Lors des premières phases de la pandémie, au printemps 2020, près d'une entreprise suisse sur quatre a demandé un crédit Covid à l'Etat. Au total, la Confédération a mis 16,9 milliards de francs sur la table pour aider les entreprises pendant le semi-confinement, dans le cadre de la plus grande opération de soutien étatique de ce type dans l'histoire du pays.
Berne ne s'attendait pas à récupérer tout cet argent. Selon la NZZ Am Sonntag, la Confédération table sur une perte allant jusqu'à 1,7 milliard de francs... dont une bonne partie pourrait être causée par des fraudes. Selon les derniers chiffres du Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco), relatifs à début janvier, le montant des abus s'élève déjà à 374 millions de francs.
Au total, 3458 plaintes pénales ont été déposées; 1058 procédures ont été clôturées, tandis que 2400 sont toujours en cours. Les cas frauduleux connus représentent 2,51% de tous les crédits octroyés au niveau national. Un coup d'oeil aux chiffres cantonaux permet de savoir où, en moyenne, il y a eu le plus d'abus.
Les cantons alémaniques dominent le classement. Bâle-Ville est le plus mauvais élève, les abus constatés représentant 4,92% de tous les crédits accordés. Les procédures terminées sont 62, pour un montant d’environ cinq millions de francs, les cas encore en cours 104, pour un total de quelque 14 millions. Le demi-canton rhénan est suivi par Appenzell Rhodes-Extérieures (4%), Zoug (3,65%) et Argovie (3,46%).
Le premier canton romand, Fribourg, occupe la 9e position du classement et affiche un taux d'abus de 3%. A l'exception de Vaud (2,62%), toutes les autres régions francophones se situent au-dessous de la moyenne nationale.
Et le canton le plus honnête est aussi romand: le Jura, où les fraudes n'ont été que 0,56% du total - trois cas en cours et quatre clôturés sur 1244 crédits accordés au total.
Le secteur le plus «coupable» est, de loin, celui des travaux de construction spécialisés, qui cumule plus de 20% des verdicts prononcés, soit 123. Le montant délictueux avoisine les 10 millions de francs. Cette branche est suivie par les secteurs de la restauration (74) et de la construction de bâtiments (44).
Ces dernières années, plusieurs condamnations d’escrocs présumés aux crédits Covid ont défrayé la chronique. En novembre 2022, un homme d’affaires vaudois a écopé de six ans et demi de prison ferme pour avoir fourni de fausses informations sur ses entreprises et gonflé ses chiffres d’affaires. A Genève, un entrepreneur a été condamné à deux ans de prison avec sursis. Il avait indiqué sur le formulaire de demande un chiffre d’affaires de 4,7 millions de francs, soit 100 fois plus qu’en réalité.
D'autres procès vont vraisemblablement avoir lieu à l'avenir. La NZZ rapporte que, selon les experts, de nouveaux cas de fraude pourraient être découverts jusqu'à la fin de 2025. La somme pourrait alors dépasser le seuil d'un demi-milliard de francs.