les éléments importants de la vidéo dans le cas où ils ne parleraient pas la même langue. Dans le cas de l'accident de Japan Airlines, il s'agissait d'une composition homogène, c'est-à-dire un vol intérieur avec un équipage et des passagers principalement japonais.
Si le même accident était arrivé dans un vol international d'une compagnie de longs courriers comme Emirates, par exemple, on pourrait imaginer un avion rempli de passagers qui parlent des dizaines de langues différentes, y compris pour les employés de cabine. Cet exemple ne vient pas de nulle part: Williams Agius se souvient d'un atterrissage d'urgence d'un avion d'Emirates à Dubaï, dans lequel se trouvaient des travailleurs immigrés. Des vidéos montrent comment ils tiennent leurs bagages dans les mains en utilisant le toboggan, ce qui est interdit par la compagnie. Et après évacuation, ils zonent à proximité de l'avion malgré le risque d'explosion. L'expert plaide donc pour que l'on mette en avant les conséquences du non-respect des règles, comme dans la vidéo de Japan Airlines.
Il y a près de dix ans, Air New Zealand a produit l'une des vidéos de sécurité les plus élaborées, en utilisant les décors de films et les stars de la trilogie du Seigneur des anneaux. La compagnie aérienne elle-même la décrit avec un certain second degré comme la «vidéo de sécurité la plus épique jamais réalisée».
British Airways a elle aussi misé il y a cinq ans sur un casting connu avec des acteurs de renom comme Michael Caine et Olivia Coleman, avec beaucoup d'humour britannique à la clé. Car pour de nombreuses compagnies aériennes, la vidéo de sécurité est également un coup de marketing.
L'expert conclut:
Le porte-parole de Swiss, Michael Pelzer, a d'ores et déjà annoncé qu'une nouvelle vidéo de sécurité était en préparation, indépendamment de l'incident au Japon, mais en raison de la mise en service de l'Airbus A350 et d'un nouveau concept de cabine sur les vols long-courriers. Michael Pelzer ne révèle pas le contenu de la vidéo.
Mais les vidéos ne font pas tout. Le porte-parole explique ainsi que les membres d’équipage de Swiss sont formés aux situations d’urgence dès le début de la formation de base.
Le personnel apprend les procédures, les instructions et les commandes ainsi que les bons comportements. Même après la formation de base, Swiss continue de dispenser des formations en matière de sécurité lors de cours de répétition annuels. De plus, sur chaque vol, il y a ce qu'on appelle «une minute de révision silencieuse» avant le décollage et l'atterrissage, au cours de laquelle les membres de la cabine se préparent calmement à d'éventuels incidents et repassent en revue les procédures et instructions nécessaires dans leur esprit.