Imagine-t-on un changement de train à Baden pour tous les Bâle-Zurich-Aéroport? A Langenthal, pour tous les Berne-Zurich-Aéroport? Non. Pourquoi, dès lors, en imposer un à Renens (VD) à tous les Saint-Gall-Genève-Aéroport? Les Saint-Gall-Genève-Aéroport sont les InterCity IC5 de la ligne du pied du Jura, desservant une fois par heure Bienne, Neuchâtel, Yverdon, Genève et Genève-Aéroport, sans passer par Lausanne.
Dès la fin 2024, les passagers de cette ligne – parallèle à celle reliant Genève-Aéroport à Saint-Gall par Lausanne, Fribourg et Berne – devront donc changer à Renens, élevé par les CFF au rang de hub lémanique dans le cadre d’une refonte des horaires. Tous les IC5 auront alors pour terminus Lausanne et non plus Genève-Aéroport. Les passagers en provenance de Neuchâtel ou Yverdon se rendant à Genève, ville ou aéroport, devront descendre à Renens pour prendre une correspondance.
Comment les CFF ont-ils pu planifier pareille aberration?
Plusieurs aspects sont ici en jeu. Un aspect pratique, d’abord. Changer de train à Renens après avoir embarqué avec ses bagages de Bienne, Neuchâtel ou Yverdon pour Genève-Aéroport, les habitants du pied du Jura prenant aussi l’avion, est insensé. Le faire sans bagages n’a pas plus de sens, si l’on considère le statut d’une ville comme Genève et si l’on compare cette situation avec d’autres liaisons d'une durée d'environ une heure entre villes alémaniques, entre Bâle et Zurich, par exemple.
Politiquement, le message envoyé est catastrophique:
Certes, les nouveaux horaires CFF (valables pour une durée de dix ans, durant lesquels seront entrepris d'importants travaux d'amélioration des infrastructures ferroviaires) augmenteront le nombre de liaisons dans une logique de trajets RER, c’est-à-dire de parcours relativement brefs. Louable en termes d’offre alternative à la voiture. Mais cette seule réflexion n’est pas suffisante. La Suisse romande, c’est aussi une continuité territoriale vers Genève, comme il en existe une entre les villes importantes de Suisse alémanique et Zurich.
Déjà que Genève passe pour «unschweizerisch», cette relégation en ligue B de la ligne du pied du Jura n’est une bonne nouvelle ni pour la cité du bout du lac, ni pour l’Arc jurassien, partie alémanique comprise, ni même pour la Suisse romande dans son ensemble. On rappellera qu'il n’y a plus un seul train de nuit au départ d’une grande ville de Suisse romande, quand Zurich et Bâle en comptent plusieurs.
Les CFF se mettraient-ils déjà à rétropédaler? «Aux heures de pointe», les passagers des IC5 ne seraient pas tenus de changer de train à Renens. Les parlementaires genevois, neuchâtelois et jurassiens feront certainement entendre leurs voix à la session d’été des Chambres fédérales, qui s’ouvre le 30 mai.