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«Les Suisses renoncent aux enfants et prennent un chat»

«Les Suisses renoncent aux enfants et prennent un chat à la place»
Image: watson

«Les Suisses renoncent aux enfants et prennent un chat à la place»

La sociologue Katja Rost affirme que la situation économique ne joue qu'un rôle secondaire dans l'actuelle baisse de natalité en Scandinavie. Pas la peine non plus de diaboliser le modèle familial classique, selon l'experte. Interview.
21.04.2024, 22:0321.04.2024, 22:04
Michael Graber / ch media
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Katja Rost, pourquoi avons-nous de moins en moins d'enfants?
Il y a trois raisons principales à cela. Premièrement, les normes sociales ont changé. Ensuite, il n'y a plus aujourd'hui - du moins du point de vue de l'individu – de véritable besoin d'assurer la relève et, troisièmement, il y a aussi des raisons technologiques.

Katja Rost
Katja Rostsuz.uzh.ch
Katja Rost est co-directrice du pôle de recherche sur la reproduction humaine à l'université de Zurich. La sociologue s'y occupe entre autres de questions liées à la politique familiale. Elle est originaire de la RDA. Rost a un fils et vit en Suisse et en Autriche.

Qu'entendez-vous par «raisons technologiques»?
Par raisons technologiques, j'entends que, grâce aux moyens de contraception, nous avons désormais, de manière générale, le choix d'avoir ou non des enfants et combien d'enfants nous voulons. A l'époque, le fait d'avoir des enfants ne relevait généralement pas d'une décision consciente.

«Pour ce qui est de la nécessité, il s'agit du fait que les enfants constituaient une prévoyance vieillesse. Sur le plan économique et en tant que personnel de soin»

Avec l'introduction des assurances sociales, ce modèle a perdu de l'importance. Dans les Etats-providence modernes, tout le monde peut en principe bénéficier d'une retraite et de soins de qualité dans une institution dédiée.

Et que disent les normes sociales?
Aujourd'hui, l'individualisation et l'épanouissement personnel sont les tendances majoritaires. Tout le monde veut avoir accès à tout, le plus longtemps possible, et personne ne veut se restreindre. Les enfants n'ont que peu de place dans ce style de vie.

L'argent n'est pas une raison? On dit toujours que nous avons moins d'enfants parce que ça coûte cher.
Je ne pense pas que l'argent soit le facteur déterminant. On pense souvent que si nous avions des crèches moins chères, le nombre de naissances augmenterait à nouveau. Mais si nous regardons en Scandinavie, nous constatons de manière impressionnante que ce n'est pas le cas, du moins là-bas. Les crèches sont souvent gratuites et pourtant le nombre d'enfants diminue aussi dans ces pays-là.

La politique ne peut donc rien faire...
Si, bien sûr. Le plus important, c'est l'image qui est véhiculée. Aujourd'hui, les enfants sont souvent présentés comme un obstacle. Les enfants sont un obstacle à la carrière, les enfants ne sont pas bons pour le climat, les enfants coûtent cher. Mais il n'y a pas que ces raisons-là. Prenez l'exemple du restaurant. En Suisse, si vous essayez de manger dans un restaurant avec des enfants en bas âge, les personnes à la table voisine ne vont pas se montrer très tolérantes. Les parents vont donc penser qu'ils doivent se restreindre. L'envie d'avoir des enfants peut rapidement être coupée.

Mais il est vrai que les enfants sont souvent une contrainte pour la carrière des parents
J'entends souvent dire que les employeurs doivent en faire davantage pour concilier vie familiale et vie professionnelle. Mais dans de nombreux endroits, ils en font déjà beaucoup. Je pense notamment aux écoles et aux universités. Ici, la politique et les institutions peuvent créer de meilleures conditions-cadres.

Concilier études et bébé, c'est possible?
Oui - et ce serait même l'idéal. Les gens qui sont aux études sont dans la force de l'âge. Et les études durent peut-être un ou deux ans de plus avec un enfant, mais lorsqu'il s'agit ensuite de faire carrière, les phases les plus intenses des enfants sont déjà passées.

