«On mange de la viande en fonction de ce qu’on a dans son porte-monnaie, pas de son slip.» La réplique a été mâchouillée par Fabien Roussel, récemment. Le secrétaire national du Parti communiste, passionné de bonne cochonnaille, répondait à Sandrine Rousseau pour qui le barbecue est «un symbole de virilité». Tandis que la France s'écharpe violemment sur le sexe d'une entrecôte, la Suisse marche sur des braises à quelques semaines de s'exprimer sur la notion d'élevage intensif.
La rentrée de septembre est manifestement tombée sur un os et les débats sont saignants, des deux côtés de la frontière. Voilà pour l'introduction mitonnée avec beaucoup trop de jeux de mots.
Un jour, l'être humain ne consommera sans doute plus du tout d'animaux. Et les pièces à conviction sont plurielles. Rareté, cruauté, cherté, moralité. Il y a le climat, aussi. Sans oublier ces virus furieusement à la mode qui adorent transiter par nos amis les bêtes, avant d'infester nos corps et nos politiques sanitaires. Mais, d'ici là, on sera bien obligé de ménager la chèvre et le chou. De pacifier cette tablée de tous les dangers, composée de viandards, d'herbivores, d'agriculteurs, de bouchers et de supermarchés. Qui ont tous, le temps que transition sociétale se passe, des arguments que l'on peut qualifier de recevables.
L'Homme n'aime pas le changement, craint pour son confort et considère que c'est au voisin de faire un effort.
L'initiative «contre l'élevage intensif», sur lequel on se prononcera le 25 septembre, demande que «la dignité animale soit aussi enfin respectée en élevage». «Intensif», «dignité», «respecté» sont des locutions trop subjectives (dans ce cas-là) pour être totalement assimilées par les citoyens. Et la Suisse est toujours considérée comme un bon élève mondial. Or, il suffit de jeter un œil sur la vidéo d'un élevage important de poulets suisses pour que beaucoup d'entre nous n'aient pas très envie d'emménager avec eux.
D'autant qu'il a à moitié tort, le camarade Roussel. On ne mange pas «de la viande en fonction de ce qu’on a dans son porte-monnaie», mais de la viande de différente qualité selon l'état de nos finances. Et ce n'est pas anodin, puisqu'il y a un monde, un respect de la bête (et un prix) entre la cuisse de poulet qui baigne dans la flotte médicamenteuse et cette fabuleuse côte de porc du copain boucher. C'est même pire que ça: nous n'avons pas affaire au même produit. Rien à voir. Niet. Que dalle.
Bien au-delà d'une votation un brin nébuleuse, et bien avant de vouloir enfiler la cape de super-héros de la faune et de la flore, commençons peut-être par progressivement arrêter de bouffer de la merde. Et mangeons de la viande. De la vraie. Pas pour soulager le quotidien des animaux ou sauver le climat, mais d'abord pour épargner notre côlon et aimer d'amour cette côte de veau, de porc ou de boeuf jusqu'à s'en taper le cul par terre.
Que ce soit une fois par semaine, par mois ou par trimestre. Chacun à son rythme, chacun selon ses finances. Personne ne va au cinéma tous les jours. Et, contrairement à un ticket pour le dernier Brad Pitt, la viande n'a jamais coûté trop cher. Ce sont les «produits à base de viande», bon marché, qui esquintent nos bêtes, notre planète et nos estomacs. Pour trois fois rien. Et depuis trop longtemps.
Le reste viendra tout seul. Y compris le bien-être animal et climatique. Même notre Miss Suisse 2013 s’est (re)mise à cajoler respectueusement son estomac, en refermant officiellement sa parenthèse végane. Une nouvelle vie avec un peu de viande, mais loin des «élevages industriels», a tenu à annoncer Dominique Rinderknecht, cette semaine, dans la presse alémanique.
Prenons ça comme une étape gustative utile, avant de savoir concrètement ce que l'avenir nous... mijote.