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Drame

«Il pleut des cadavres»: il y a 20 ans, le crash d'Überlingen

Il y a 20 ans, l'une des pires catastrophes aériennes jamais vues en Europe a eu lieu au-dessus du lac de Constance.
Il y a 20 ans, l'une des pires catastrophes aériennes jamais vues en Europe a eu lieu au-dessus du lac de Constance.aargauer zeitung

«Il pleut des cadavres!»: il y a 20 ans un crash meurtrier choquait la Suisse

Il y a 20 ans, l'une des pires catastrophes aériennes jamais vues en Europe a eu lieu au-dessus du lac de Constance. Deux avions se sont percutés en plein vol, emportant avec eux la vie de 72 personnes. Les témoins et services d'urgences se remémorent ce qui est resté pour eux le pire moment de leur vie.
01.07.2022, 18:3304.07.2022, 12:20
Raphael Rohner / ch media
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Nous sommes le 1er juillet 2002. Peu avant minuit, une détonation terrible résonne dans le ciel, au-dessus du lac de Constance. Stefan Borkert, journaliste au journal saint-gallois St. Galler Tagblatt, l'entend. Il sort dans la rue et regarde le ciel nocturne. «Il n'y avait rien à voir», se souvient-il. A première vue en tout cas. Un sentiment étrange le submerge.

«J'ai tout de suite compris que quelque chose de grave était arrivé»

Puis son téléphone sonne: quelque chose est arrivé au-dessus de la commune d'Überlingen, de l'autre côté du lac, en Allemagne. Stefan Borkert saute dans sa voiture et roule à toute vitesse, se préparant au pire. Il se fait même flasher par un radar.

«Quand je suis arrivé à Überlingen, mes craintes se sont confirmées», confie-t-il. Là, des débris jonchent le sol, un réacteur d'avion s'était même écrasé dans le jardin d'un particulier. «Les habitants étaient complètement sous le choc.»

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«Les lumières bleues, les sirènes...»

Miraculeusement, personne n'a été blessé au sol. Les bulletins radio relatant le drame commencent à être diffusés: deux avions se sont percutés en plein vol, au-dessus de la commune.

Stefan Borkert commence à prendre des photos et à interroger les riverains. Vingt ans plus tard, il se souvient: «Les lumières bleues, les sirènes et toujours plus de personnes ont débarqué sur place. La police et les services de secours ont commencé à s'amasser. Des hélicoptères tournaient dans le ciel, des sauveteurs avec des chiens ont commencé les recherches». Les souvenirs et photos prises ce jour-là n'ont plus jamais quitté le reporter.

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«Il y avait des morceaux de corps dans les champs, dans les arbres. Des valises brisées dont se déversaient des habits et des affaires pour enfants.» A ce moment-là, le journaliste apprend que les restes du deuxième avion ont été repérés, à un kilomètre au nord de là.

«C'est le pire évènement sur lequel j'ai dû travailler en tant que journaliste. Après cela, il faut apprendre à vivre avec ces images dans sa tête»
Stefan Borkert

Au début, les services d'urgences espéraient encore retrouver des survivants. Mais il s'avérera très vite évident que personne n'a survécu au double crash.

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Selon le rapport d'incident, il était 23 heures, 35 minutes et 32 secondes lorsqu'un Tupolev de Bashkirian Airlines et un avion-cargo de DHL se sont percutés à environ 10,5 kilomètres d'altitude au-dessus de la rive nord du lac de Constance.

A l'origine du drame: un malentendu entre un contrôleur aérien de Skyguide, à Zurich, et les pilotes. Et bien que les deux avions étaient équipés d'un système automatique d'alerte de collision (TCAS), celui-ci était désactivé lors de l'impact.

Les habitants sont encore traumatisés

Les débris des deux appareils ont été retrouvés sur une zone de près de 30 kilomètres carrés. Aucun des 71 passagers et membres d'équipage n'a survécu. Parmi les victimes se trouvaient 49 écoliers russes originaires de la région de Bachkirie, dans l'Oural. Ils étaient en route pour leurs vacances d'été, en récompense de leurs bons résultats scolaires.

