Douze ans de règne, et puis s'en va. Alain Berset a annoncé qu'il ne se représenterait pas au Conseil fédéral en décembre prochain, après les élections fédérales. Avec élégance, en fin de son mandat, en respectant les délais.
Avec lui, nous Romands, perdons notre meilleur atout à Berne. Celui qui attirait l'attention de Zurich au-delà de la Sarine, qui faisait rayonner un peu du Léman sur les Quatre-Cantons. Lui, l'homme fort du Covid, celui qui savait se faire respecter des Alémaniques.
Passons tout de suite par-dessus son bilan: l'homme a servi dans un département difficile, où la moindre réforme se négocie durement, qu'il s'agisse de retraite ou de primes maladie. Et pour le Covid, le scénario parfait n'existait pas. Non, c'est bien au niveau du style politique que le socialiste a joué ses meilleurs tours.
Car Alain Berset, c'est le Romand sûr: il a les attributs latins que lorgnent les Alémaniques avec envie, mais toutes les qualités que ceux-ci se «doivent» d'imposer au bon fonctionnement des institutions suisses.
Tout d'abord, Berset, c'est un homme de dossiers. Il connaît les détails, il lit les caractères en petit. C'est un vrai Welsche. Certes moins chiant qu'un Bernois, mais pas loin: un de ces Fribourgeois, ces individus qui ont bien appris l'allemand et qui bossent dur.
Mais Alain Berset, c'est plus que ça, c'est la french touch qui manque aux Alémaniques: un ministre charmant mais puissant, un politicien qui aime convaincre en souriant, en séduisant. Tiré à quatre épingles et avec un vestiaire entier de couvre-chefs, il aime le jazz, le cinéma, la culture.
Le ballon de blanc et les fanfares populaires, il peut les laisser à Guy Parmelin. Les gouvernants ruraux et accessibles, les Alémaniques les adorent certes, mais ils en ont déjà des tonnes. Et contrairement à Elisabeth Baume-Schneider, Berset est un latin flegmatique, mais pas dissipé — ce que les Suisse-Allemands abhorrent: il ne gesticule pas, il arrive à l'heure, il ne parle pas plus que nécessaire. C'est l'équilibre parfait.
Le socialiste offre cela: une maîtrise des affaires toute germanique, mais une sensibilité latine qui voyage allègrement par-dessus la Sarine. Ce véritable «Pont de la Poya» politique n'en a pourtant plus que pour six mois au Conseil fédéral.
Les Romands qui peuvent se la jouer people en politique tout en restant crédibles deviennent des champions à Berne. ll y a eu Delamuraz ou Couchepin, mais soyons honnêtes: Alain Berset a symbolisé la quintessence moderne du Romand bien sous toutes coutures, solide, mais charmeur. Et on ne risque pas d'en revoir un comme ça avant un petit moment.