Dans le monde merveilleux du marketing, la plupart des gares principales de Suisse disposent d'une page sur Facebook. Non pas qu'elles soient très actives, mais elles permettent (notamment) d'insuffler un bon coup de promo ciblée quand les CFF l'estiment nécessaire. C'est pourquoi, ces derniers jours, les Vaudois ont pu découvrir sur leur fil une petite déclaration d'amour pour la gare de Lausanne.
C'est même pire que ça, puisque les quelques lignes en question forment un portrait plutôt élogieux de l'importante gare lémanique, agrémenté du hashtag: #toutestdansmagare.
Les CFF ont donc fait pousser du Baudelaire sur les rails pour chanter les louanges de la gare de Lausanne. Sur l'illustration, une jeune femme en survêtement coloré, bonnet vissé sur des cheveux cuivrés, une bulle de Malabar entre les lèvres et assise sur une pile de bons bouquins. Wesh! Avec une petite pub (au passage) pour la tablette de la marque Lenovo ou le casque Sony, et un guide touristique pour la Grosse Pomme.
En arrière-plan, on distingue bien les dédales d'une gare.
C'est là que le premier hic survient. Avant de cliquer sur la publicité en question, on zoome un peu et... c'est le drame.
«Landesmuseum»? Le Musée national suisse aurait déménagé à Lausanne et on ne nous aurait rien dit? Natürlich nicht! Cette gare est celle de Zurich, le Landesmuseum se trouvant à trois grandes enjambées de l'édifice ferroviaire de la capitale économique. Les CFF ont d'ailleurs bien raison d'illustrer leur récente salve marketing par la plus grande (et belle) gare de Suisse, dont les rénovations sont un exemple de réussite, tant au niveau de l'architecture que du respect du monument historique et... de l'agenda des travaux. Ce qui n'est... disons... pas tout à fait le cas pour celle de Lausanne.
Des travaux dont le dernier coup de pioche était prévu pour 2025, alors qu'on parle aujourd'hui de 2038. Encore quatorze ans d'échafaudages, de palissades et de détours horripilants pour une bonne grappe de pendulaires, de bus et de taxis qui n'en peuvent plus depuis déjà bien longtemps.
Mais revenons à cette publication sponsorisée, voulez-vous?
Alléchés par ces coïncidences un brin maladroites, on entreprend de cliquer sur le lien. Où diable peut-on bien dénicher «des livres et plus encore», dans cette gare de Lausanne (hormis six bestsellers au kiosque) qui respire plus volontiers les ruelles balafrées de Los Angeles une fois la nuit tombée que le patio bobo d'un barista de San Francisco.
On clique.
Deuxième hic.
Au lieu d'une photo de l'étrange préau en bois jaune imaginé à la va-vite par la Ville de Lausanne pour calmer (sans succès) ses utilisateurs, voilà qu'on tombe sur les qualités et les avantages d'une gare qui est aujourd'hui un véritable centre commercial. Cornavin, son Starbucks, son Payot, sa grande Migros, son Burger King, ses petits cafés urbains, autant de propositions que celle de la capitale vaudoise n'est précisément pas (encore) en mesure d'offrir.
Une accumulation de petites bourdes de communication qui pourraient prêter à sourire, si les CFF n'étaient pas sous les feux brûlants des projecteurs, pour la rénovation mainte fois retardée de cette gare qui cristallise les tensions. Le post en question n'est pas disponible sur la page Facebook de la gare de Lausanne, mais les internautes ciblés par la publicité n'ont pas manqué de souligner la collision malheureuse, en commentaire.
«Effectivement le lien n’est pas correct, il va être corrigé rapidement et dirigera vers les commerces de la gare de Lausanne», explique le porte-parole des CFF, contacté par watson. Frédéric Revaz précise également que «la gare reste ouverte durant les travaux, non seulement pour les 700 trains et 120 000 voyageurs quotidiens, mais aussi pour la majorité des commerces, y compris les kiosques où l’on trouve de la lecture».
Mais pourquoi Zurich pour illustrer une garde romande? «La campagne de pub concerne 16 gares de toute la Suisse, il était normal de choisir la plus grande – Zurich – pour la photo d’illustration». Voilà qui est dit.
Une chose est sûre, les Vaudois se réjouissent probablement déjà de pouvoir se payer paisiblement le dernier Joël Dicker et un casque Sony, au lieu de devoir traverser cette... très dystopique place de la gare tous les matins.