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Genève bannit la cigarette et humilie les fumeurs

Au début, à Genève, le fumeur ne se retiendra pas de sortir son paquet, mais se postera simplement à dix mètres de son arrêt.
Au début, à Genève, le fumeur ne se retiendra pas de sortir son paquet, mais se postera simplement à dix mètres de son arrêt.dr
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Genève humilie les fumeurs

Dès le 1er juin, Genève va interdire la fumée à l'extérieur. Ici et là, arrêt de bus, places de jeux ou non loin des écoles. Ce n'est pas une si mauvaise idée: transformer lentement le toxicomane en paria fonctionnera toujours mieux qu'augmenter le prix de sa drogue.
05.05.2023, 16:5006.05.2023, 18:14
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Dans les rues de San Francisco, si l'on veut éviter de se faire rabrouer, il est préférable de vomir du fentanyl par les narines non loin de sa tente de SDF, que de fumer une cigarette en costard sur le trottoir. Tirer sur sa clope devant un adorable petit diner sur Alamo Square, c'est l'assurance d'avaler de grosses bouffées désapprobatrices. Et ça marche: une fois reclus entre deux SUV parqués sur la chaussée, fumer devient si avilissant qu'on finit par abandonner.

Comme l'a rappelé 24 heures vendredi, le canton de Genève, soucieux d'offrir un «environnement sain» à ses habitants, s'apprête lui aussi à exclure la cigarette de plusieurs espaces publics extérieurs. Dès le 1er juin, beaux jours obligent, allumer une tige à moins de neuf mètres d'un arrêt de bus, d'une piscine, d'une école ou d'une place de jeux coûtera jusqu'à 1000 francs au torrailleur téméraire.

Au début, le fumeur ne se retiendra pas de sortir son paquet, mais se postera simplement à dix mètres de son arrêt. Hop, trois taffes expresses pour le shoot de nicotine, avec la tige planquée dans la paume de sa main. Au diable «l'environnement sain» et l'intégration sociale. Comme il le fait d'ailleurs déjà dans les gares CFF, bien rangé au rayon cendrier avec ses comparses indésirables. Plongés dans une ambiance de zoo pour animaux dangereux, les quidams pourront pointer les parias, du doigt et de loin: regarde, des drogués.

Après plusieurs semaines d'isolement tabagique, moyennement amusé d'avoir à s'injecter sa dose à l'écart et progressivement convaincu de faire quelque chose de grave, il s'abstiendra.

La clope tue, sauf que ça n'a pas empêché 22,5% des Suisses de 15 à 19 ans de fumer en 2022. Les autorités, éternellement désemparées, dansent maladroitement entre répression et prévention, avec des résultats quasi imperceptibles. Mais s'attaquer soudain à l'air libre pourrait bien changer la donne.

Sans mur ou délimitation physique, priver chaque jour les fumeurs d'une petite parcelle de liberté individuelle n'est pas synonyme de ferme interdiction. C'est une lente et discrète mise au ban.

Pousse-toi, va là-bas, un peu plus loin, casse-toi tu pues

Quand un écolier est envoyé au coin par la maîtresse, il est soudain désolidarisé du groupe, mais toujours bien visible de ses copains. Il y a donc des chances pour que le gamin arrête ses bêtises non pas avec la conscience d'avoir mal agi, mais par peur d'être jugé, ostracisé, montré du doigt.

Une punition ne vaudra jamais une heure de moqueries. Tout comme une augmentation du prix du paquet de clopes ne sera jamais aussi efficace qu'une bonne séance d'humiliation. Fumée passive mise à part, on pourrait d'ailleurs appliquer cette technique du paria à d'autres fléaux de santé publique. En éloignant par exemple les obèses de «l'environnement sain» des restaurants?

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