Hayden Clarkin se décrit lui-même comme «un passionné des transports, mais aussi d'Adele et de ABBA», qui est «parfois connu sous le nom de Monsieur Transports en commun». Ce jeune New-Yorkais, riche de 120 000 abonnés sur la plateforme d'Elon Musk, adore infuser son savoir dans de petites informations croustillantes, parfaites pour briller à l'heure de l'apéro. Cette semaine, sa contribution la plus populaire est plus volontiers provoc qu'informative.
Et, surprise, la Suisse y joue le premier rôle.
En d'autres termes, nous avons affaire à une pique d'un Américain, à l'endroit de l'Amérique, qui n'a d'autre ambition que de prétendre que l'herbe est plus verte chez le voisin. Et ce voisin, selon la carte qui accompagne cette douce fronde, est un hameau paumé quelque part dans l'Oberland bernois. Dans sa phrase, on sent d'ailleurs bien qu'il peste contre la faiblesse notoire des transports publics de son pays. Mais au lieu de rappeler l'excellente réputation de la Suisse dans ce domaine (si, si) ou de donner plus d'informations sur ce «village», Hayden Clarkin va forcer le trait d'un soi-disant trou perdu.
Logique, on est sur les réseaux sociaux.
Sur la photo en question, on découvre un misérable poteau de CarPostal, un banc décati, une ligne électrique, un peu de neige et une campagne sans âme qui vive.
La photographie, mais surtout la petite carte qui l'accompagne, nous offrirons les indices nécessaires pour trouver ce fameux «petit village» qui défoncerait l'aéroport international de Kansas City, en termes de transports publics. Située à plus de deux heures de Lausanne, la star du jour n'est autre que Stechelberg.
En 2022, le village comptabilisait 201 habitants. Certes, face à la fourmilière humaine qu'abrite quotidiennement le dense carrefour aérien du Missouri, ça paraît dérisoire.
Mais le pedigree de Stechelberg cache bien son jeu. Le «petit village» en question fait partie de la commune beaucoup plus réputée de Lauterbrunnen. Ça y est, vous percutez? Et oui, nous parlons bien du village «le plus paradisiaque d'Europe», véritable obsession d'Instagram pour ses «cascades souterraines les plus grandes d'Europe». Si on parle toujours de Lauterbrunnen lorsque les touristes se bousculent pour tutoyer les chutes du Trümmelbach, elles se trouvent officiellement sur les terres de Stechelberg.
Sans oublier que celles du Staubbach, plus prisées encore par les influenceurs du monde entier n'est qu'à... quatre arrêts du fameux banc perdu «au milieu de rien». Notre ami Hayden Clarkin s'est bien gardé de préciser la guerre touristique qui se joue au cœur de l'Oberland bernois.
L'été dernier, le président de la commune évoquait même poliment que la région suffoque sous ses atours:
L'arrêt Stegmatte de Stechelberg voit-il vraiment passer plus de bus que l'imposant aéroport international de Kansas City? C'est évidemment la seconde question qui nous monte à l'esprit, puisque l'internaute new-yorkais ne s'est pas fatigué à dégainer le moindre chiffre. Tout juste glissera-t-il un lien vers le site officiel de CarPostal, pour ceux qui auraient le temps et l'envie de se démerder tout seul. Bien sûr, chez watson, on a mis le nez dans les horaires.
Que ce soit Google Maps, le site des transports publics ou celui de l'aéroport, les informations tombent assez vite et de manière harmonieuse: la ligne 229, qui dessert les deux terminaux, permet de rejoindre le centre de Kansas City sans grands encombres (en théorie).
La fréquence? Un bus toutes les heures.
Autant vous le dire tout de suite, l'ami américain a raison, lorsqu'il affirme que «cet arrêt de bus au bord d'une rivière, dans un petit village suisse, bénéficie d'un service de bus plus important que le nouvel aéroport de Kansas City, évalué à 1,5 milliard de dollars».
Pour faire court, quatre bus par heure s'arrêtent à Stegmatte-Stechelberg, deux dans chaque sens. En d'autres termes, c'est le double de l'aéroport de Kansas City.
Pas grand-chose, hormis s'immerger dans les nombreuses réactions suscitées par cette comparaison un poil exagérée. Surtout, il faut se rappeler que les Etats-Unis sont le pays de la voiture, avec ses avantages et ses gros inconvénients. Sur la plateforme X, nous en sommes à plus de 200 000 vues et des centaines de commentaires, que l'on pourrait classer en trois groupes: les Américains frustrés, les Suisses fiers et, plus rares, les pragmatiques.
En conclusion, il faut toujours que des piques viennent d'ailleurs pour que les Suisse commencent à défendre ce qu'ils adorent critiquer très fort. Rien que pour ça, on remerciera Hayden Clarkin chaleureusement.