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Pourquoi les glaciers fondent encore plus vite que d'habitude

Morteratsch Gletscher Engadin
Cette année, les glaciers suisses fondent plus vite que d'habitude.photo: shutterstock

Pourquoi les glaciers fondent encore plus vite que d'habitude cette année

Mardi, le Conseil national discutera du contre-projet à l'initiative sur les glaciers. Des mesures rapides sont requises: trois facteurs ont aggravé la fonte cette année.
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13.06.2022, 19:11
Petar Marjanović
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La Suisse est fière de ses glaciers: ils font partie des spectacles naturels les plus connus du pays, que l'on montre volontiers sur des cartes postales, dans des brochures touristiques ou tout simplement sur les profils Instagram des photographes. Mais depuis des décennies, les glaciers sont en train de reculer et de disparaître progressivement.

Dans tout le pays, on sait que ce changement est lié à la crise climatique. Celle-ci entraîne non seulement une hausse des températures dans le monde, mais aussi d'autres phénomènes qui, rassemblés, favorisent la fonte des glaciers. Trois phénomènes se sont particulièrement intensifiés au cours des derniers mois, comme l'a constaté Matthias Huss, glaciologue à l'Ecole polytechnique fédérale (EPFZ) de Zurich.

Première vague de chaleur de l'année déjà en mai

A l’échelle mondiale, le mois de mai 2022 a été le cinquième mois de mai le plus chaud depuis 1979 et le sud-ouest de l'Europe a même connu une vague de chaleur. Des valeurs record ont également été mesurées en Suisse: le mois dernier, plusieurs stations ont enregistré plus de 30 degrés, alors que nous étions encore au printemps.

La région alpine a également été touchée: des valeurs record ont été mesurées sur presque tous les sites. Sur le Jungfraujoch, à côté du glacier d'Aletsch, on a enregistré le mois de mai le plus chaud des 30 dernières années. La moyenne mensuelle n'était certes «que» de -2,8 degrés, mais la valeur statistique incluait plusieurs heures au cours desquelles des températures supérieures à 0 degré ont été mesurées, renforçant ainsi la fonte des glaciers.

La poussière du Sahara

Le deuxième effet est simple à comprendre. Lorsque la lumière du soleil est absorbée, de la chaleur se produit. Plus la couleur d'une surface est sombre, plus elle se réchauffe par temps ensoleillé.

Dans l'idéal, les glaciers devraient donc rester blancs pour limiter ce réchauffement. Sur certains sites, de nombreux bénévoles y parviennent artificiellement: ils recouvrent de grandes surfaces glaciaires de géotextiles blancs de quelques millimètres d'épaisseur afin de maintenir les couches de neige et de glace au frais. Comme ces «couvertures réfrigérantes» sont coûteuses, on mise plutôt sur la sciure et les copeaux de bois à certains endroits. La «pollution» des glaciers n'est donc pas un mal, pour autant qu'elle éclaircisse les surfaces de glace et de neige qui sont de toute façon grises.

The Kapellbruecke (literally, Chapel Bridge) and the Wasserturm (Water Tower) in Lucerne appear in new colours, as Sahara sand colours the sky in orange and creates a special light atmosphere, Switzer ...
Cette photo du pont de la Chapelle à Lucerne, prise le 15 mars 2022, n'a pas été modifiée: la poussière du Sahara a jauni la lumière du jour.photo: keystone

Cependant, le contraire se produit lorsque des particules sombres et des aérosols se forment, notamment à cause de la poussière du Sahara: lorsqu'elle tombe sur la glace ou les textiles, elle absorbe davantage de lumière solaire - le blanc froid se réchauffe donc et fond. Ces derniers mois, plusieurs «événements de poussière du Sahara», comme on les appelle en météorologie, se sont produits.

Les chercheurs interrogés ne sont pas unanimes sur la question de savoir si de tels événements se produisent plus fréquemment. Le vol de la poussière du Sahara vers l'Europe centrale est certes favorisé par le changement climatique, mais aucune tendance claire n'a encore été observée.

Cela n'est pas pour autant anodin pour l'effet de fonte des glaciers: chaque chute de poussière saharienne sur les surfaces de glace et de neige aggrave la situation, car les particules sombres ne peuvent pas disparaître comme ça. «Les événements de poussière du Sahara remarquablement forts auxquels on a pu assister ces derniers mois dans toute l'Europe renforcent la fonte des glaciers à court terme, comme à plus long terme», explique le glaciologue Matthias Huss.

