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Covid-19: les contrats d'achat du vaccin au coeur de la loi

L'OFSP refuse de donner le prix des vaccins Covid et ça cache un problème

La CFV et l
L'OFSP recommande aux personnes vulnérables de recevoir une dose de vaccin anti-Covid-19 en automne/hiver 2023/2024Keystone
L'OFSP ne veut pas tenir compte des recommandations du Préposé fédéral à la transparence – et maintient les nombreuses censures dans les contrats de vaccination. Le Parlement veut inscrire ce manque de transparence dans la loi.
15.01.2024, 18:5015.01.2024, 19:07
Anna Wanner / ch media
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L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) refuse de révéler combien il a payé pour les quelque 61 millions de doses de vaccin Covid-19. Malgré une recommandation claire du Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) de rendre publics des passages décisifs des contrats de vaccins, l'office s'en tient aux nombreux caviardages. C'est ce qu'explique l'OFSP dans une décision adressée à l'avocat et conseiller national UDC Rémy Wyssmann.

L'élu soleurois se bat depuis bientôt trois ans pour la transparence. Concrètement, il a exigé la publication des coûts des vaccins Covid ainsi que des risques de responsabilité que l'OFSP a pris lors de l'achat. Pour cela, il a demandé à avoir accès à six contrats de Pfizer, Moderna, Jannsen, CureVac, AstraZeneca et Novavax.

Après deux procédures de conciliation, il n'est pas beaucoup plus avancé: les contrats de vaccination sont certes publiés, mais ils sont tellement noircis qu'aucune information importante n'est lisible. L'OFSP estime qu'une publication fausserait la concurrence au détriment des fabricants. En raison de la transparence, ils devraient se contenter de prix plus bas. Cela va à l'encontre des intérêts de la Suisse, qui espérait avant tout un accès rapide et sûr aux vaccins.

La lutte pour la publicité coûte cher

Cette explication n'a déjà pas suffi au Préposé à la transparence lors d'une première tentative. Rémy Wyssmann veut contester la décision de l'OFSP devant le tribunal. Il va déposer un recours ce mois-ci. Pour ce faire, l'avocat doit mettre la main au porte-monnaie, une avance de frais pour l'audience du tribunal pouvant aller jusqu'à 5000 francs. Des indemnités élevées pourraient également s'y ajouter.

Rémy Wyssmann, conseiller national UDC.
Rémy Wyssmann, conseiller national UDC.Image: PARTEI

Les entreprises pharmaceutiques concernées ont engagé des cabinets d'avocats renommés. Si Rémy Wyssmann perd, il devra payer leurs frais. Cela peut rapidement monter jusqu'à plusieurs dizaines de milliers de francs.

«J'essaie en tout cas de rendre les contrats de vaccins publics, tout en visant à minimiser les risques financiers, précise l'élu soleurois. Je ne fais pas ça pour moi. Je le fais pour le public»
Rémy Wyssmann

Les exceptions sont de plus en plus nombreuses

C'est aussi une déclaration de guerre contre quelque chose qui ne préoccupe pas seulement Rémy Wyssmann. Les exceptions prévues par la loi sur la transparence (LTrans) se multiplient. L'année dernière, le Préposé fédéral à la transparence Adrian Lobsiger a signalé que ce nombre «augmentait de façon accélérée». Il a donc commencé à tenir une liste. Dans son rapport d'activité 2022/23, il énumère trente dispositions légales effectives ou prévues qui restreignent le principe de transparence.

Adrian Lobsiger
Adrian LobsigerKeystone

Rémy Wyssmann qualifie la démarche des autorités de «particulièrement perfide». La discussion sur ce qui doit être rendu accessible au public et ce qui doit rester caché est morcelée.

«La loi sur la transparence se transforme insidieusement en une coquille vide»
Rémy Wyssmann

Les exemples les plus récents sont le plan de sauvetage de la Confédération pour le secteur de l'électricité ainsi que l'ordonnance d'urgence pour le sauvetage de Credit Suisse. Dans les deux cas, le Conseil fédéral a décidé de ne pas fournir d'informations au public.

Actuellement, le Parlement envisage de retirer au public l'acquisition de dispositifs médicaux. Dans un cadre plus restreint, il s'agit d'indemniser des médicaments innovants en oncologie ou pour des maladies rares. «Si la Suisse veut continuer à garantir l'économicité et l'approvisionnement en médicaments à prix élevés, l'OFSP, chargé de fixer les prix, est tenu de mettre également en œuvre de tels modèles de prix», a expliqué le Conseil fédéral. Autrement dit, le monde entier fait de même, la Suisse se trouverait désavantagée si elle rendait transparents les prix des médicaments.

Dans la pratique, cela signifie que l'on convient avec le fabricant d'un prix vitrine pour un médicament, mais que celui-ci rembourse ensuite un rabais secret également négocié. Même le patient ne sait donc pas combien coûte réellement un médicament. Le Conseil fédéral et le Parlement sont convaincus que cela profite aux patients et, en fin de compte, aux payeurs de primes: d'autres Etats auraient négocié des rabais de 20 à 29% pour les médicaments à prix élevé, mais cela pourrait aller jusqu'à 60%.

Tous les achats dans le domaine médical ne sont plus publics?

Le Parlement pourrait sceller la loi dès le printemps. Sachant qu'elle va bien au-delà des thérapies innovantes contre le cancer et des achats de vaccins. Dans un premier projet, le Conseil fédéral a également étendu les exceptions à la liste des moyens et appareils dans le domaine médical. Le Tages-Anzeiger a récemment révélé les dérives auxquelles peut conduire le manque de transparence, par exemple pour les stimulateurs cardiaques.

Pourtant, une exception au principe de transparence n'est pas forcément indiquée, comme le montre l'exemple de la nouvelle thérapie par cellules CAR-T. Un journaliste a exigé la publication des coûts de ce traitement complexe et coûteux. L'OFSP a fait la sourde oreille, le PFPDT a déclaré qu'il n'y avait pas de base légale pour la confidentialité.

Mais le tribunal a tranché en faveur des entreprises pharmaceutiques. La mise à disposition de la thérapie cellulaire CAR-T serait «très probablement compromise» en Suisse si les accords de prix confidentiels entre les hôpitaux et les titulaires de l'autorisation étaient rendus publics. La loi tient déjà compte aujourd'hui de la préservation des intérêts du pays et des gens ainsi que des secrets commerciaux dignes de protection.

Un tribunal arrivera-t-il à la même conclusion dans un cas différent, comme celui des vaccins? En tout cas, les services et les entreprises concernés semblent désormais vouloir se couvrir, le texte de loi est écrit.

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