Parce que les Jeux olympiques battent leur plein. Parce que, hier encore, Poutine et sa clique nous mijotaient une guerre froide 3.0. Parce que le ciel pleure des trombes d'eau. Parce que février, hiver, impôts, déprime. Surtout parce qu'on nous a déjà fait le coup. Et qu'il est hors de question de croire que, cette fois, c'est la bonne et que:
Se voiler la face. Ne pas se réjouir trop vite. Excès de prudence emballé malgré tout dans son petit papier d'impatience. Le déni semble collectif alors que la prise de conscience se devra d'être individuelle. Personne n'ose véritablement réaliser que ce mercredi 16 février 2022 est un jour historique.
Mardi soir, nous aurions dû glisser notre sommeil sous un duvet d'excitations et déposer une ambiance de J-1 sur la table de chevet. Comme une veille d'un grand moment national. Avec cette petite odeur de libération programmée qui vient chatouiller nos agendas. La vie va changer. Merde! Oui, mais. Quelque chose cloche.
Je suis fasciné par l’absence totale de prise de conscience que l’ordre sanitaire prend probablement fin dans quelques heures en Suisse. Il me semblait pourtant que notre vie était un petit peu entravée depuis deux ans.#Pandemie #Covid_19 #Fin
— Alexis Favre (@alexisfavre) February 15, 2022
Dieu que c'est compliqué d'inaugurer officiellement de l'espoir! Il faut dire que deux ans de pandémie mondiale grippent méchamment toute envie de s'envoyer cul sec des shots d'optimisme. Rappelons tout de même que l'existence a trébuché sur des millions de morts, des vies à l'arrêt, de grands et de petits destins brisés, de fausses dictatures et de vraies tragédies, beaucoup trop de courtes accalmies et déjà une flopée de Covid longs.
Personne n'est assez fou pour sauter de joie avant d'être certain qu'il ne saute pas dans le vide.
Ou peut-être que c'est tout le contraire qui est en train de se produire. Alain Berset aura mis des heures à accorder ses mots à sa cravate pour décréter quelque chose que tout le monde a déjà appliqué dans sa vie personnelle: la pandémie est derrière nous. Une crise qui s'est (trop) lentement éteinte, comme une molle histoire d'amour qui n'en finit plus d'agoniser.
Ou peut-être qu'il faudra se dire que tout est terminé quand la situation particulière aura été abandonnée. Quand l'OMS ne dira plus chaque semaine que la situation est préoccupante. Quand les personnes à risque n'auront plus à envisager une levée de mesures comme une menace pour leur vie. Quand tous les autres pays du monde auront pris la même décision. Quand les masques auront disparu. Quand le mot «variant» ne fera plus se dresser les sourcils des épidémiologistes. Ou quand on pourra trouver banal d'ouvrir un journal romand avec un bateau de la CGN en couverture.
La pandémie n'est pas terminée. Et digérer plus de 24 mois de crise est un voyage à faire en solitaire. Avec ses forces, ses angoisses et ses bulletins de santé. D'ici là, il paraît malgré tout important de considérer ce mercredi 16 février 2022 comme un jour historique. Mais un jour historique collectif. Parce que la fin d'une crise se décide. C'est un événement politique qui ne s'impose jamais de lui-même.
D'autant qu'un travail de deuil réclame toujours un détonateur. Et, aujourd'hui, il se trouve que c'est le Conseil fédéral qui le tient fébrilement entre ses mains.