Peu de neige et beaucoup de soleil en hiver

L'effet de la poussière du Sahara a été renforcé par le fait que l'hiver 2021/2022 a été particulièrement ensoleillé et que les chutes de neige ont donc été rares. «Les glaciers ont donc en quelque sorte manqué de ‹nourriture› sous forme de neige. De plus, la fonte a commencé très tôt ce printemps», constate le glaciologue de l'EPFZ.

Les données météorologiques le confirment. Dans la région alpine riche en glaciers, on a mesuré en de nombreux endroits des quantités de chutes de neige inférieures à la moyenne.

Les effets de la fonte des glaciers

La fonte des glaciers entraîne de nombreux problèmes. Parmi les conséquences les plus évidentes, il y a la perte d'une importante source d'eau, explique Matthias Huss, glaciologue à l'EPFZ:

«L'eau de fonte est l'une des plus grandes sources d'eau pour les rivières de montagne et au-delà pendant les mois d'été»

Elles irriguent les sols et favorisent le milieu de vie de la faune et de la flore.

Les conséquences moins évidentes de la fonte des glaciers sont plus graves: les masses de glace lourdes et solides ont stabilisé les rochers et les montagnes pendant des millénaires. Si les glaciers disparaissent trop rapidement, les formations montagneuses seront déstabilisées, ce qui menace de provoquer des coulées de boue et des éboulements soudains.

A plusieurs endroits, on met déjà en garde contre les dangers de la fonte des glaciers.
A plusieurs endroits, on met déjà en garde contre les dangers de la fonte des glaciers.photo: ats

Un autre risque «caché» se trouve à l'intérieur du glacier: de grandes quantités d'eau de fonte y ont formé de grands lacs qui sont aujourd'hui retenus par les parois du glacier et les rochers. Si ceux-ci se rompent, il y a risque d'inondations. Ce risque est considéré comme le «moins problématique», car il est connu de tous et peut être contrôlé par des systèmes d'alarme ou des lacs de drainage.

Quelle est la gravité du problème?

Matthias Huss souligne que de nombreux glaciers ne peuvent plus être sauvés: «Les glaciers sont trop grands pour le climat actuel. Si tous les effets de réchauffement climatique disparaissaient d'un coup et que la température globale n'augmentait pas, on assisterait malgré tout à un nouveau recul sur plusieurs décennies».

En raison de ce constat, la protection des glaciers ou la politique climatique ne visent pas en premier lieu à «sauver» les glaciers. «Il s'agit de réduire au maximum les conséquences négatives d'un changement trop rapide et trop important du climat pour l'ensemble de l'environnement», explique le glaciologue qui, en plus de son travail de recherche, siège au conseil scientifique de l'Initiative pour les glaciers.

Huss affirme: «Les mesures qu'une société prend sont une question politique». C'est précisément celle-ci qui sera discutée mardi au Conseil national: le Conseil fédéral veut combattre l'initiative avec un contre-projet indirect. Le glaciologue de l'EPFZ ne veut pas se montrer critique envers ce contre-projet: «La proposition du Conseil fédéral va dans la bonne direction pour atténuer les effets négatifs du changement climatique et donc de la fonte des glaciers». Mais il espère personnellement que la proposition ne sera pas édulcorée par le Parlement.

Contre-projet indirect à l'initiative sur les glaciers
La commission de l'environnement du Conseil national veut rendre la Suisse climatiquement neutre d'ici 2050 grâce à des dispositions légales et opposer un contre-projet indirect à l'initiative sur les glaciers. Ce dernier est largement soutenu par le Conseil fédéral.

Comme l'Initiative pour les glaciers, le projet de loi de la Commission de l'environnement du Conseil national (CEATE-N) a pour objectif le zéro émission nette en 2050, écrit vendredi le Conseil fédéral. Le CEATE-N veut ancrer les étapes menant à l'objectif dans une «loi sur les objectifs en matière de protection du climat» et avancer ainsi plus rapidement qu'avec une disposition constitutionnelle.

Le Conseil fédéral salue cette démarche. La commission a repris des points centraux de l'initiative, écrit-il dans sa prise de position à l'attention du Conseil national. Les objectifs intermédiaires et les valeurs indicatives pour les différents secteurs permettent de créer une sécurité d'investissement pour l'économie nationale. (ats)
Il neige actuellement dans le désert du Sahara
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Il neige actuellement dans le désert du Sahara
Aïn Sefra, la région aux portes du Sahara, se situe à environ 1000 mètres d'altitude et est entourée par les montagnes de l'Atlas.
source: karim bouchetata
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