Je suis une (plus ou moins) jeune femme, je fais partie de la communauté LGBTQIA+ et je n’ai été choquée ni par le sketche de Claude-Inga Barbey, ni par la lettre de lecteur publiée dans La Liberté. Clairement inadaptée à l’époque, ni fine, ni drôle, ni intelligente, cette dernière aurait mérité une réaction proportionnée sous forme de réponse écrite et publiée par le même canal. C’est ainsi que le débat démocratique devrait s’exprimer. C'est ainsi que l'on a une chance de convaincre et de gagner l'adhésion de ceux que l'on considère comme des ennemis.
Ce qui me choque, en revanche, c’est le basculement de mouvements nécessaires et productifs, dont on se réjouissait de l’existence hier, dans la radicalisation la plus sommaire. Celle qui fait qu’aujourd’hui, on ne sait plus trop bien de quel côté est la victime.
Je suis effarée de voir ces groupements censés prôner l’ouverture d’esprit et l’acceptation de l’autre s’éloigner à ce point de leur mission première. Les gens qui sont allés taguer les voitures de la rédaction fribourgeoise, qui pénètrent de force dans les locaux d’organes de presse, ou qui ont multiplié les menaces de mort contre une humoriste ne se rendent-ils pas compte qu’ils utilisent des méthodes dignes de l’inquisition, qui sont une insulte à l’essence même de l’origine de leur création? Au bien-fondé de leur existence?
Que valent les excuses que ces groupements parviennent toujours à obtenir, lorsqu’elles sont formulées sous la menace et dans la peur? Est-ce vraiment le genre de changement structurel que l’on désire? Passer d’un extrême à l’autre? Les sensibilités individuelles donnant le cap de ce qui est tolérable ou pas?
L’espoir d’un dialogue apaisé, seul moyen de mieux nous comprendre en tant que société, s’éloigne de plus en plus à cause de ceux-là même qui en ont le plus besoin. Quant aux humoristes, qui vont désormais devoir polisser leur discours afin de prendre en compte les états d’âme des uns et des autres, s’ils sont les baromètres de la liberté d’expression, alors on a du souci à se faire.