Valérie Dittli pourra-t-elle rester à la tête du département vaudois des finances après les révélations de la RTS? Cela dépendra beaucoup des Vaudois eux-mêmes: s’estimeront-ils irrémédiablement trompés par la jeune femme ou lui pardonneront-ils, aussi pour ne pas avoir à se déjuger, eux qui l’ont élue en 2022 à un poste prestigieux?
Plus que les 22 000 francs qu’elle aurait économisés en maintenant sa résidence principale à Zoug, son canton d’origine, alors qu’elle vit à Lausanne depuis 2016, c’est son aller-retour fiscal en 2021 qui risque de lui coûter cher politiquement. Cette année-là, celle qui fut assistante-doctorante en droit à l’Université de Lausanne de 2016 à 2020, déménage sa résidence fiscale de Zoug dans le chef chef-lieu vaudois afin de s'y présenter aux élections communales et municipales. Elle échoue et se réinstalle fiscalement peu après à Zoug. Pourquoi pas.
Sauf que Valérie Dittli préside depuis 2020 déjà la section vaudoise du Centre et qu’elle retentera sa chance un an plus tard, avec succès cette fois, aux élections cantonales vaudoises, ayant dans l’intervalle à nouveau emménagé fiscalement à Lausanne.
Lorsqu’on est à ce point investi politiquement dans un canton, du moins dans l’attente d’y être élu, ne convient-il pas d’y déposer ses valises et d’y payer ses impôts, qu'on gagne ou qu'on perde devant les électeurs? Ne pas s'y résoudre, n’est-ce pas faire preuve d’une insoutenable légèreté démocratique? Autrement dit, d'un manque de tact, d'un trop-plein d'assurance évoquant, toute proportion gardée, la superbe de l'ancien ministre français du budget Jérôme Cahuzac empêtré dans une affaire d'évasion fiscale? Ici, tout est «transparent», mais un peu étrange quand même, un peu léger.
Face aux reproches, la Zougo-Vaudoise plaide la bonne foi. Elle a retardé son installation fiscale dans le canton de Vaud jusqu’à être sûre d’y exercer une profession – en l’occurrence un mandat électif. Cette défense peut-elle convaincre? Ne verra-t-on pas là plutôt la marque de l’opportunisme?
Si opportunisme il y a, il est sûrement moins fiscal que politique. Le parcours électoralo-fiscal de Valérie Dittli témoigne d’une forme de nomadisme citoyen, qu’on peut trouver normal et légitime à l’heure du «tout-fluide», mais sur lequel on peut s’interroger, quand le fédéralisme, avec son culte des cantons, fait toujours recette en termes identitaires.
La Ligue vaudoise, ce club conservateur d’habitude si disert sur les questions de fédéralisme, ne souhaite pas commenter l’affaire Dittli, au motif qu’elle ne se mêle pas de considérations électorales. On peut voir ici le souhait de ne rien dire qui pourrait porter préjudice à la droite vaudoise, qui soutient Valérie Dittli face aux attaques de la gauche.
En 2022, au storytelling de l’ancrage vaudois, les électeurs (37,59% de participation au deuxième tour) en auront préféré un autre: la jeunesse d’une confédérée d’origine suisse alémanique qui s’intéressait à leur canton. Flattés, ils l’auront élue, «à la surprise générale», disait-on il y a un an. Déçus en bien ou déçus-déçus ?