Ne nous risquons pas à entrer dans des considérations de goût, de couleur ou de texture. La vérité est ailleurs. Et notamment devant le Tribunal fédéral (TF). Comme l'a raconté 24 heures ce week-end, l'influente société Planted foods est dans la sauce depuis 2021 pour ses produits similicarnés.
Le laboratoire cantonal de Zurich avait sommé la start-up d'effacer toute trace de littérature animale, avant que le Tribunal administratif considère que le client n'était pas trompé sur la marchandise. Le département de l'Intérieur n'étant pas satisfait, ce sera au TF de trancher: peut-on flanquer le mot «poulet» à un produit composé uniquement de fibre de pois jaunes, d'huile de colza et d'eau? (On a dit qu'on ne parlait pas de goût, on ne parlera pas de goût.)
Et le grief est précis. Comme le précise 24 heures, l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (Osav) avait déjà émis une règle en 2021 pour interdire la spécification d'un animal en particulier. En clair, «Saucisse végétarienne», ça passe, «porc végétarien», c'est carton rouge.
Planted foods est l'un des acteurs les plus en vogue de la «viande sans viande» en Suisse. On trouve notamment leurs œuvres chez Migros et Coop et plusieurs restaurants utilisent déjà cette découverte, venue au monde dans un labo de l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ): imiter, à s'y méprendre, la texture et l'élasticité d'une bonne vieille volaille. De là à affirmer que c'est du «poulet végétal», il n'y a qu'un pas que le TF se chargera de faire tout soudain.
Si les fabricants de similicadavres surfent autant sur le lexique de leurs pires ennemis, c'est évidemment pour des raisons de marketing. Histoire d'inciter les amateurs de viande à passer du côté vert de la force, les marques se blottissent donc naturellement contre leurs «mauvais» réflexes culinaires.
Des plats qui n'ont rigoureusement rien à voir avec l'original, mais des appellations qui permettent de prendre doucement les consommateurs par la main (ou pour des cons).
Fin 2022, à Genève, un ancien architecte d'intérieur a décidé d'aller encore plus loin, en créant une «boucherie végane», dans laquelle une trancheuse à charcuterie trône fièrement au cœur du commerce. Subtil mélange de provocation maladroite et de marketing opportuniste. Si on en croit le reportage de nos collègues de Blick, le saucisson de champignon et le cervelas sans porc font carrément illusion.
Ne devrait-on pas profiter de cette aventure juridique zurichoise pour laisser les consommateurs voler de leur propre zèle?
Aujourd'hui, la technologie et la créativité permettent à l'industrie de produire une nouvelle nourriture «bien sous tout rapport» qui semble tout à fait digeste. Une expérience et des compétences d'ailleurs partagées par les amateurs de produits-qui-ressemblent-presque-à-de-la-viande-mais-en-fait-non. La tristesse d'une «fausse cuisse de poulet» ne rend pas hommage à la volonté, plus que légitime, d'éloigner les animaux de nos assiettes.
On a d'ailleurs réussi à le faire pour la clope. Après quelques années de «cigarette électronique» ou «cigarette alternative» à toutes les sauces, les «non-fumeurs» fument désormais des «Iqos» ou des «puffs», en français dans le verbe. Le dictionnaire doit évoluer avec les babines, comme avec les bronches.