Lundi matin, une centaine de militants pour le climat ont occupé les entrées de Crédit Suisse et UBS sur la Paradeplatz de Zurich. Ils dénoncent les investissements des banques dans les énergies fossiles. Mais quel rôle la place financière joue-t-elle vraiment dans la crise climatique?
Composée par plusieurs mouvements climatiques suisses, l'alliance «Rise Up for Change» a deux demandes concrètes pour la place financière suisse. Tout d'abord, les banques et les compagnies d'assurance devraient immédiatement divulguer les sommes qu'ils investissent dans des projets, industries et entreprises. En même temps, ils devraient rendre transparente l'ampleur de l'empreinte écologique associée.
Deuxièmement, «Rise Up for Change» demande «l'arrêt immédiat des nouveaux investissements, des prêts et des services d'assurance pour les entreprises actives dans les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel), qui détruisent les écosystèmes et violent les droits de l'homme et des autochtones».
Seuls huit établissements financiers ont réussi l'examen final mené fin 2020 par le mouvement de la grève du climat. Envoyé par les activistes à 76 institutions financières suisses, ce formulaire évalue leur profil écologique en leur attribuant une note allant de 1 à 6. Alternative Bank Switzerland, Forma Futura, Freie Gemeinschaftsbank, Globalance et Oikocredit ont eu 6. Basellandschaftliche Kantonalbank, Graubündner Kantonalbank et Rahn + Bodmer ont eu 5.
Vingt-six institutions n'ont pas réussi l'examen. Et 42 institutions n'ont même pas répondu. «L'urgence de la crise climatique n'est pas suffisamment reconnue par la plupart des institutions financières», juge le mouvement.
Pour l'alliance climatique, les deux grandes banques sont de gros pollueurs. Dans l'examen final, le Crédit Suisse a reçu une note de 2 et UBS une note de 1,5. Pourquoi?
Crédit Suisse a investi un total de 82 milliards de dollars dans l'industrie fossile entre 2016 et 2020, écrit «Rise Up for Change» dans sa lettre ouverte adressée à la banque. Au cours de la même période, UBS en a investi 36 milliards. Ces chiffres proviennent du «Fossil Fuel Finance Report 2021» du Rainforest Action Network.
Les deux grandes banques ne veulent pas commenter la dernière action sur la Paradeplatz. Ils n'abordent pas non plus les demandes concrètes de la jeunesse climatique, mais soulignent leur engagement envers les objectifs de l'accord de Paris sur le climat visant à limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré.
UBS s'est engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble de ses activités à un niveau net zéro d'ici 2050. Le Credit Suisse a également fixé un objectif d'émissions nettes nulles pour ses activités opérationnelles, sa chaîne d'approvisionnement et ses activités de financement d'ici 2050.
Le Crédit Suisse se concentre sur trois domaines pour atteindre ses objectifs climatiques: «Tout d'abord, nous travaillons avec nos clients pour les aider à passer à des modèles commerciaux à faible émission de carbone». A cette fin, la banque vise à fournir «au moins 300 milliards de francs suisses de financement durable au cours des dix prochaines années». Deuxièmement, elle fournit des solutions de financement durable à ses clients. Et «troisièmement, nous nous efforçons de réduire davantage l'empreinte carbone de nos propres activités».
La place financière était à l'avant-garde de la lutte pour la loi sur le CO2 – et, comme une grande partie de la jeunesse climatique, elle a fait partie des perdants lors du dimanche de vote du 13 juin 2021. Mais alors que les défenseurs du climat l'accusent, elle se considère comme «un élément important de la solution». C'est ce que soutient l'association suisse des banquiers, qui estime qu'il ne suffit par de se concentrer sur les banques et la place financière: «Les banques ne peuvent apporter leur contribution qu'en lien avec l'économie réelle, les consommateurs, les autorités et les politiques».
La place financière suisse met en avant son rôle de pionnier: parmi les fonds gérés professionnellement en Suisse, environ 21% étaient investis de manière durable à la fin de 2018 – et la tendance est à la hausse. «Par rapport à la moyenne mondiale de 11%, nous avons une grande avance», déclare l'association suisse des banquiers.
Les entreprises dont les émissions de CO2 sont importantes devront contribuer davantage à la réalisation de l'objectif zéro émission nette. Patrick Odier, associé de la banque privée genevoise Lombard Odier et président de l'Association suisse pour la finance durable, en est convaincu. «Mais la transformation de ces entreprises, par exemple pour passer de la production de pétrole aux énergies renouvelables, prend du temps et de l'argent», dit-il. «Sans investissement, cela prendra encore plus de temps».
Selon Patrick Odier, le facteur décisif n'est pas le statu quo, mais surtout la direction dans laquelle les entreprises se développent. Les banques ne veulent pas diviser les entreprises en bonnes ou mauvaises, vertes ou non vertes: «Le contraste est entre les entreprises qui ont compris qu'elles devaient changer leur modèle d'entreprise et leurs produits, et celles qui ne l'ont pas compris - et ce sont les entreprises dans lesquelles nous n'investirons plus», déclare-t-il.
Les autorités fédérales exercent une pression subtile sur la place financière suisse. Elles souhaitent que ses acteurs bougent sur la question de la compatibilité climatique, comme l'a indiqué Silvia Ruprecht, chef de projet climat et marché financier à l'Office fédéral de l'environnement (OFEV). En collaboration avec le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales (SFI), l'OFEV réalise des tests d'impact climatique selon la méthode Pacta. Il s'agit d'une analyse standardisée pour les portefeuilles d'actions, d'obligations d'entreprise et de crédits mondiaux.
En 2020, 179 institutions financières ont participé au test, dont les deux grandes banques Credit Suisse et UBS. Le test porte sur 230 000 actifs réels, soit 80% des investissements du marché financier. Les résultats ont montré que 80% des institutions financières investissent toujours dans le charbon. En outre, les institutions investissent quatre fois plus de fonds dans les entreprises qui produisent de l'électricité à partir de sources fossiles que dans les producteurs d'énergies renouvelables.
«Ce test montre qu'une orientation respectueuse du climat est possible», a déclaré Katrin Schneeberger, directrice de l'OFEV. Cependant, les institutions financières continuent à trop investir dans les énergies fossiles et favorisent même leur expansion. «Cela va à l'encontre des objectifs climatiques».
«Rise Up for Change» vise également la Banque nationale suisse (BNS). Elle doit assumer sa responsabilité sociale et encourager les banques privées à être transparentes et à cesser les investissements fossiles, écrit l'alliance. En outre, selon eux, les bénéfices annuels de la BNS – environ 100 milliards de francs – devraient être utilisés pour une solution sociale et juste à la crise climatique.
Article traduit et adapté de l'allemand.