«De plus, les jeunes couples ont aussi plus d'énergie pour relever plusieurs défis en même temps»

Mais la tendance va dans l'autre sens: les jeunes mères sont en moyenne de plus en plus âgées.
Cela est également lié à la recherche d'une sécurité absolue. Tout doit être parfaitement en ordre avant de décider d'avoir des enfants.

En revanche, nous voyons de plus en plus de jeunes couples dans la rue qui se baladent avec un chien.
C'est une tendance frappante: le chien ou le chat comme substitut à l'enfant. Cela montre à quel point le désir d'affection inconditionnelle, de pouvoir s'occuper de quelqu'un, est toujours aussi fort.

«Bizarrement, toutes ces personnes partent du principe que les obligations sont moindres avec un animal»

En réalité, ils se restreignent énormément, car il faut promener le chien trois fois par jour, ne voyager que dans des hôtels acceptant les chiens, et bien d'autres choses encore. De plus, les coûts sont également considérables. Chez un enfant, en revanche, l'autonomie se développe avec le temps. Et les possibilités d'interaction sont nettement plus développées.

Et pourtant, nombreux sont ceux qui optent pour le chien.
Oui, c'est absurde. Ceci est lié à notre désir d'épanouissement personnel et à la peur de s'engager. A cela s'ajoute l'image publique négativement véhiculée par la famille. Elle limite, tue la carrière, coûte trop cher.

Lorsque nous parlons du fait que nous avons de moins en moins d'enfants, on nous répond rapidement que les femmes veulent moins d'enfants. Est-ce correct?
Non, différentes études montrent que les hommes aussi souhaitent moins souvent avoir des enfants à notre époque.

Mais les femmes qui conjuguent enfants et carrière continuent d'avoir la vie dure.
Je pense qu'il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine. Notre société fait preuve d'une grande diversité et mise précisément sur cette diversité. Parallèlement, de nombreux modèles familiaux sont vivement critiqués. Je ne parle pas seulement celui de la femme aux ambitions carriéristes.

«Le rôle de femme ou d'homme au foyer est diabolisé»

Alors, retour au modèle classique?
Ce n'est pas la solution à tout. Mais si cela a du sens, pourquoi pas. Il est absurde de prêcher une division irrationnelle du travail. Si on veut tout répartir de manière parfaitement égale, il est logique que les gens se plaignent d'une charge de travail multiple et ne parviennent plus à concilier famille et travail. Une entreprise aurait dû fermer ses portes depuis longtemps, avec une telle inefficacité. La division du travail est l'élément de base de notre prospérité économique et du progrès technologique. Et nous souhaiterions exactement le contraire pour les plus petites unités économiques de la société, à savoir les familles?

Au final, la femme reste à la maison et l'homme va travailler: voilà à quoi cela se résumerait?
En principe, dans le modèle classique, il est logique que ce soit la partie qui dispose du revenu le plus élevé qui exerce une activité professionnelle. Cela peut tout à fait être la femme. Il est important de conclure de bons contrats et accords au sein du couple ou du mariage.

«Si quelqu'un renonce à sa propre carrière au profit de celle de son partenaire, il ou elle doit pouvoir bénéficier de ce succès, surtout en cas de séparation ultérieure»

La garde et la gestion du ménage sont aussi un travail un soi. Chaque famille devrait pouvoir réfléchir à la manière la plus judicieuse de le répartir pour elle - et ce, sans jugement de la société, quel que soit le choix final.

Malgré le stress, les soucis et les sacrifices, les parents sont-ils malgré tout plus heureux que les personnes sans enfants?
Non, ce n'est pas ce que nous constatons dans la recherche. Malheureusement (rires). Il n'y a en fait qu'une seule différence: pendant la première phase intensive de l'enfant, les parents sont en moyenne un peu moins heureux. Mais cela se stabilise ensuite rapidement.

Ce chien adore la piscine de ses maîtres
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