Dans une interview de l'époque, le désormais ancien chef de la police, Hans-Peter Walser, se rappelle des mots choquants prononcés lors d'une conversation radio des forces de l'ordre:

«Il pleut des cadavres du ciel!»

«Au petit matin, nous nous sommes vraiment rendu compte de l'étendue du drame», se souvient Stefan Borkert. Près de 5000 agents de police mobilisés ont alors commencé à ratisser la zone, mètre par mètre.

Un agriculteur du coin se souvient de cette nuit d'horreur: «Après la détonation, les débris et les enfants tombaient littéralement du ciel. C'était l'horreur. Cette catastrophe a marqué énormément de gens, par ici. Presque tout le monde est dans mon cas et beaucoup ont encore du mal à dormir ou souffrent du traumatisme de cette expérience, encore aujourd'hui. Ma compagne, qui travaillait à l'époque dans les services de secours, se sent encore mal à chaque fois qu'elle entend un avion».

«Nous avons retrouvé des restes de corps et de métal durant des semaines. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, quand je suis au volant de mon tracteur, je les vois dispersés dans mon champ, même s'il n'y a plus rien»
Un agriculteur local
«Nous avons aujourd'hui une culture de la sécurité complètement différente de celle de l'époque», dit le chef de la sécurité de Skyguide.
«Nous avons aujourd'hui une culture de la sécurité complètement différente de celle de l'époque», dit le chef de la sécurité de Skyguide.Aargauer zeitung

Un contrôleur aérien poignardé par vengeance

L'incident a aussi profondément marqué Skyguide. Klaus Affholderbach, chef de la sécurité du service de contrôle aérien suisse, se souvient très bien du drame, et pour cause: c'était son premier jour de travail. «J'étais en route pour commencer mon premier jour, à Genève, quand j'ai entendu l'information à la radio», raconte l'homme de 53 ans. «Sur le moment, je pensais que j'avais mal entendu.» A l'arrivée, on lui confirme pourtant que deux avions se sont percutés en plein vol, de l'autre côté du pays.

«Ce jour-là, tout ce qui aurait pu mal se passer est arrivé. C'était un jour noir absolu»

Le service de contrôle aérien suisse fait les gros titres de la presse internationale, et pas de la meilleure manière. L'entreprise a dû reconnaître plusieurs erreurs et, finalement, quatre collaborateurs ont été reconnus coupables d'homicide par négligence et ont été condamnés à des peines avec sursis.

Le drame ne s'arrête pas là. En 2004, un citoyen russe, lié à trois des victimes de l'accident, retrouve le contrôleur aérien de service la nuit de l'accident et le poignarde mortellement à son domicile, à Zurich.

Des systèmes de sécurité revus en profondeur

Klaus Affholderbach n'a rien oublié de l'accident, 20 ans plus tard. «J'ai analysé l'accident dans les moindres détails au cours des 18 derniers mois. Nous avons aujourd'hui une culture de la sécurité complètement différente de celle de l'époque: près de 50 personnes travaillent uniquement à la gestion de la sécurité et à la surveillance constante des systèmes. Une panne complète de l'un d'eux, comme cela est arrivé à l'époque, n'est pratiquement plus possible grâce au principe de doubles protections mis en place (réd: redondances).»

Une plaque portant le nom des victimes est présente sur les lieux du drame.
Une plaque portant le nom des victimes est présente sur les lieux du drame.aargauer zeitung

Un mémorial avec des perles de taille humaine en aluminium a été érigé sur les lieux où les débris se sont écrasés. Les noms des 71 victimes y sont inscrits sur une plaque commémorative. Une manifestation doit avoir lieu le jour du funeste anniversaire.

Un avion-cargo DHL se brise en deux lors d’un atterrissage d’urgence
Video: watson
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