Le peuple a jugé que l'agriculture suisse, «la plus stricte au monde», était suffisante. L'initiative contre l'élevage intensif a été refusée à près de 63%. C'est un nouveau camouflet pour les centres urbains qui ont voté majoritairement «oui».
Si ces îlots de consommation ont voulu davantage de restrictions, les milieux proches des zones de productions ont voté «non» à des degrés massifs. Même les opposants ont été surpris par la clarté du vote.
Certes, les normes helvétiques sont «les plus strictes au monde» actuellement, mais cette initiative était surtout l'occasion d'en dresser de meilleures encore pour la génération future, dans 25 ans. Voici la question qui aurait dû se trouver au centre des débats et sur laquelle les votants devaient se prononcer.
Mais face à des opposants qui ont formé un bloc de défense compact autour de quelques arguments massue (le prix des biens, le bien-être animal suffisant et le respect des éleveurs), les sympathisants ont dérivé sur d'autres thématiques, comme la décroissance ou la réduction de la consommation de viande.
Ce faisant, certains partisans ont défendu l'initiative contre l'élevage intensif... sans vraiment parler d'élevage. Difficile de séduire les indécis avec ce discours.
Ceci est d'autant plus dommage que les initiants avaient un argument des plus tangibles dans leur manche: le cahier des charges 2018 de Biosuisse. Ils auraient pu s'appuyer sur cette série de normes complète et reconnue pour dessiner l'agriculture de demain et montrer aux votants qu'ils étaient autant du côté des agriculteurs que de celui des consommateurs.
En perte de vitesse, les initiants et sympathisants ont dégainé les gros moyens: des vidéos volées d'animaux entassés en élevage.
Sans doute espéraient-ils que le poids des images viendrait inverser les sondages et mettre un K-O médiatique duquel les opposants ne pourraient pas se relever.
Mais ce faisant, ils ont joué la carte de la connivence avec les milieux militants, ce qui a définitivement poussé les indécis dans le camp du «non».
C'est dommage car de nombreux votants étaient prêts à remettre en question certaines normes, quitte à payer plus cher pour de la viande de qualité et dont la production était encore plus respectueuse des animaux.
La défaite de dimanche creuse encore le fossé entre les villes consommatrices et les campagnes productrices, rendant les projets futurs sur ces thématiques plus difficiles encore. Pour gagner, les prochains projets devront apprendre à parler la langue des producteurs et s'y tenir.